Des entreprises technologiques déplorent la bureaucratie
La Presse Canadienne|Publié le 03 avril 2024Selon Laurent Carbonneau, directeur des politiques et de la recherche au Conseil canadien des innovateurs, les entreprises sont confrontées au fait que le gouvernement soit trop précis sur ce qu’il veut obtenir. (Photo: La Presse Canadienne)
La bureaucratie rend trop difficile pour les entreprises technologiques canadiennes de vendre au gouvernement, selon un nouveau rapport d’un groupe industriel — et toutes ces formalités administratives les empêchent d’accéder à une part plus importante des milliards dépensés en approvisionnement.
Dans certains cas, les entreprises trouvent plus facile de vendre à des gouvernements étrangers, explique Laurent Carbonneau, directeur des politiques et de la recherche au Conseil canadien des innovateurs, qui représente le secteur technologique canadien depuis 2015.
Les entreprises veulent «vendre un bon produit à un juste prix au gouvernement, et elles trouvent que c’est très, très difficile de le faire parce qu’il existe de nombreuses barrières institutionnelles qui les en empêchent», a soutenu M. Carbonneau en entrevue.
Il dit avoir parlé à des entreprises du secteur de la cybersécurité et des technologies de la santé qui sont en mesure de vendre à d’autres pays «sans trop de problèmes».
«En fait, elles le font avec enthousiasme et elles aimeraient pouvoir vendre au Canada, mais leurs propres gouvernements leur rendent la tâche très difficile.»
Dans le secteur de la cybersécurité, les entreprises canadiennes vendent trois fois plus à l’étranger qu’aux clients du secteur public canadien, indique le rapport coécrit par M. Carbonneau.
Le rapport, publié mercredi, indique que les achats des différents ordres de gouvernement représentent près de 15% du PIB du Canada.
Le processus fédéral a conduit à des scandales, tels que les ratés du système de paie Phénix, et ne sert pas les propres objectifs du gouvernement, a-t-il déclaré, citant un rapport du Bureau du vérificateur général en 2023 selon lequel un tiers des applications numériques gouvernementales fédérales dites «essentielles à la mission» étaient «encore considérées en mauvais état».
Les entreprises sont notamment confrontées à des obstacles comme le fait que le gouvernement soit trop précis sur ce qu’il veut obtenir et le manque de dialogue qui empêche les entreprises de poser des questions sans risquer de divulguer des secrets commerciaux, a déclaré M. Carbonneau.
«Il est très facile de définir les spécifications de ce dont vous avez besoin et de dire: OK, maintenant tout le monde est en concurrence sur le prix et nous avons besoin exactement de cela et de rien d’autre, a-t-il déclaré. C’est en fait une très, très mauvaise façon d’acheter des logiciels et tout type de produit innovant dont les paramètres peuvent changer au cours du développement.»
Avoir un système très complexe signifie que ce qui compte, au fond, c’est «votre capacité à naviguer dans le système et non pas réellement ce que vous apportez à la table».
Le processus est également long et fastidieux, ce qui signifie que les entreprises peuvent attendre des mois, voire des années, selon le rapport du Conseil canadien des innovateurs.
«Des couches d’approbations bureaucratiques, bien que justifiables individuellement, rallongent le processus au−delà des délais raisonnables pour les entités commerciales», peut−on lire.
Le Canada pourrait s’inspirer des systèmes d’autres pays, comme les États−Unis, le Royaume−Uni et la Finlande, souligne le rapport. Il suggère que le gouvernement fédéral pourrait copier la Finlande en créant une agence ou en utilisant une agence existante pour servir de pont entre le gouvernement et les entreprises canadiennes.
Le gouvernement devrait également «envisager un instrument direct sous la forme d’un objectif ambitieux en matière de marchés publics pour les petites et moyennes entreprises», indique-t-on.
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne