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Ce jour où l’Europe a failli abandonner Bitcoin aux États-Unis

François Remy|Publié le 14 mars 2022

Ce jour où l’Europe a failli abandonner Bitcoin aux États-Unis

Les consultants estiment que garantir des prêts avec des cryptomonnaies est une approche très risquée. (Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

 

Ce jour, c’est aujourd’hui. Incroyable, mais vrai. Il s’en est fallu de peu pour éviter que le Parlement européen n’adopte une réglementation qui aurait banni la plus célèbre cryptomonnaie du vieux continent. À la grande satisfaction de nos voisins du sud dont le président a mobilisé toute son administration pour saisir l’opportunité technologique, industrielle et monétaire des cryptos.

Avant toute chose, soyons de bon compte. Les États-Unis n’attendaient pas après la générosité de l’Union européenne pour développer quelconque dominance sur le marché des actifs crypto. Des fournisseurs d’infrastructure blockchain aux plateformes d’échanges, en passant par les services de conservation et les places de ventes de NFT, les entreprises siégeant sur le sol américain tiennent le haut du panier.

En plus, la vision politique en matière de monnaies digitales semble avoir fortement évolué au-delà de nos frontières. Le précédent président des États-Unis ne nous avait habitués qu’à quelques gazouillis peu inspirés sur le fait qu’il n’était «pas un adepte du Bitcoin et des autres cryptomonnaies, qui ne sont pas de l’argent». L’actuel locataire de la Maison-Blanche fait quant à lui preuve de toutes autres considérations. Joe Biden a d’ailleurs dévoilé une stratégie nettement moins improvisée en signant la semaine dernière un décret visant le «développement durable des actifs numériques».

Tout un symbole. Le président Biden qui mise sur la crypto pour défendre la prédominance du dollar sur le système financier mondial, pour cerner les enjeux sociétaux liés à cette fameuse finance décentralisée, pour assurer le leadership technologique de la première puissance économique de la planète. En réalité, ce décret n’apporte pas de réels changements concrets à l’heure d’écrire ces lignes. L’intervention politique se résume plus à une grosse commande passée à toutes les agences fédérales afin d’enfin comprendre de quoi on parle quand il est question de cryptomonnaies.

Sur cette toile de fond géopolitique, imaginez désormais qu’un marché de 500 millions de consommateurs ferme ses portes au bitcoin. C’est précisément ce que le jeune écosystème crypto a failli vivre comme cauchemar industriel ce lundi 14 mars en Europe.

Il s’en est fallu de très peu pour que les législateurs européens écrivent un nouveau chapitre des GAFAM, mais au sujet cette fois des actifs crypto. Sept parlementaires avisés. Voilà la toute petite différence qui permet pour l’instant à Bitcoin et Ethereum de ne pas être bannis de l’Union européenne.

En effet, 30 députés de la Commission des affaires économiques et monétaires ont voté ce lundi contre des «amendements scandaleux d’ignorance techniques», pour reprendre les mots d’entrepreneurs crypto en France.

Ces amendements à la réglementation dite MiCA (pour Markets in Crypto-Assets) condamnaient le protocole de consensus des deux principales blockchains estimés arbitrairement «non durables». 23 parlementaires les ont soutenus au risque, comme l’a vivement alerté la communauté crypto, de signer l’arrêt de mort de l’industrie du bitcoin sur le vieux continent. Et par là, tout un pan de la compétitivité industrielle de l’Union.

Fort heureusement, dans un éclair de lucidité, le projet de règlement MiCA passe désormais au trilogue, un cycle formel de négociations entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européens. Plusieurs mois devraient s’écouler avant un accord final et une entrée en vigueur de la réglementation crypto européenne.

Les groupes politiques qui désireraient ramener cette interdiction du bitcoin sur la table des négociations disposent encore de procédures leur permettant de parachuter le tout en session plénière du Parlement européen. Mais on peut espérer que les décideurs européens, qui cherchent malgré tout à réduire leur dépendance aux systèmes de paiement étatsuniens, n’abandonnent pas ce puissant moyen financier que constituent manifestement les cryptomonnaies.