Une première délégation formelle de mineurs animera à la COP28 un débat autour du rôle du minage de Bitcoin dans la transition énergétique propre. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Le plus grand forum mondial dédié à la lutte climatique est présidé cette année par un magnat émirati du pétrole, alors pourquoi l’application technologique taxée sans effort d’«écocide planétaire» en serait-elle absente?
Non, pas question de parler ici de piscine et transaction sur Bitcoin même si l’inénarrable Alex de Vries a encore frappé.Ce scientifique des données de la banque centrale néerlandaise, réputé pour des prédictions aussi alarmistes qu’imprécises dès qu’il aborde l’industrie crypto, a estimé cette fois que chaque échange sur la plus connue des blockchains publiques nécessitait l’équivalent de 16 000 litres d’eau. De quoi remplir une petite piscine de natation pour particuliers. Ou, selon nos calculs, à raison d’une moyenne transactionnelle de 400 000 opérations quotidiennes, Bitcoin aurait déjà siphonné l’entièreté de l’eau disponible dans les bassins du Parc olympique de Montréal en un peu plus d’un jour.
Il ne s’agit ni de la première ni de la dernière étude catastrophiste en la matière.
«L’empreinte hydrique de Bitcoin était similaire à la quantité d’eau nécessaire pour répondre aux besoins actuels en eau domestique de plus de 300 millions de personnes dans les zones rurales d’Afrique subsaharienne», avait préalablement confirmé fin octobre une étude de l’Institut pour l’Eau, l’Environnement et la Santé de l’Université des Nations Unies (UNU-INWEH), basé à Hamilton en Ontario.
L’étude précise que pour compenser les émissions de carbone du minage de Bitcoin, près de 4 milliards d’arbres devraient être plantés, occupant une superficie équivalente à une partie non négligeable de la forêt amazonienne (7%).
S’il ne nous appartient pas de mettre en cause la scientificité de ces respectables travaux, signalons simplement que cette étude de l’ONU reprenait comme sources de données des chiffres datés… d’Alex de Vries, ainsi que l’indice de consommation CBECI de la prestigieuse Université Cambridge qui a pris soin de déclarer en septembre dernier que «la consommation électrique réelle de Bitcoin reste insaisissable et ne peut être qu’approximative».
Seule certitude donc, le réseau Bitcoin constitue un système décentralisé et en pair-à-pair de cash électronique. Disposons-nous du luxe énergétique de nous l’offrir? Le débat n’a toujours pas trouvé d’épilogue, tant les avis divergent autant que les intérêts des parties prenantes à la COP.
Des mineurs de bitcoin à la COP?
Bref, changement d’ambiance. Destination sous le soleil dubaïote où se tient depuis cinq jours déjà la 28e Conférence des Parties (COP) des Nations Unies, la crème de la crème des forums intergouvernementaux relatifs au changement climatique. Avec quelque 70 000 participants, des chefs d’État aux chefs d’entreprises, des experts scientifiques aux groupes de pressions politiques, on est à mille lieues d’un événement écolo «inspirationnel» mais bien dans un cadre de négociations dont l’immensité des enjeux n’a d’égal que l’imperfection des résultats.
La COP, c’est le rendez-vous où se réunit le monde entier pour faire face à la crise climatique, en décidant de limiter l’augmentation de la température du globe, en aidant les communautés vulnérables à s’adapter aux effets du réchauffement et en rêvant du zéro émission d’ici 2050, et s’y retrouvent de multiples acteurs autour de sujets on ne peut plus variés.
La technologie de la chaîne de blocs s’invite fréquemment dans les sessions; les cryptoactifs gardent quant à eux moins bonne réputation.
En 2022, les entreprises éditrices de logiciels Consensys et Allinfra avaient réussi à imposer dans l’agenda de la COP la plateforme climatique d’Ethereum, pour promouvoir le «tour de force écologique» réalisé par la communauté œuvrant sur la deuxième blockchain publique la plus connue. Mais une initiative de plateforme climatique comparable pour le Bitcoin n’avait pas encore réussi à s’imposer. Et la pionnière des cryptos restait au ban de la grand-messe environnementale. Jusqu’à ce mardi à tout le moins.
Dans le cadre de la Zone d’innovation, plateforme indépendante partenaire de la COP, une première délégation formelle de mineurs animera le débat autour du rôle du minage de Bitcoin dans la transition énergétique propre. Des dirigeants de «l’industrie crypto-minière» tels que Jaime Leverton, PDG de l’entreprise torontoise Hut8, partageront leurs pratiques concrètes pour favoriser la transition vers une énergie décarbonée, atténuer les émissions de méthane et promouvoir plus largement le développement durable.
Un petit pas vers un vrai débat contradictoire
Cette présence d’acteurs Bitcoin à la COP28 représente un pas de géant pour l’éducation, estime-t-on chez Sustainable Bitcoin Protocol, une société qui émet un certificat de durabilité à tout mineur dont l’activité respecte des critères environnementaux (production écoresponsable de bitcoins et/ou financement du développement des énergies propres).
Les intervenants espèrent que cette première incursion officielle du bitcoin dans les débats climatiques de la COP apportera assez d’échanges constructifs que pour contrebalancer les apologies sans nuance du terrorisme environnemental de cette cryptomonnaie.
Certaines voix sérieuses se sont déjà élevées pour évoquer la place que pourrait vraisemblablement occuper le minage de bitcoin dans le développement des énergies renouvelables mais aussi le financement de leurs infrastructures.
Le cabinet de conseil KPMG a encore mis en exergue dernièrement «le rôle de Bitcoin dans l’impératif ESG»: l’influence stabilisatrice sur les réseaux électriques, l’utilisation de sources d’énergies renouvelables sous-employées ou encore la réduction des émissions de méthane en transformant les gaz résiduaires en électricité.
Autant d’arguments, répétés depuis un certain temps maintenant, que les détracteurs des cryptos ne veulent toujours pas entendre. Car il est toujours plus simple de rejeter ce qu’on ne veut pas comprendre. Cette incursion du minage de bitcoin dans le paysage de la COP irait dans le bon sens, osent espérer les adeptes du bitcoin. Un premier petit pas, certes, mais un petit pas pour moins d’incompréhensions qui pourrait appeler d’autres progrès et emmener sur le long chemin qu’il reste à parcourir jusqu’à l’adoption.
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