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Derrière le rebond des cryptos, des investisseurs amateurs

AFP|Publié le 07 Décembre 2023

Derrière le rebond des cryptos, des investisseurs amateurs

(Photo: 123RF)

Démocratisation du bitcoin ou énième engouement médiatique? Un nouveau placement grand public, dont la création pourrait être autorisée prochainement, agite les observateurs du secteur des cryptomonnaies et fait monter les cours.

Le prix du bitcoin s’échangeait autour des 44 000 dollars américains en milieu de semaine, encore loin cependant de son pic à près de 69 000 dollars américains atteint en 2021.

Ces derniers mois, le cours des cryptomonnaies est tiré par les spéculations autour de la création d’un fonds indiciel (ETF) en bitcoins, un produit d’investissement qui suivrait directement le prix de la première cryptomonnaie par la capitalisation.

«L’introduction des ETF Bitcoin a le potentiel d’améliorer l’accessibilité du marché pour les investisseurs institutionnels et non professionnels, en [leur] assurant une voie réglementée», qui ne nécessite pas de détenir directement des bitcoins, estime Jeff Billingham, directeur des initiatives stratégiques à Chainalysis, qui répondait à l’AFP.

 

Un enthousiasme relatif

Mais si les cours montent, le marché n’assiste pas pour l’instant à une déferlante de nouveaux investisseurs: aux États-Unis, 17% des adultes interrogés en mars 2023 déclaraient avoir un jour investi ou utilisé des cryptomonnaies, un taux relativement inchangé par rapport à 2021 et 2022, d’après les relevés du Pew Research Center.

De l’autre côté de l’Atlantique, certains signes montrent pourtant que les nouveaux investisseurs français se tournent davantage vers les cryptoactifs: ils sont 54% à y avoir investi, contre 25% des investisseurs traditionnels, selon une étude de l’Autorité des marchés financiers français (AMF) publiée en novembre.

«Nous avons constaté une augmentation de l’activité [dans l’investissement] de cryptomonnaies sur notre plateforme», affirme de son côté Simon Peters, analyste pour le site de négociation en ligne eToro.

Les naufrages en série de plusieurs géants du milieu, dont la plateforme d’échanges FTX, qui a suscité un effondrement des cours en fin d’année dernière, les nombreux projets avortés et systèmes de Ponzi démasqués, n’ont pas échaudé certains convaincus.

«Il n’y a pas plus de scandales dans la crypto que dans la finance traditionnelle», affirme Thomas, 36 ans, travaillant dans la logistique, un investisseur particulier interrogé par l’AFP.

Pour lui, le problème est que le «marché de professionnels» qu’est la crypto est «ouvert aux amateurs», «qui ne maîtrisent pas l’analyse technique».

Christian, 30 ans, consultant en marketing, raconte de son côté avoir «fait toutes les erreurs» et «joué au loto» en 2021, en plaçant son argent dans une trentaine de cryptomonnaies avant leur lancement, sans «trop savoir ce dont il s’agissait».

Seule une minorité a effectivement vu le jour, et il a tout juste récupéré ses mises. Mais la baisse des cours en 2022 l’a délesté d’«une somme à 5 chiffres».

En France, les néophytes en matière d’investissement — notamment en cryptomonnaies — surestiment leur niveau d’éducation financière, ce qui a tendance à biaiser leur perception du risque, avait conclu en novembre dernier une étude de l’OCDE pour l’AMF.

 

Engouement autoréalisateur 

Davantage de «mises en garde» et d’explications sur leur fonctionnement seraient nécessaires de la part des entreprises qui commercialisent des actifs numériques, constate pour sa part Molly White, figure du secteur interrogée par l’AFP, qui plaide aussi pour une sensibilisation à la volatilité de cet actif.

Cette voix critique du monde de la crypto documente certains des pires fraudes et vols en la matière sur son blogue «Web3 is going just great» (Le Web3 se porte à merveille).

La cryptomonnaie n’est «ni un produit ni un service», son prix étant déterminé uniquement par «le battage médiatique et l’attention» qu’on lui porte, souligne-t-elle.

La récente chute du cours du dollar américain a également contribué selon les analystes à faire décoller le prix des actifs numériques, plus lucratifs en comparaison.

D’autres investisseurs, enfin, misent sur le «halving», un ajustement à la baisse de la récompense des mineurs de bitcoins qui se produit une fois tous les quatre ans, et devrait réduire le flot de bitcoins disponibles. Le prochain est prévu en avril 2024.

Pour Molly White, les «récits» avancés pour expliquer le rebond de la cryptomonnaie «ne décrivent pas nécessairement un phénomène réel», mais leur simple médiatisation fait naître des espoirs et dope les cours, selon des cycles d’engouement, suivis de baisse, qui se répètent.