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L’intelligence artificielle pourrait éviter des décès à l’hôpital

La Presse Canadienne|Publié à 9h57

L’intelligence artificielle pourrait éviter des décès à l’hôpital

Les chercheurs ont constaté un taux de décès non palliatif de 2,1% lorsque l'IA n'était pas utilisée, contre 1,6% lorsqu'elle l'était. (Photo: La Presse Canadienne)

Une nouvelle étude révèle qu’un système d’alerte précoce qui prédit quels patients risquent de se détériorer pendant leur séjour à l’hôpital a été associé à une diminution du nombre de décès inattendus.

L’étude, publiée lundi dans le Journal de l’Association médicale canadienne, témoigne d’une réduction de 26% des décès non palliatifs parmi les patients de l’unité de médecine interne générale de l’hôpital St. Michael’s lorsque l’outil d’intelligence artificielle a été utilisé.

«Nous avons constaté qu’il y a beaucoup de battage et d’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle en médecine. Nous avons également constaté que le déploiement de ces outils dans des environnements cliniques réels n’était pas aussi important», a expliqué l’auteur principal, le docteur Amol Verma, spécialiste en médecine interne générale et scientifique à l’hôpital de Toronto. 

«Il s’agit d’un premier exemple de déploiement d’un outil qui a été rigoureusement testé et évalué et qui s’avère prometteur pour l’amélioration des soins aux patients», a déclaré dans une interview Amol Verma, qui est également professeur de recherche et d’enseignement de l’IA en médecine à l’université de Toronto. 

La technologie appelée CHARTwatch a analysé en continu plus d’une centaine d’informations différentes sur chaque patient de l’unité, a expliqué Amol Verma. 

Lorsque l’outil d’IA prédit qu’un patient se détériore, il envoie une alerte aux médecins et aux infirmières, les incitant à intervenir rapidement.

L’outil d’apprentissage automatique rassemble les informations qui sont déjà collectées de manière routinière dans le dossier médical électronique d’un patient. 

Il s’agit d’informations telles que l’âge et les antécédents médicaux, ainsi que des mesures telles que les signes vitaux, la tension artérielle, la fréquence cardiaque et les résultats d’examens de laboratoire.

«Il rassemble toutes ces informations pour faire une prédiction sur le risque que le patient devienne plus gravement malade à l’avenir, puis il met à jour son modèle de prédiction toutes les heures en fonction de l’évolution de tous ces éléments au fil du temps», a expliqué le docteur Verma. 

Si, après avoir examiné le patient, le clinicien était d’accord avec la prédiction de l’IA, les mesures nécessaires étaient prises. Il pouvait s’agir de transférer le patient dans une unité de soins intensifs, de lui administrer des antibiotiques en cas d’infections graves telles que la septicémie, ou de le surveiller plus fréquemment.  

Si la mort d’un patient était inévitable, il recevrait des soins de fin de vie plus tôt qu’il ne l’aurait fait autrement, ce qui atténuerait ses souffrances, a déclaré Amol Verma. 

Il est important de noter que l’IA ne dit pas au clinicien «prescrivez ce médicament, intervenez avec ce test ou ce traitement. Tout cela reste du ressort des infirmières et des médecins qui prodiguent les soins, a-t-il ajouté. C’est un signal qui dit: Hé, faites attention à ce patient.»

Ces signaux d’alerte précoce sont importants dans les hôpitaux très fréquentés où chaque infirmière ou médecin s’occupe de nombreux patients qui subissent de multiples tests de laboratoire, des examens d’imagerie médicale et d’autres interventions susceptibles de modifier leur pronostic, a indiqué le docteur Verma.

«Il n’est tout simplement pas possible pour les humains de garder un œil sur 20 ou 30 patients en même temps, tout le temps», a-t-il rappelé. 

Muhammad Mamdani, coauteur principal de l’étude, a ajouté que l’IA peut traiter de grandes quantités de données sur les patients et que la combinaison de ces données avec le jugement d’un clinicien humain peut conduire à de meilleurs soins. 

Les médecins et les infirmières devraient toujours pécher par excès de prudence lorsqu’ils utilisent l’outil, a dit Muhammad Mamdani, qui est le vice-président de la science des données et de l’analyse avancée à Unity Health Toronto, qui comprend l’hôpital St. Michael’s.

«Ce que nous disons à nos cliniciens, c’est que si vous pensez que ce patient va mourir, mais que l’IA dit, « non, il va bien », ne croyez pas l’IA. Faites confiance à votre intuition», a-t-il précisé. Mais si l’IA dit « ce patient va mourir » et que vous ne le pensez pas, ne croyez pas votre instinct, croyez l’IA.»

L’étude a porté sur les décès de patients non palliatifs dans l’unité de médecine interne générale entre le 1er novembre 2020 et le 1er juin 2022 lorsque l’outil d’IA a été utilisé et les a comparés à une période antérieure – du 1er novembre 2016 au 1er juin 2020 – lorsque la technologie n’avait pas été utilisée. 

Les chercheurs ont constaté un taux de décès non palliatif de 2,1% lorsque l’IA n’était pas utilisée, contre 1,6% lorsqu’elle l’était. 

Pour réduire la possibilité que les résultats soient attribués aux différentes périodes, les chercheurs ont utilisé les unités de cardiologie, de pneumologie et de néphrologie de l’hôpital – qui ne disposaient pas de l’outil d’IA – à titre de comparaison. Aucune de ces unités n’a montré de différence dans les décès non palliatifs entre les deux périodes.

Les chercheurs ont contrôlé les facteurs de confusion potentiels tels que l’âge. En outre, comme la période d’étude a coïncidé avec la pandémie de COVID-19, qui pourrait être une autre variable influençant les résultats, les chercheurs ont exclu les données concernant les patients atteints de COVID. 

Au total, l’étude a porté sur 13 649 admissions de patients à l’unité de médecine interne générale et sur 8470 admissions de patients aux unités de comparaison de cardiologie, de pneumologie et de néphrologie.

Selon le docteur Verma, bien que les résultats soient prometteurs, ils doivent être interprétés avec prudence et un essai contrôlé randomisé est nécessaire pour que la recherche sur l’intelligence artificielle soit considérée aussi robuste qu’une étude sur les médicaments. 

Ross Mitchell, professeur à la faculté de médecine de l’Université de l’Alberta, qui n’a pas participé à l’étude, a estimé que la recherche était «très encourageante».

«Cette technologie spécifique, CHARTwatch, doit être étudiée dans un sens plus large, a dit M. Mitchell, qui est titulaire de la chaire des services de santé de l’Alberta sur l’IA dans le domaine de la santé. Elle doit être déployée dans un plus grand nombre d’hôpitaux à travers le Canada, de manière à ce que plus d’un hôpital soit impliqué.»