Ethereum prévoit de changer mi-septembre le fonctionnement de sa «chaîne de bloc» pour diminuer drastiquement sa consommation énergétique. (Photo: 123RF)
Paris — Révolution en vue pour Ethereum et le monde des cryptomonnaies: la deuxième plus importante chaîne de blocs, après Bitcoin, va bouleverser cette semaine son mode de fonctionnement, afin de devenir moins énergivore dans un contexte de croissance rapide.
Une opération risquée qui doit avoir lieu d’ici jeudi et que certains comparent au remplacement d’un moteur diesel par un moteur électrique… sur un véhicule en marche.
Concrètement, c’est l’un des piliers de cette chaîne de blocs — la technologie qui sert notamment de support aux cryptomonnaies — qui va être modifié. Comme elle fonctionne sans autorité centrale, il revient donc à certains de ses utilisateurs de valider les opérations qui y ont lieu, comme des échanges de NFT.
Jusqu’ici, pour appartenir à ce cercle de «validateurs», il faut résoudre un calcul très complexe demandant une grande puissance de calcul informatique. L’exercice, appelé «Proof of Work» en anglais («Preuve de travail»), consomme une grande quantité d’électricité et l’idée est donc de trouver une alternative plus verte.
Désormais, il faudra donc placer une mise de 32 Ether (la cryptomonnaie associée à Ethereum, soit environ 50 000 euros) pour pouvoir valider sur la «chaîne de blocs», cette somme pouvant être saisie en cas de mauvaise conduite, une méthode appelée «Proof of Stake» («Preuve d’enjeu» en français).
Pour effectuer cette bascule, une mise à jour du réseau principal de la «chaîne de blocs», surnommée «The Merge» («La fusion»), doit intervenir entre mardi et jeudi, avec diverses précautions prises. Les grandes plateformes d’échanges comme Binance ou Coinbase ont par exemple prévu de geler brièvement les échanges en Ether.
Si l’opération réussit, on pourrait faire baisser de «99%» la consommation d’électricité d’Ethereum, estime auprès de l’AFP Lennart Ante, chercheur de la chaîne de blocs Research Lab. Il ne restera «plus aucune infrastructure, juste des logiciels», souligne-t-il.
Première étape
Aujourd’hui, cette «chaîne de blocs» consomme quelque 45 TWh d’électricité par an, soit environ 10% de la consommation annuelle d’électricité de la France.
Cette empreinte carbone pousse actuellement certains artistes et industriels à la boycotter, mais le succès de la transition «pourrait, avec le temps, accroître l’acceptabilité d’Ethereum et de toutes les applications construites sur la “chaîne de blocs”, par les décideurs et les régulateurs», anticipe ING dans une note récente.
«Cela pourrait ensuite stimuler la volonté des institutions financières de développer des services fondés sur Ethereum», poursuit-il.
D’autres experts nuancent cet avis et mettent plutôt en avant les «problèmes fondamentaux» qui subsistent dans le monde des cryptoactifs.
Le manque de traçabilité des détenteurs d’actifs, la gestion des portefeuilles virtuels et l’opacité de la gouvernance sont autant de freins importants pour voir ces systèmes trouver leur place dans l’économie réelle, explique Stéphane Reverre, cofondateur du cabinet d’études sur les cryptomonnaies Sun Zu Lab.
Quoi qu’il en soit, le passage d’un système à un autre, inédit à cette échelle, est une opération ambitieuse, si ce n’est hasardeuse, reconnaissent les développeurs qui s’y préparent depuis fin 2020.
«On est littéralement en train de changer un protocole complet, tout en continuant de faire tourner une économie grâce à lui. Cela peut paraître effrayant», a reconnu Sajida Zouarhi, «architecte chaîne de blocs», lors d’une conférence à Paris.
Et cette opération n’est que la première étape d’une «transition longue et compliquée pour faire d’Ethereum un système bien plus puissant et robuste», capable de traiter plus de transactions, ambitionne le fondateur de cette chaîne de blocs, l’informaticien russo-canadien Vitalik Buterin.
Les investisseurs, en tout cas, ont pour l’instant bien accueilli le projet: le cours de l’Ether résiste mieux que celui du Bitcoin au choc qui secoue le marché des cryptomonnaies depuis quelque temps.