(Photo: 123RF)
Facebook et Twitter ont de nouveau démantelé une opération russe de manipulation à l’approche de l’élection américaine, mais les réseaux sociaux sont désormais concentrés sur d’autres menaces, moins bien maîtrisées que ces campagnes de désinformation qui avaient entaché le précédent scrutin présidentiel.
Facebook a annoncé mardi avoir retiré un «petit réseau» de 13 comptes et pages liés à des individus associés dans le passé à une organisation russe proche du Kremlin, la «Internet Research Agency» (IRA). Cette agence est accusée d’avoir animé une campagne anti-Clinton et pro-Trump aux États-Unis en 2016.
Cette fois-ci, l’opération, d’abord repérée par le FBI, en était à un stade peu avancé.
D’après Facebook, les comptes et pages mis en cause étaient surtout suivis dans des pays arabes. Ils n’avaient que 14 000 abonnés, dont seulement 200 Américains sur la page en anglais.
Twitter a de son côté suspendu 5 comptes pour une «manipulation que nous pouvons attribuer de façon fiable à des acteurs liés à l’État russe», a fait savoir la plateforme dans une série de tweets mardi.
L’essentiel de la campagne consistait surtout, à ce stade, en un site se faisant passer pour un média indépendant, baptisé «PeaceData» («données de paix»).
Il publiait et diffusait des articles ciblant les sensibilités de gauche, sur la corruption, le réchauffement climatique, les droits humains et en général sur des «sujets qui sont cachés au grand public», d’après la page d’accueil.
Vrais journalistes, faux médias
«Ils ont considérablement investi dans la création de faux individus, avec une personnalité et des photos de profil, pour leur donner une apparence légitime et réelle», a expliqué Nathaniel Gleicher, le directeur des règlements sur la sécurité de Facebook, lors d’une conférence de presse.
Contrairement à d’autres campagnes d’influence de ce type, celle-ci fonctionnait moins grâce à des fermes de trolls qu’à des journalistes, notamment des pigistes qui pensaient avoir été recrutés par un site d’information engagé et authentique.
«Il n’y a aucune indication que les pigistes n’étaient pas sincères dans leur travail de rédaction», remarque Graphika, société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux, dans un rapport sur cette opération.
Selon ce document, les articles qui attaquaient aussi bien les politiques de droite que de centre-gauche révèlent «une tentative d’attirer un plus gros public démocrate pour de futures opérations de manipulation».
«Cela va bien avec les tentatives passées de l’IRA d’affaiblir les soutiens pour la candidate démocrate en 2016, Hillary Clinton, en infiltrant des audiences de gauche», ont-ils ajouté.
Les articles en arabe portaient principalement sur des abus des droits humains par des pays occidentaux, les guerres au Moyen-Orient et la corruption. Certains articles attaquaient aussi la France et le président Emmanuel Macron, pour les accuser d’une approche «impérialiste» en Afrique, détaillent-ils.
L’enjeu du jour J
Les divers acteurs, étrangers et nationaux, qui orchestrent ces opérations, ont perfectionné leurs techniques pour être moins facilement repérés, a rappelé Nathaniel Gleicher.
Plus discrets, ils sont aussi moins efficaces, et la collaboration entre les différentes plateformes, les autorités et la société civile permet de les arrêter généralement avant qu’ils soient parvenus à se construire une audience conséquente.
Depuis 2017, Facebook dit avoir démantelé 100 réseaux dans le monde pour «comportement inauthentique coordonné», dont une douzaine liés à l’IRA, qui tentaient de répandre fausses informations, théories du complot, incitations à la haine et vidéos détournées.
La plateforme se prépare à des tentatives plus agressives en cas d’incertitude prolongée sur les résultats électoraux américains en novembre, «une période propice» à la propagation de rumeurs.
«Mais nous sommes aussi concentrés sur des opérations qui ne construisent pas de réseaux, et attendent juste le moment opportun pour diffuser un contenu fallacieux. Nous devons être prêts», a élaboré Nathaniel Gleicher.
Il s’attend en effet à des tactiques de type «hack-and-leak», où des entités liées à des États donnent des infos piratées aux médias et se servent des réseaux pour les propager. C’est ce qui s’était passé avec des e-mails d’Hillary Clinton.
«Et puis il y a les choses auxquelles personne n’a encore pensé», a-t-il ajouté. «Donc nous avons des outils et des équipes mobilisées pour réagir rapidement».