Aucune raison n'a été donnée par Fortnite, mais la décision intervient dans un contexte de durcissement réglementaire en Chine. (Photo: 123RF)
Pékin — Fortnite débranche: le jeu vidéo, qui réunit des millions d’adeptes dans le monde, va se retirer de Chine au grand dam de ses admirateurs, au moment où le pouvoir serre la vis au secteur numérique.
Fortnite est l’un des jeux les plus populaires au monde, avec à son actif plus de 350 millions d’utilisateurs, soit plus de la population américaine.
Il s’agit d’un jeu participatif dans lequel les joueurs interagissent en ligne dans des milieux hostiles. S’ils évoluent en groupe, chacun cherche à être le dernier survivant.
Fortnite, dont le téléchargement est gratuit, génère des milliards de revenus avec l’achat par les joueurs d’éléments additionnels pour leurs personnages, notamment des tenues.
Fortnite dispose d’une version spécifique en Chine où les contenus violents, obscènes ou sensibles politiquement sont strictement encadrés.
Elle s’arrêtera dans deux semaines.
«Le 15 novembre à 11h, nous éteindrons les serveurs du jeu et les joueurs [en Chine] ne pourront plus se connecter», a annoncé dimanche l’éditeur américain de Fortnite, Epic Games.
Depuis lundi déjà, le jeu n’accepte plus de nouveaux joueurs en Chine, précise l’entreprise, qui compte parmi ses actionnaires le géant chinois de l’internet Tencent.
Aucune raison n’a été donnée, mais la décision intervient dans un contexte de durcissement réglementaire en Chine.
Serveurs éteints
Les autorités, qui se montrent particulièrement pointilleuses sur les questions de concurrence et de données personnelles, ont ces derniers mois épinglé plusieurs poids lourds du secteur pour des pratiques jusque-là largement tolérées.
Celui des jeux vidéo, qui représentent en Chine une importante manne financière, mais sont décriés pour leur côté addictif chez les jeunes, n’a pas été épargné.
En août, les autorités ont imposé une limite drastique de trois heures de jeux vidéo par semaine aux moins de 18 ans, alors que certains pouvaient passer des journées scotchés à leur écran.
Sonnés par l’annonce de la fin prochaine de Fortnite dans leur pays, les joueurs chinois peinent à cacher leur émotion.
«C’est très inattendu», écrit une joueuse sur le réseau social Weibo.
«Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je joue (à Fortnite) avec mon petit ami et j’avais hâte de voir ce qui allait suivre».
D’autres racontent le nombre d’heures passées dans le jeu à faire évoluer leur personnage.
Une pétition circule sur les réseaux sociaux pour qu’Epic Games permette aux joueurs chinois de transférer leurs données de jeu hors de Chine.
Elles contiennent «notre cœur et notre âme», écrivent-ils.
Fortnite est le troisième grand nom du monde de la tech à annoncer son départ de Chine en l’espace d’un mois.
«Santé mentale»
Le portail Yahoo, ex-pépite de l’internet dans les années 2000, a annoncé mardi qu’il cessait lui aussi ses activités en Chine, en raison d’un «environnement commercial et juridique de plus en plus difficile».
Yahoo, qui avait lancé un moteur de recherche dans le pays dès 1999, avait considérablement réduit la voilure en Chine depuis la fermeture de son service de messagerie en 2013.
Citant un «environnement difficile», le réseau social professionnel LinkedIn de Microsoft avait lui aussi annoncé en octobre son retrait prochain du pays.
Le géant de l’informatique a longtemps été l’une des rares entreprises américaines de l’internet à réussir à imposer en Chine un réseau social en dépit de la censure.
Et en 2014, Microsoft avait été la première firme étrangère à réinvestir l’immense marché chinois des jeux vidéo avec sa console Xbox One.
En l’an 2000, Pékin avait suspendu la vente de toutes les consoles en raison de leurs présumés effets négatifs sur «la santé mentale» des jeunes utilisateurs. Celles-ci restaient cependant facilement disponibles, mais de façon illégale.
Lancé en 2017, Fortnite est rapidement devenu un phénomène mondial, au point que certaines parties sont désormais suivies en direct par des millions de spectateurs.
Fort de cette audience, il s’ouvre de plus en plus à des collaborations avec des célébrités qui apparaissent ponctuellement dans le jeu sous forme d’avatars.
Cet été, la chanteuse américaine Ariana Grande avait ainsi interprété quelques-uns de ses morceaux le temps d’un week-end.
Auparavant, des événements avec le rappeur américain Travis Scott et la vedette du foot brésilien Neymar ont déjà eu lieu.
Aya Nakamura, artiste française la plus streamée à l’international avec son titre «Djadja», doit à son tour prochainement apparaître dans le jeu.