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Ethereum tente une mutation risquée pour verdir la cryptomonnaie

AFP|Publié le 26 août 2022

Ethereum tente une mutation risquée pour verdir la cryptomonnaie

Ethereum prévoit de changer mi-septembre le fonctionnement de sa «chaîne de bloc» pour diminuer drastiquement sa consommation énergétique. (Photo: 123RF)

Londres — La deuxième plus grande cryptomonnaie, Ethereum, prévoit de changer mi-septembre le fonctionnement de sa «chaîne de bloc» pour diminuer drastiquement sa consommation énergétique, une révolution pour le réseau dont dépendent une grande partie des NFT (jetons numériques non fongibles) ou d’autres cryptoactifs.

Comment ce changement technique qui a permis à Ethereum de freiner le plongeon des prix des cryptomonnaies, pourrait-il faire plonger la demande d’électricité, et pourquoi est-il controversé?

 

Pourquoi les cryptomonnaies consomment tant?

Le Bitcoin, premier des cryptomonnaies, a été imaginé en 2008, dans le sillage de la crise financière, pour pouvoir se passer des banques.

Pour valider les transactions, le Bitcoin passe par une «chaîne de bloc», un registre décentralisé. 

Les acteurs du réseau prouvent leur participation en «minant», un mécanisme appelé «Proof of Work» ou PoW: «ils tentent de deviner un nombre aléatoire» et sont récompensés en bitcoins, explique Lennart Ante, chercheur de la chaîne de bloc Research Lab.

Avec l’envol des cryptomonnaies — malgré un plongeon depuis le début de l’année, l’ensemble du secteur représente encore 1 000 milliards de dollars américains — l’activité devient lucrative, et s’effectue depuis des entrepôts remplis de serveurs à travers le monde, souvent près de sources d’électricité peu chère.

Bilan électrique du Bitcoin: environ 95 térawattheures (TWh) par an, selon un indice de l’Université de Cambridge, presque équivalant à la consommation annuelle du Pakistan. Selon les chiffres cités par les créateurs d’Ethereum, la deuxième cryptomonnaie consommerait autour de 45 TWh par an.

 

Pourquoi Ethereum veut changer?

Avec un système décentralisé, difficile d’évaluer l’empreinte carbone des différentes chaînes de blocs puisque les sources d’électricité ne sont pas toujours identifiées, mais ce mode de fonctionnement est «destructeur pour l’environnement, coûteux, et peu efficace», estime Eswar Prasad, de l’université Cornell.

Ethereum est différent du Bitcoin: sa chaîne de bloc permet de valider les transactions en ether, sa cryptomonnaie, mais aussi d’émettre des «smart contracts», c’est-à-dire des lignes de code.

Cela permet à certains «stablecoins», ces cryptomonnaies arrimées au dollar, d’utiliser la chaîne de bloc Ethereum, comme une grande partie des émetteurs de NFT, ces jetons numériques qui représentent par exemple des œuvres d’art.

En dehors du Bitcoin, «tout repose sur Ethereum» dans le monde des cryptomonnaies, résume M. Ante: «il y a d’autres plateformes similaires, mais aucune avec autant de projets et de développeurs».

Or, l’empreinte carbone de la chaîne de bloc pousse certains artistes et industriels à la boycotter.

Le créateur d’Ethereum Vitalik Buterin et sa communauté défendent donc une évolution de la cryptomonnaie vers un système de Proof of Stake (PoS ou Preuve d’enjeu): la participation au réseau n’est plus prouvée par l’utilisation d’électricité, mais par le placement d’une mise en Ether.

 

Avantages et inconvénients?

En éliminant les «mineurs de la chaîne de bloc», on pourrait faire baisser «99%» la consommation d’électricité d’Ethereum, estime M. Ante: «il ne reste plus aucune infrastructure, juste des logiciels», explique-t-il.

En outre, ce processus pourrait augmenter la rapidité des transactions.

«Le Proof of Stake n’est pas parfait non plus», fait observer M. Prasad: «La liquidité sur le marché est réduite, car certains utilisateurs préfèrent utiliser leurs actifs comme mise plutôt que de les vendre».

Mais surtout, «il pourrait y avoir un problème de gouvernance, avec un petit nombre d’utilisateurs qui déposeraient des mises importantes pour modifier les règles à leur avantage», prévient-il.

 

Quelles étapes à franchir?

La transition d’Ethereum a commencé depuis décembre 2020, avec des chaînes de blocs d’essai. C’est pour cela que les acteurs du marché parlent de «la fusion» («The Merge» en anglais): le réseau principal d’Ethereum devrait être incorporé à la version test le 15 septembre.

Une telle mise à jour, qui demande à des utilisateurs décentralisés de marcher au pas sans arrêter les transactions, n’est pas sans risque: certains observateurs comparent l’exercice à celui consistant à remplacer un moteur diesel par un moteur électrique sur un véhicule en marche.

Les investisseurs, en tout cas, ont pour l’instant bien accueilli le projet: le cours de l’Ether résiste mieux que celui du Bitcoin au choc qui secoue le marché des cryptomonnaies.

À 1 650 dollars américains l’Ether pour une capitalisation de plus de 200 G$ US, l’Ethereum représente près de 20% du marché des cryptomonnaies, ce qui reste moitié moins que le Bitcoin.