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Comptabilité: cinq défis pour apprivoiser l’IA avec précaution

Karl Rettino-Parazelli|Édition de janvier 2024

Comptabilité: cinq défis pour apprivoiser l’IA avec précaution

Il faut miser sur la formation des employés pour leur permettre de se familiariser avec l’IA et l’analyse de données. (Photo: 123RF)

Intégrer l’intelligence artificielle (IA) à un cabinet ou à une équipe comptable ne se fait pas toujours sans heurts. Voici les cinq principaux défis que des experts du domaine ainsi que les cabinets qui en ont fait l’expérience ont détectés.

 

1. Les gestions du changement

Même si les nouvelles technologies sont plus accessibles qu’auparavant, leur intégration ne se fait pas instantanément, signale Alain Fortier, associé en certification chez Mallette. « Ce n’est pas du « plug and play », dit-il. Les outils doivent être arrimés aux méthodes de travail de l’entreprise. »

Il faut aussi prévoir une période de transition pour permettre aux employés de s’adapter aux changements qu’on leur présente, affirme-t-il. « Le quotidien des employés est grandement affecté par l’arrivée de ces applications. »

 

2. La sécurité

« Dès qu’un outil est connecté à Internet, il y a un risque en matière de sécurité », prévient Mario Malouin, CPA et professeur de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) spécialisé en IA et en gestion de données.

Pour éviter que des données financières sensibles soient compromises, il conseille de poser des questions à son fournisseur de services concernant ses normes de sécurité informatique. « Chaque entreprise devrait également avoir une politique claire encadrant l’usage des outils utilisant l’IA », ajoute-t-il.

Pour ce qui est de ChatGPT, il peut être utile pour nourrir une réflexion concernant les règles comptables à appliquer dans un cas précis, mais pas pour analyser les données d’un client, rappelle Olivier Blais, cofondateur de Moov AI, puisque cet outil « ne garantit pas la sécurité des données ».

 

3. La qualité des données

Un cabinet comptable peut avoir les outils les plus performants sur le marché, encore faut-il que les données fournies par le client soient bien structurées, à jour et de bonne qualité. « Pour être en mesure de digérer l’information de nos clients avec nos technologies, il faut souvent nettoyer les bases de données », affirme Dominique Hamel, associée et leader audit pour le Québec chez KPMG.

« Pour faire un audit plus technologique, on a besoin de la collaboration du client. Il faut qu’il partage avec nous ses bases de données et nous fournisse l’information requise. Si un client n’a pas cette volonté, on se replie vers une façon d’auditer plus traditionnelle », ajoute-t-elle.

 

4. La fiabilité des réponses

« L’IA est un outil de travail incroyable qui nous offre des possibilités additionnelles d’analyse, qui nous permet d’identifier davantage de situations problématiques, mais il faut toujours demeurer critique face aux résultats », met en garde Alain Fortier, du cabinet Mallette. « L’IA va peut-être cibler la nature du travail d’analyse qu’il me reste à faire, mais ça ne veut pas dire que mon travail s’arrête une fois que l’IA donne sa réponse », renchérit Mario Malouin.

C’est vrai dans le cas d’outils d’audit, qui peuvent par exemple cibler des transactions présentant un risque de fraude, mais aussi d’applications d’IA générative, comme ChatGPT, dont les réponses peuvent dans certains cas être incomplètes ou carrément fausses.

Les résultats fournis par l’IA soulèvent par ailleurs de nouvelles questions pour le professionnel qui mène un audit, fait remarquer Marc-André Paquette, de CPA Canada. « Maintenant que je connais par exemple toutes les erreurs potentielles, qu’est-ce que j’en fais ? » dit-il. Autrement dit, faut-il viser l’audit parfait, quitte à submerger le client de demandes de documents justificatifs, ou plutôt faire la part des choses pour se concentrer sur les anomalies les plus évidentes ?

5. La formation

L’arrivée de nouveaux outils de travail change la composition des équipes d’audit, indique Dominique Hamel, de KPMG. « On doit s’assurer d’avoir des gens compétents pour utiliser ces technologies », dit-elle. « Les profils de nos ressources vont évoluer », acquiesce Alain Fortier, de Mallette.

Ces deux cabinets misent sur la formation de leurs employés pour leur permettre de se familiariser avec l’IA et l’analyse de données, mais Marc-André Paquette, de CPA Canada, constate qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.« Je dirais que la plupart des CPA doivent approfondir leurs connaissances sur les technologies afin d’être en mesure de les utiliser dans un contexte de travail », lance-t-il.

La plupart des universités québécoises ont déjà commencé à intégrer les nouveaux outils technologiques dans la formation des futurs CPA, « parce que le marché le demande », affirme Mario Malouin, de l’UQO, qui enseigne la comptabilité aux étudiants de deuxième cycle. « L’enjeu pour les universités, note-t-il, est de suivre le rythme d’avancement technologique, surtout s’il se met à accélérer. »