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Crise des médias: «on n’a pas de temps à perdre»

La Presse Canadienne|Publié le 27 novembre 2023

Crise des médias: «on n’a pas de temps à perdre»

Mirko Bibic, PDG de Bell Canada (Photo: La Presse Canadienne/Justin Tang)

L’heure est grave pour l’industrie télévisuelle canadienne, s’inquiète le président et chef de la direction de BCE, Mirko Bibic, qui demande au CRTC d’adapter d’urgence son cadre réglementaire.

«On n’a pas de temps à perdre, insiste le patron de la maison-mère de Bell Média en entrevue, lundi, en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal. Si on veut assurer la pérennité de l’industrie des médias au Canada et le contenu canadien, ou québécois, il faut agir maintenant.»

L’industrie télévisuelle canadienne traditionnelle traverse une période difficile en raison de la concurrence des géants du web et des plateformes américaines en diffusion continue.

Dans le marché publicitaire canadien, estimé à 17 milliards de dollars (G$), la télévision traditionnelle en capte environ 5G$. «Quand même, c’est un gros morceau, mais c’est en déclin.»

La crise est renforcée par le ralentissement économique qui amène les annonceurs à réduire leurs dépenses publicitaires. «Quand est-ce que les compagnies vont se dire qu’il faut réinvestir dans la publicité? Je ne sais pas. On a cru l’année passée que ça rebondirait au cours de la deuxième moitié de 2023. Ce n’est pas arrivé. Est-ce que ça va être à la deuxième moitié de 2024? Je ne le sais pas.» 

Les services de nouvelles, qui comprennent les bulletins des chaînes Noovo et de CTV, ont enregistré une perte de 40 millions de dollars (M$) l’an dernier.

Sans soutien financier, cette situation n’est pas viable, juge Mirko Bibic. Bell Média demande qu’on force les plateformes étrangères à contribuer aux fonds de productions canadiens. L’entreprise veut également qu’une partie de ces sommes soit consacrée à la production de nouvelles.

«Continuer de produire les nouvelles sans fonds de production, ce ne sera pas possible, prévient Mirko Bibic. À long terme, perdre 40M$ par année, ce n’est pas faisable.»

Chez ses concurrents, on fait le même constat sur les difficultés de l’industrie. Le Groupe TVA a annoncé plus tôt en novembre qu’il mettait à pied 547 personnes, soit 31% de ses effectifs.

Mirko Bibic a d’ailleurs eu des mots durs envers le CRTC lors de son allocution devant les membres du Cercle canadien. Il a accusé le tribunal administratif de faire preuve «d’un manque d’intérêt apparent» pour les difficultés des télédiffuseurs privés.

En entrevue, il précise ce qu’il veut dire par «désintérêt apparent».

«Ça va prendre quelques années pour le CRTC de rendre leur décision sur tous les éléments du nouveau cadre de diffusion.»

«Ils ont indiqué que le dernier élément qu’ils vont élaborer, c’est l’allégement « potentiel » des règles qui s’appliquent aux radiodiffuseurs traditionnels. Donc le dernier élément qu’ils vont aborder, c’est le sujet qui est le plus urgent d’après notre point de vue.»

«C’est évident que l’industrie des médias passe une période très très creuse et ça ne devrait pas être le dernier élément à aborder, tranche-t-il. Ça devrait être le premier. C’est pour ça que je dis ça.»

Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction du CRTC en fin d’après-midi.

 

Des inquiétudes pour l’information régionale

En juin, Bell a également demandé au CRTC d’alléger ses obligations en matière de diffusion pour ses bulletins régionaux de nouvelles. Or, cette demande soulève des inquiétudes parmi les employés et les défenseurs de l’actualité régionale.

Mirko Bibic juge, pour sa part, que les conditions imposées par le CRTC sont trop restrictives. «S’il y a de quoi dans l’actualité qui se passe au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est là qu’on veut diriger nos ressources pour pouvoir faire des reportages appropriés ancrés dans l’actualité. Au lieu de nous dire: « il faut qu’il y ait cinq heures en Estrie, cinq heures en Outaouais et cinq heures au Saguenay—Lac-Saint-Jean ».»

Est-ce que Bell Media pourrait fermer des stations régionales si le CRTC accédait à sa demande? Mirko Bibic n’a pas voulu se commettre. «C’est encore une question d’aligner notre structure de coûts avec le potentiel de générer des revenus. On est en pleine crise des médias. Je ne peux pas répondre à votre question en vous donnant de garantie d’un bord ou de l’autre. C’est impossible.»