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Est-il trop tard pour sauver la productivité du Canada?

Hugues Foltz|Publié le 01 mai 2023

Est-il trop tard pour sauver la productivité du Canada?

40% des métiers que nous connaissons aujourd’hui auront soit disparu ou auront été drastiquement transformé d’ici 2030. (Photo: 123RF)

OPINION. Les regroupements de chefs d’entreprise, les associations de nombreux secteurs d’activité et nos gouvernements ont récemment pris conscience de l’ampleur de la crise qui est à nos portes. Et je ne parle pas ici de la crise écologique mondiale, mais de la bien mauvaise posture des entreprises canadiennes en termes productivité.

La pénurie de main-d’œuvre n’est certainement pas étrangère à une partie de cette problématique. En fait, elle amplifie et accélère certainement le problème dans son ensemble. Le manque de main-d’œuvre des entreprises engendre une impossibilité pour beaucoup d’entre-elles de livrer la totalité de leurs commandes clients. Malheureusement, cela fait également en sorte que beaucoup d’entrepreneurs concentrent leur effort à tenter de régler leur problème de main-d’œuvre plutôt que d’amorcer leur transformation numérique.

Une des raisons qui explique selon moi cette prise de conscience récente est certainement la remontée en surface d’une étude faite par l’OCDE en 2021. Ce rapport plutôt alarmant pour le Canada détaille dans l’analyse une multitude de variables telles que le PIB, la croissance de notre pouvoir d’achat et l’utilisation de la main-d’œuvre au Canada. Les conclusions du rapport sont tout simplement catastrophiques pour le Canada à moyen et long terme… En résumé, on y mentionne que le Canada ne sera rien de moins que bon dernier de tous les pays développés de l’OCDE. Bon dernier sur 38 pays! Plus alarmant encore, le rapport mentionne qu’une fois que le Canada sera dans cette position de bon dernier, nous en aurons pour trois décennies avant de nous sortir de cette position. Notre retard en innovation et en automatisation sera tout simplement trop grand pour pouvoir inverser la tendance plus rapidement!

Rappelons que la productivité d’un pays va bien au-delà de sa performance économique. Il s’agit également d’un excellent indicateur de la création d’emplois de qualité à venir, mais aussi de l’amélioration du niveau de vie des citoyens. Dans le contexte actuel, il est peut-être plus difficile de s’imaginer qu’une diminution de la productivité pourrait occasionner des réductions de salaire et une augmentation du taux de chômage, mais dans les faits, c’est pourtant ce qui pourrait arriver si l’on poursuit dans cette voie!

Le cœur du problème va malheureusement bien au-delà d’un simple manque de productivité de nos entreprises. Nous devons y lire un manque flagrant d’appétit de nos entrepreneurs et gestionnaires pour l’innovation et les nouvelles technologies. Alors que la planète entière est en train de pivoter sur elle-même pour des raisons de rareté de ressources, d’écologie et de développement durable, nos réflexes sont de ne pas changer trop vite nos façons de faire par peur du changement. La preuve; dans un rapport récent de Scale-AI, on met en lumière qu’au Canada seulement 44% de la population fait confiance à l’intelligence artificielle, ce qui nous place au rang de 3e avant-dernier de l’indice de confiance mondial! Comment voulez-vous que nos entreprises en implantent dans leurs processus alors que 66% des gens s’en méfient. Imaginez tout le retard que nous accumulons face aux entreprises qui ailleurs dans le monde se lancent dans l’IA à pieds joints.

Les solutions utilisant l’intelligence artificielle sont pourtant de plus en plus transversales et transforment ainsi des industries entières à une vitesse impressionnante. Prenez simplement ce fameux ChatGPT en exemple, combien de métiers vous croyez qu’il transformera et combien d’autres vous croyez qu’il fera tout simplement disparaître? Ma réponse : des centaines, sinon des milliers!

Une étude de Bloomberg qui date déjà d’il y a 4 ans disait qu’un minimum de 40% des métiers que nous connaissons aujourd’hui auront soit disparu ou auront été drastiquement transformé d’ici 2030. Vous trouvez que c’est beaucoup? Une autre étude, cette fois-ci publiée par le Institute for the future, soutient que 85% des emplois de 2030 n’ont pas encore été inventés! Dans quelques années, qui sait, vous réorienterez peut-être votre carrière pour devenir designer de réalité augmenté, gestionnaire de boutique virtuel, entraîneur de robot ou encore contrôleur de trafic de drones.

Tout comme Excel a révolutionné le monde de la comptabilité, non pas en remplaçant les comptables, mais en leur permettant d’être nettement plus efficaces, des technologies telles que ChatGPT peuvent révolutionner de manière positive vos manières de travailler. Qui aurait cru il y a quelques mois que des médecins affirmeraient que ChatGPT sera plus important pour les praticiens que ne l’est le stéthoscope. Alors je vous laisse imaginer l’impact d’une telle technologie dans votre métier!

Pour en revenir à ma question; est-il trop tard pour sauver la productivité du Canada, je dirais que la réponse est non. Il y a cependant une part de nuance dans ma réponse, parce que si l’on souhaite rattraper les autres puissances mondiales, il faudra cesser d’être réticent face à des technologies qui ont déjà démontré leur efficacité et sortir de la zone des «résistants» pour embrasser davantage toutes les nouvelles technologies incluant l’intelligence artificielle!