L'USDC est un «stablecoin», c'est-à-dire une devise virtuelle indexée sur une monnaie créée par une banque centrale, en l'occurrence le dollar américain.(Photo: 123RF)
Comme toute innovation technologique, le secteur des cryptomonnaies doit être régulé, affirme lors d’un entretien à l’AFP Jeremy Allaire, le cofondateur de la société américaine Circle, qui a créé l’une des cryptomonnaies les plus populaires au monde.
«Nous devons mettre en adéquation la technologie avec les objectifs sociaux», estime le PDG, de passage à Paris, le siège de Circle en Europe, en début de semaine.
Dans la famille des cryptomonnaies, Circle propose un produit un peu à part, des «stablecoins»: l’USDC, une cryptomonnaie dite stable, car indexée sur le dollar. Quelque 35,5 milliards de dollars américains d’USDC sont actuellement en circulation.
Circle a aussi créé l’EURC, cette fois-ci adossée à l’euro.
Comme les autres cryptomonnaies, les transactions sont enregistrées sur un registre décentralisé, la blockchain, et non pas par une banque comme pour les devises classiques. Mais, alors que les cryptomonnaies comme le bitcoin voient leurs cours fluctuer de façon importante, les créateurs de stablecoins visent un prix stable.
Les stablecoins sont notamment utilisés pour faciliter les échanges de cryptomonnaies entre elles par les investisseurs, sans devoir passer par une banque. Mais ils donnent aussi accès aux utilisateurs à un produit arrimé au dollar sans avoir de compte bancaire aux États-Unis, et permettent les paiements ou transferts d’argent transfrontaliers.
Du fait de ces usages, d’autant plus dans un monde dopé aux évolutions technologiques, il est important de mettre en place des garde-fous, commente le dirigeant.
«Si je crée un logiciel pour contrôler un système de missile balistique, cela devrait être une activité réglementée (…) La crypto, c’est la même chose», estime Jeremy Allaire.
Fraudes
Est-ce un vœu pieux? Les cryptomonnaies ont défrayé la chronique depuis leur création, de leur extrême volatilité au naufrage de plusieurs géants du secteur, au premier rang desquels la faillite de la plateforme d’échanges FTX.
Sans oublier leur usage potentiellement frauduleux. Le bitcoin reste la monnaie de choix pour payer sur le darknet sans laisser de trace, et extorquer des fonds via des attaques par rançongiciels, qui bloquent l’accès au système informatique de leurs victimes et réclament le versement d’une rançon.
Selon un rapport récent du cabinet d’analyses Chainanalysis, le premier semestre 2024 a été marqué par une diminution des activités illicites. Pourtant, sur cette période, 460 millions de dollars américains ont été payés pour des rançongiciels, un chiffre en hausse de 2% sur un an.
«La technologie est entièrement open source. Toute l’infrastructure des transactions est publique, visible et vérifiable en temps réel», défend le patron de Circle. «Maintenant, certains utilisent cette technologie en dehors de toute supervision, ou ont commencé à créer des produits à risque. Il y a donc des fraudes, des abus», reconnaît-il.
«Mais ce n’est pas un argument contre la technologie. C’est un argument contre les humains. Et c’est un argument en faveur d’un meilleur encadrement.»
Le sujet est pris au sérieux par les autorités à travers le monde. Le Parlement européen a adopté en 2023 un règlement sur les marchés de cryptoactifs (MiCA, pour Markets in Crypto-Assets), qui prévoit notamment un agrément obligatoire pour les prestataires de services autour des actifs numériques. En juillet, Circle a annoncé être le premier émetteur de stablecoins à se conformer à cette nouvelle réglementation.
Aux États-Unis, une réglementation cohérente peine à être mise en place, mais le sujet est à l’ordre du jour.
«Nous encouragerons des technologies innovantes comme l’intelligence artificielle et les actifs numériques, tout en protégeant nos consommateurs et investisseurs», a promis la candidate démocrate à la Maison-Blanche, Kamala Harris, il y a quelques jours, selon l’agence Bloomberg.
La chambre basse du Congrès des États-Unis a adopté courant mai un cadre légal censé permettre de réguler le marché des cryptomonnaies, la loi pour «l’innovation financière et la technologie du 21e siècle».
De son côté, Circle prépare son introduction à la Bourse de New York, où il va déménager son siège, actuellement à Boston.
«Nous avons choisi New York, tout en haut du World Trade Center, au cœur même du système international du dollar. C’est en partie symbolique (…) Nous espérons construire le premier dollar numérique au monde et passer à ce nouveau système financier sur internet», assène Jeremy Allaire.