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Élections: les réseaux sociaux seront au coeur de la campagne

La Presse Canadienne|Publié le 26 août 2022

Élections: les réseaux sociaux seront au coeur de la campagne

Les responsables des communications du Parti libéral du Québec (PLQ), de Québec solidaire (QS), du Parti conservateur du Québec (PCQ) et du Parti québécois (PQ) ont tous souligné l’importance d’être actif en ligne pour une campagne réussie. (Photo: La Presse Canadienne)

Le lancement de la campagne électorale ― prévu pour dimanche ― sonnera le coup de départ pour cinq semaines de porte-à-porte, de conférences de presse et de débats. Mais une grande partie de la lutte qui s’en vient sera aussi menée à coup de «likes», de partages et de commentaires sur les réseaux sociaux, alors que le champ de bataille devient de plus en plus numérique.

«C’est devenu de plus en plus important au cours des trois ou quatre derniers cycles électoraux, en particulier au Québec», explique le directeur du département de science politique de l’Université Laval et expert en communication politique, Thierry Giasson. «Depuis 2012, tous les principaux partis sont présents sur toutes les plateformes numériques, et là on parle évidemment du web, de l’ensemble des médias sociaux, des plateformes de réseautage, des sites d’échange de photos, de vidéos.»

Les responsables des communications du Parti libéral du Québec (PLQ), de Québec solidaire (QS), du Parti conservateur du Québec (PCQ) et du Parti québécois (PQ) ont tous souligné l’importance d’être actif en ligne pour une campagne réussie.

La Coalition avenir Québec n’a pas répondu aux demandes de La Presse Canadienne.

 

Stratégie caméléon

Bien que tous les partis font acte de présence sur une variété de sites, ils vont «décliner les contenus qui correspondent aux particularités de chacune des plateformes et selon la stratégie du parti, selon les électeurs à qui l’on veut parler en priorité, on va prioriser des actions sur certaines plateformes plutôt que d’autres», indique M. Giasson.

Par exemple, d’après des données analysées par le professeur de l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal Jean-Hugues Roy, Éric Duhaime et le PCQ dominent sur Facebook, avec un total combiné de pas moins de 59,7% de toutes les interactions recensées du 1er mai au 11 août dernier sur les pages des cinq principaux partis et de leurs chefs. En comparaison, les deuxièmes en lice sont le premier ministre sortant François Legault et sa CAQ, avec 15,6% des interactions.

Selon le directeur des communications du PCQ, Maxime Hupé, ce succès est entre autres dû au fait qu’«Éric (Duhaime) fait un Facebook Live tous les mardis à 19h depuis près d’un an maintenant», ce qui crée une habitude et permet une communication directe avec le public. Il affirme aussi que son chef «a vraiment trouvé le ton approprié et les mots appropriés pour s’assurer qu’il y a de l’engagement sur ses publications».

Cependant, si l’on se déplace sur des sites fréquentés par des internautes plus jeunes, c’est alors QS qui a la main haute. Sur Instagram, durant la même période, les comptes de QS et de ses deux porte-parole ont généré ensemble 60,9% des interactions, suivis par 26,6% pour M. Legault et la CAQ.

Le stratège en réseaux sociaux de QS, Julien Royal, dit miser sur du «bouche à oreille» et «des partages organiques» de contenus produits tout au long de l’année. Il cite des vidéos de Gabriel Nadeau-Dubois «qui présente comment ça se passe la politique (…) ou encore des enjeux qui ont peut-être un peu passé sous le radar de l’actualité» et d’autres de Manon Massé qui sont «des discussions “live” sur Instagram avec différentes personnalités québécoises». 

Les gens qui regardent et partagent ces contenus, «inévitablement ils bâtissent une relation avec nous sur le long terme» et sont déjà abonnés lors du déclenchement d’élections.

Au PLQ, l’effort «ne repose pas sur un seul compte, celui du parti, mais sur l’ensemble des candidats à travers le Québec» qui se coordonnent pour relayer des annonces, dit son responsable des communications et du marketing numérique, Maxime Roy. Il voit en les médias sociaux un complément aux médias traditionnels, qui permet de rejoindre des Québécois qui ne suivent peut-être pas de manière assidue l’actualité politique.

