Des milliers de messages toxiques envoyés aux candidats sortants
La Presse Canadienne|Publié le 26 août 2021Les femmes cherchant à être réélues pour le Parti libéral du Canada recevaient les messages les plus toxiques. (Photo: La Presse Canadienne)
Sur plus de 350 000 commentaires envoyés aux candidats sortants sur Twitter au cours de la première semaine de la campagne électorale fédérale, plus d’un quart ont été considérés comme toxiques, selon le nouveau projet d’un groupe de recherche non partisan.
Sabreena Delhon, directrice générale du Samara Center for Democracy, a déclaré que la recherche, qui n’a porté que sur Twitter, a révélé que 20% des tweets se situaient à l’extrémité basse ou moyenne d’une «échelle de toxicité», contenant des insultes, un langage sexiste ou des commentaires grossiers.
Elle a déclaré que sept pour cent supplémentaires des tweets étaient «gravement toxiques», y compris des commentaires haineux et agressifs ou des menaces de violence contre les candidats ou leurs familles.
«Si vous êtes le destinataire de ces messages, ils sont insidieux. Ils sont implacables. Ils arrivent à un rythme de dizaines, de centaines ou même de milliers par jour», a-t-elle déclaré.
Les résultats du projet jusqu’à présent, qui se déroulera tout au long de la campagne, ont révélé que les libéraux sont le plus souvent la cible de messages toxiques, suivis des conservateurs, des verts, des bloquistes et ensuite des néo-démocrates. Plus d’informations concernant ces chiffres seront disponibles lorsque le premier rapport détaillé sortira plus tard cette semaine.
Sabreena Delhon a déclaré que la recherche a révélé que les femmes cherchant à être réélues pour le Parti libéral du Canada recevaient les messages les plus toxiques au cours de la période étudiée et elles étaient plus de cinq fois plus susceptibles de recevoir des tweets toxiques que les hommes se présentant comme candidats pour le même même parti.
La recherche a révélé que le chef libéral Justin Trudeau est le chef de parti le plus ciblé avec près de 19 000 tweets à son intention considérés comme «toxiques». Les chiffres concernant les autres chefs de parti n’étaient pas disponibles.
Un porte-parole de Twitter Canada a déclaré dans un communiqué que l’entreprise prend des mesures lorsqu’elle identifie des tweets ou des comptes qui violent les règles de l’entreprise et qu’elle a une politique d’intégrité qui couvre la publication de contenu trompeur sur Twitter.
«Nous voulons que Twitter soit un lieu de conversations sûres et saines», indique le communiqué.
Les commentaires haineux diminuent l’engagement politique
Le Samara Center for Democracy s’est associé à Areto Labs, qui surveille la toxicité en ligne depuis plusieurs années lors de campagnes électorales au Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande.
Ils ont développé un outil d’intelligence artificielle qui utilise l’apprentissage automatique pour examiner, suivre et classer les tweets toxiques reçus par les chefs de partis politiques et les candidats sortants pendant la campagne.
«Cela signifie être capable de distinguer un tweet grossier ou insultant d’un tweet menaçant ou même sexuellement explicite», a déclaré Sabreena Delhon.
Les deux organisations publieront des rapports hebdomadaires sur la haine en ligne pendant la campagne.
Les conservateurs, le NPD et les verts n’ont pas répondu aux demandes de commentaires sur la question.
«Le Parti libéral du Canada condamne toutes les formes de haine et de discrimination», a déclaré mercredi la porte-parole Adrienne Vaupshas dans un communiqué. «Le contenu haineux et préjudiciable n’a pas sa place sur les plateformes de médias sociaux ou dans notre discours politique.»
Sabreena Delhon a déclaré que les déclarations et actes haineux décourageaient les électeurs et les candidats de s’engager dans le processus démocratique, en particulier les femmes et les membres des communautés minoritaires.
«C’est un assez gros problème, car cela entrave l’équité dans la représentation et limite l’inclusivité de notre démocratie», a-t-elle déclaré.
Le gouvernement libéral avait présenté une nouvelle loi peu de temps avant l’ajournement de la Chambre des communes pour l’été qui, selon lui, forcerait les entreprises de médias sociaux à supprimer les discours haineux et toute déclaration illégale au Canada.
Le projet de loi est mort au Feuilleton lors de la dissolution du Parlement pour les élections du 20 septembre.
Un porte-parole de Facebook Canada n’était pas disponible pour un commentaire officiel, mais a partagé des informations et des données sur les efforts de l’entreprise pour lutter contre les discours de haine sur sa plateforme.
Les données de l’entreprise suggèrent qu’elle avait supprimé 31,5 millions de contenus pour violation des politiques de Facebook en matière de discours de haine au cours du deuxième trimestre de cette année et que près de 98% de ces messages avaient été supprimés avant que les utilisateurs ne le signalent.
La société a annoncé qu’elle organiserait une formation virtuelle pour les candidats de tous les partis politiques afin de les aider à atteindre leurs communautés.
Duff Conacher, cofondateur de Democracy Watch, a déclaré que le Canada avait besoin d’une agence de surveillance indépendante dotée des ressources nécessaires pour faire respecter les règles interdisant aux personnes et aux entités de publier des discours haineux et de fausses déclarations sur les candidats pendant la campagne électorale.
«Cela ne fera rien pour les arrêter six mois plus tard, car les élections seront terminées et l’effet négatif sur les résultats des élections aura déjà eu lieu», a-t-il déclaré.
Il a déclaré que la politique des libéraux consistant à demander aux entreprises de médias sociaux d’appliquer leurs propres règles n’est pas suffisante pour s’attaquer à ce problème qui menace la démocratie au Canada.
«Les libéraux l’ont laissé entre les mains de ces grandes sociétés de médias sociaux… dont nous ne savons rien et qui opèrent en secret», a-t-il déclaré.