Haine en ligne: des experts veulent augmenter la portée de la loi
La Presse Canadienne|Publié le 12 mai 2022Plus tôt cette année, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez a nommé un groupe consultatif d’experts sur la sécurité en ligne pour fournir des conseils pour une telle loi. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Un groupe d’experts chargés d’aider à façonner un projet de loi fédéral pour lutter contre la haine en ligne suggère qu’il couvre la plateforme de réservation de locations d’hébergement Airbnb, ainsi que des jeux vidéo et même des communications privées en ligne.
Le comité consultatif estime qu’une future loi sur la haine en ligne devrait avoir une large portée couvrant non seulement les réseaux sociaux Twitter et Facebook, mais aussi des plateformes en ligne plus petites, y compris des applications de financement participatif, selon les rapports de leurs discussions publiés en ligne.
De nombreux experts du panel ont également soutenu que les conversations privées en ligne «relèvent du cadre législatif».
Le gouvernement libéral a déclaré qu’il souhaitait présenter un projet de loi sur la haine en ligne afin que les contenus préjudiciables, tels que les insultes racistes et antisémites en ligne, soient rapidement supprimés par les plateformes.
Plus tôt cette année, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez a nommé un groupe consultatif d’experts sur la sécurité en ligne pour fournir des conseils pour une telle loi.
Dans les documents de travail du groupe, le ministère du Patrimoine a indiqué qu’il n’était pas enclin à réglementer des services comme Uber, Airbnb et Peloton. Le ministère a suggéré qu’ils soient «exclus […], car leur objectif principal n’est pas de permettre la communication entre les personnes en soi, mais d’organiser le transport, de louer un logement ou de participer à des entraînements».
Cependant, de nombreux experts du panel ont suggéré une portée plus large et souhaitaient «incorporer toutes les entités qui permettent de communiquer en ligne». Certains ont affirmé qu’il était «justifié de regarder plus largement», y compris «certains services interactifs comme Airbnb et les plateformes de jeux en ligne», indiquent les enregistrements de leurs réunions.
Quelques conseillers experts ont ajouté qu’il serait difficile d’imposer des règles généralisées sur certaines plateformes, par exemple, les sociétés de médias sociaux, mais pas sur d’autres qui opèrent au même niveau technologique, comme les plateformes de jeux vidéo.
Le rapport a indiqué que certains membres du panel pensaient «qu’une définition large aiderait à aborder les technologies en évolution et émergentes pour aider à pérenniser la législation».
Les membres ont souligné que «de nombreuses fois, un niveau élevé de contenu préjudiciable, tel que le contenu terroriste ou la pédopornographie, est partagé dans des communications privées plutôt que sur des forums publics — et que l’exclusion de ces types de communications laisserait beaucoup de contenu préjudiciable sur la table.»
Airbnb se défend
L’entreprise Airbnb, basée à San Francisco, a déclaré que les communications sur sa plateforme se faisaient entre les personnes réservant des logements et les propriétaires, par exemple en posant des questions sur l’autorisation des chiens.
L’entreprise a indiqué avoir une politique anti-discrimination large et stricte. Elle dit retirer de la liste les personnes qui n’y adhèrent pas, ainsi que celles liées à des groupes extrémistes.
Un porte-parole d’Airbnb a mentionné que le site avait interdit les comptes de dizaines d’utilisateurs ayant des liens avec des groupes nationalistes blancs, y compris ceux identifiés comme membres d’Iron March, un forum néonazi, à la suite de la divulgation de l’adhésion au forum.
«La discrimination de toute sorte — y compris les insultes, les préjugés et le racisme — n’a pas sa place sur notre plateforme ou dans notre communauté au Canada et dans le monde, et nous avons mis en place des politiques solides sur ces questions qui correspondent à nos valeurs inclusives», a déclaré Nathan Rotman, d’Airbnb Canada.
«Selon le gouvernement, ce projet de loi vise à réglementer les plateformes de médias sociaux, pas des plateformes comme Airbnb», poursuit-il.
Aux États-Unis, des chercheurs de la Harvard Business School explorant la discrimination raciale chez Airbnb ont découvert que les candidatures des hôtes portant des noms afro-américains étaient environ 16% moins susceptibles d’être acceptées que les invités portant des noms de Blancs.
Bernie Farber, président du Canadian Anti-Hate Network et membre du panel de 12 personnes, a estimé qu’Airbnb devrait entrer dans le champ d’application de la réglementation visant à lutter contre la haine en ligne, car des discussions ont lieu sur sa plateforme.
Le gouvernement a également demandé à son groupe consultatif d’examiner jusqu’où la loi devrait aller.
«Les services interactifs qui ne sont pas des plateformes de médias sociaux, comme les plateformes de jeux vidéo, les sites de diffusion en continu (streaming), ou les plateformes de financement participatif, devraient-ils également être inclus?» peut-on lire dans un document préparé par le gouvernement donnant des sujets possibles pour leurs délibérations.
Certains membres du panel ont déclaré qu’un champ d’application plus large inclurait des entités qui réussissent à recruter des extrémistes violents qui s’adaptent rapidement «et se sont tournées vers des services de jeux vidéo, des sites de partage de fichiers et des applications audio en direct».
La porte-parole du ministre Rodriguez, Laura Scaffidi, a souligné que «le groupe consultatif d’experts sur la sécurité en ligne est mandaté pour fournir au gouvernement des conseils sur la manière de lutter contre les contenus préjudiciables en ligne» et a noté que les 12 personnes du panel ont un large éventail d’opinions et d’expériences.
«Nous attendons avec impatience la poursuite des travaux du groupe et le résumé final, a-t-elle ajouté. Nous allons prendre le temps dont nous avons besoin pour bien faire les choses.»