François Lambert victime d’une attaque informatique sur Facebook
Dominique Talbot|Publié le 28 juillet 2023Des pirates informatiques ont pris le contrôle de la page Facebook de l'homme d'affaires François Lambert, sur laquelle il travaillait depuis 2012. (Photo: Courtoisie/Marilyn Cantin)
«L’impact est majeur. On parle facilement de 75% du chiffre d’affaires qui tombe.»
Se qualifiant lui-même «d’hyperactif sur Facebook», l’homme d’affaires bien connu François Lambert rejoint près de 1,3 million de personnes par mois. Une stratégie qui lui rapporte gros pour vendre ses différents produits et qui était jusqu’à peu son principal levier.
Sa stratégie d’affaires, basée en grande partie sur sa présence et ses publications sur les réseaux sociaux, a subi un violent coup de frein le 18 juillet.
Cette journée-là, des pirates informatiques ont pris le contrôle de sa page Facebook sur laquelle il travaillait depuis 2012. Plus de 140 000 personnes y sont abonnées. «J’y investissais plusieurs heures par jour et je répondais à tout le monde. Tout le temps, tout le temps, raconte l’entrepreneur. Mais ça m’a rendu dépendant, j’ai embarqué dans le jeu, et maintenant, il a décidé de casser. Mais sans me dire avec qui il était parti.»
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Non seulement il n’a plus accès à sa page, mais les cybercriminels qui la gèrent aujourd’hui s’en servent pour arnaquer son audience en incitant les gens à investir dans des cryptomonnaies. Tout ça à l’aide de publicités qui proposent d’abord… des pyjamas.
«Combien de gens se font ainsi arnaquer, je ne le sais pas», se désole François Lambert, qui, de surcroît, se dit contre les cryptomonnaies.
Invraisemblable? Tout autant que la façon dont les pirates s’y sont pris pour réussir leur coup. «J’ai été naïf. Je me suis fait avoir comme un petit jeune», confie l’entrepreneur, qui s’est fait connaître par sa participation à l’émission Dans l’œil du dragon.
«Comment ils sont rentrés dans mon compte est très simple. Dernièrement, j’ai été invité par Nike pour donner une conférence en ligne. Ce qui est 100% possible», explique-t-il.
On lui a demandé combien il chargeait pour cette conférence, lui disant qu’il serait payé deux jours avant. Jusque-là, pas de dommages.
«Tout était plausible et nous avons fait une conférence Zoom pour en discuter. Et au cours de cette conférence (d’une dizaine de minutes), ils m’ont installé un cheval de Troie et ils ont ramassé mes mots de passe.»
«Je recevais un paquet de demandes pour changer mes mots de passe et je me disais: “C’est donc bien fatiguant cette affaire-là”. C’est là que j’ai compris que je venais de me faire pirater.»
Évidemment, la personne avec qui il s’entretenait était loin d’être employée par Nike.
«C’était un coup bien monté. Ça s’est travaillé pendant trois semaines. Le “timing” était bon. Dernièrement, pour une publicité et un projet à la télévision, j’ai reçu des invitations d’une agence de Toronto, qui était en lien avec (l’émission) Big Brother. Cela avait du sens. Et le courriel par rapport à Nike était écrit de la même façon.»
«Quand je leur ai demandé d’où ils me connaissaient, raconte François Lambert, ils m’ont répondu: “Tu es un Dragon. Tu es une personnalité du Québec. On a besoin d’une personne qui parle français et anglais”. “Ils avaient fait leurs recherches. Ce n’était pas broche à foin”, poursuit-il.
Des pertes considérables
Pour son entreprise, qui commercialise notamment des produits alimentaires et d’hygiène corporelle, les impacts sont majeurs. Pour sa trentaine d’employés, sa réputation, son chiffre d’affaires. “J’ai envoyé mes employé. es en vacances en leur disant que j’allais les rappeler dans deux ou trois semaines le temps de voir comment ça va.”
Sans pouvoir chiffrer les pertes dues à l’abandon forcé de son outil de marketing principal, on peut les imaginer très élevées.
«On a quand même des ventes, mais ce n’est pas assez pour maintenir 30 employés. Pour maintenir 30 employés dans le commerce de détail en ligne, ça prend un chiffre d’affaires de plusieurs millions», explique-t-il.
Le petit coussin financier sur lequel s’appuyait son entreprise a ainsi fondu en moins de deux semaines. Sans compter le fait qu’il doit injecter de son propre argent pour que celle-ci demeure ouverte. À ses dires, il a la main trop prise dans l’engrenage pour arrêter.
Un mur nommé Facebook
Pas moins de 20 personnes gèrent aujourd’hui la page de François Lambert: 9 des Philippines, 6 du Vietnam, 2 de l’Indonésie, et trois autres à partir de la Grèce, du Pakistan et des États-Unis.
«Toutes ces personnes ont été ajoutées et Facebook n’est pas capable de comprendre qu’avant, elle était gérée de Montréal par le propriétaire de la page et que maintenant, du jour au lendemain, elle est gérée à partir d’autres pays avec autant de gens», explique François Lambert.
«Il ne faut pas compter sur le support de Facebook. Ça n’a pas de bon sens que je sois rendu à 45 courriels, 15 billets ouverts. Il y a quelque chose que j’aimerais comprendre, mais que je ne peux pas. Ça n’a pas de sens de voir les publicités qui roulent sur ma page en ce moment. Aucune logique et Facebook les laissent rouler. […] Je serais curieux de voir les revenus de l’entreprise qui proviennent de comptes piratés», se questionne-t-il.
François Lambert se désole que même avec un compte certifié, authentifié avec ses photos et une marque de commerce enregistrée en bonne et due forme sur le site, rien n’y fait. “Ils me disent que c’est trop complexe.”
Dans sa dernière communication avec Meta, on lui a indiqué «qu’ils ne pouvaient rien faire». L’employé à l’origine du message ajoute que François Lambert peut se tourner vers les services juridiques du géant du web, fournissant une adresse postale… en Irlande.
«Il y a quand même un côté positif. L’entrepreneur en moi se dit que je dépendais beaucoup trop d’un point d’entrée sur lequel je n’avais pas de contrôle. Cela me force à me réinventer», philosophe-t-il.
«Je n’ai pas les bras baissés, loin de là, et je vais sortir plus fort de ça, je n’ai aucun doute. Mais c’est une bonne leçon entrepreneuriale. Très grosse leçon. Même si c’est facile, il faut aller où ça l’est moins. […] La leçon de ça, dit-il en ricanant, c’est que Facebook m’a rendu dépendant affectif. En me facilitant la vie.» Dure ironie.