(Photo: Les Affaires)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Si le ministre des Finances du Québec avait promis de réduire les impôts, le caquiste Éric Girard n’avait pas assuré qu’il diminuerait la charge administrative. Pour maintenir un cadre financier prudent et responsable, la conformité fiscale des cryptoactifs a été «renforcée». Résultat, particuliers et sociétés vont devoir mieux documenter leurs avoirs numériques.
«Pour améliorer le revenu disponible des Québécois, le gouvernement s’est engagé à alléger leur fardeau fiscal et nous donnons suite à cet engagement», se félicitait le ministre des Finances en mars dernier lors de la présentation du budget 2023-2024. Mais à côté du poids financier que l’argentier de la province entendait alléger, en diminuant les impôts des particuliers, la simplification de la charge administrative n’était, elle, pas envisagée.
Surtout en matière de cryptomonnaies. Ou plutôt de cryptoactifs, comme préfèrent les nommer les dirigeants politiques, l’autorité fiscale estimant que les monnaies virtuelles ne répondent pas aux fondamentaux d’une devise nationale et n’ont donc pas cours légal au Canada. Cela dit, les contribuables ont de plus en plus recours à ces «biens numériques» que constituent alors le bitcoin et les milliers d’autres actifs digitaux.
Dans le cadre de ces échanges crypto, sorte de troc numérique aux yeux du fisc, on pouvait jusqu’ici attendre une incidence fiscale avant d’en parler à Revenu Québec. Autrement formulé, il fallait utiliser un cryptoactif pour acquérir des biens ou des services ; le convertir en devise monétaire ; l’échanger contre une autre pseudomonnaie virtuelle ; le vendre ou encore en faire don.
«Un meilleur contrôle fiscal»
La question d’instaurer de nouvelles exigences légales sur les marchés du bitcoin est dans l’air du temps, même si tous les responsables politiques ne pensent pas que les actifs crypto ne servent qu’au crime financier ou au financement du terrorisme. Mais l’on savait que des modifications devaient être apportées au Québec afin de renforcer leur «conformité fiscale».
L’objectif poursuivi étant de permettre aux autorités demander aux contribuables, particuliers comme entreprises, s’ils touchent de près ou de loin aux crypto. «Il importe, dans ce contexte de développement accéléré du secteur des cryptoactifs, de doter le fisc québécois des outils nécessaires pour effectuer un meilleur contrôle fiscal de ce secteur», a motivé le ministre Girard en Commission des finances publiques à la mi-septembre lors de l’étude détaillée du projet de loi n° 27 modifiant la Loi sur les impôts.
Au travers dudit projet de loi sanctionné fin septembre, de nouvelles dispositions concernant l’utilisation de cryptoactifs ont ainsi été introduites. Des renseignements prescrits aux fins de contrôle fiscal sont désormais obligatoires pour «un contribuable ou une société de personnes qui possède, reçoit ou aliène un cryptoactif, ou l’utilise dans le cadre d’une transaction», comme le stipule le nouvel article 21.4.39 inséré dans la loi sur les impôts. Toutes ces informations devront être jointes à la prochaine déclaration fiscale du contribuable ou la prochaine déclaration de renseignements de la société de personnes. Ce qui, le cas échéant, permettra également de demander le détail de ces transactions.
Une offensive anti-crypto ?
Détail de taille, la modification légale introduit la définition d’un cryptoactif en qualité de «bien qui est la représentation numérique d’une valeur et qui existe seulement à une adresse numérique d’un registre distribué». Une définition dont la portée peut légitimement soulever quelques interrogations : cela inclut-il les NFT ? Les stablecoins ? Les parcelles de terrains virtuels dans les métavers ?
Ou, pour reprendre les mots du député Beauchemin lors de la même Commission, «donc, par exemple tous les tableaux crypto ou toutes les chansons de crypto, tout le côté artistique crypto, tout ça est inclus donc dans cette définition-là».
Oui, vraisemblablement.
«Ça peut être inclus, mais évidemment, ce qu’on vise ici, c’est des valeurs numériques, donc plus les cryptomonnaies, des jetons de jeu vidéo dont on m’a parlé aussi comme exemple. C’est tout ce qui peut être considéré comme des cryptoactifs», a confirmé Paul Morin, légiste à Revenu Québec qui accompagnait le ministre à l’Assemblée nationale, précisant au passage que l’expression «registre distribué» faisait bien référence à la chaîne de blocs.
Une mesure contraignante annonçant d’autres resserrages réglementaires, s’inquièteront peut-être certains acteurs du Québec Inc. déjà actifs ou planifiant d’entrer dans l’écosystème du bitcoin. Ce serait oublié que pour le ministre des Finances les cryptomonnaies ne constituent ni un outil d’épargne ni un outil d’échange. «Et en aucun cas le gouvernement du Québec n’encourage l’utilisation de la cryptomonnaie», avait insisté Éric Girard quelques mois plus tôt lors des études des crédits budgétaires, exhortant quiconque qui recourt aux crypto à «la prudence et la saine gestion des risques».
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