Du côté du PQ, internet est «un de nos meilleurs moyens pour communiquer aux citoyens nos prises de position, nos réactions, et aussi du matériel qui est un peu plus ludique, présenter nos candidats dans le feu de l’action», affirme son directeur des communications, François Leroux.

Les réseaux sociaux permettent aussi d’aller plus en profondeur que lorsque par exemple l’on rédige une chronique, dit-il. Quand on a «une grosse proposition avec énormément de matériel, avec plusieurs points, des fois c’est énormément plus facile d’aller à la rencontre des citoyens sur les médias sociaux, où ils peuvent prendre leur temps» pour bien comprendre la proposition.

 

Message sur mesure

Mais il ne faut pas oublier qu’en ligne, le nerf de la guerre, ce sont les données, rappelle le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et expert en politique et numérique Emmanuel Choquette. Celles-ci «servent à mobiliser, à cibler, à microcibler des électorats qu’on va savoir peut-être plus attentifs, qui ont une oreille qui serait peut-être plus favorable au message» de son parti, explique-t-il.

Ce ne sont pas seulement l’âge ou le genre qui sont scrutés à la loupe, mais aussi «là où vous habitez, votre niveau d’éducation, votre revenu» et même «des éléments de préférence, des éléments de partage» devinés grâce à des interactions sur les médias sociaux. Par exemple, aimer un mème disant que la poutine devrait être le plat national du Québec pourrait ainsi indiquer qu’on est sensible à des questions identitaires.

Quand les partis achètent des publicités sur les médias sociaux, ils peuvent choisir un public cible qui «prend en compte un large éventail de données sociodémographiques sur chaque personne et ça nous permet de cibler des gens qui pour toutes ces raisons-là sont plus susceptibles d’adhérer à notre message», indique M. Hupé du PCQ.

«Tous les électeurs, on veut les rejoindre, mais c’est sûr qu’un certain public est plus attiré par un certain message, donc les médias sociaux sont utiles pour aller rejoindre ces gens-là avec nos propositions pour eux», ajoute M. Leroux du PQ.

Mais le ciblage est aussi une question géographique, selon le PLQ. Outre la possibilité de «rejoindre un électeur sur un thème en particulier», il permet aussi «qu’un candidat puisse se faire connaître dans son comté» sans inonder les fils de nouvelles des gens qui habitent ailleurs, explique M. Roy.

L’algorithme lui-même est inconnu des partis, car jalousement gardé par les plateformes.

 

Dans la rue

Malgré tout, les partis s’entendent pour dire que rien ne peut remplacer le contact direct en face à face avec les citoyens, et que les communications en ligne servent avant tout à faciliter des actions dans le monde réel.

«C’est certain que la campagne de terrain que les candidats font, c’est la chose la plus importante, rejoindre l’électeur, échanger avec lui», selon M. Roy.

«L’activité militante sur le terrain, c’est le cœur de la politique, soutient M. Leroux. Les médias sociaux, c’est crucial pour une campagne de nos jours, mais c’est un élément parmi d’autres.»

Chez QS, «le web, c’est une partie intégrante de notre stratégie de mobilisation, ce n’est pas juste une question de publicité ou uniquement de communication unidirectionnelle, d’après M. Royal. C’est une manière d’entrer en contact avec les gens pour les amener à s’impliquer» dans le parti, lors d’élections ou de manifestations.

«Les gens qui sont intéressés, qui interagissent avec notre page, on veut entrer en contact avec eux par courriel, ensuite on veut qu’ils s’inscrivent comme membres», explique M. Hupé du PCQ. L’adhésion officielle à un parti permet à celui-ci de connaître son numéro de téléphone et son adresse. Le parti peut ensuite «utiliser les informations comme forme de pointage à plus grande échelle pour savoir qui nous appuie à travers la province», dit-il. Cela permet aussi de contacter ses membres «pour qu’on s’assure de les faire sortir le jour du vote par anticipation et lors de l’élection».