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Olivier Laquinte

Transformation numérique

Olivier Laquinte

Expert(e) invité(e)

Il va falloir apprendre à «prendre notre gaz égal»!

Olivier Laquinte|Publié le 21 mars 2022

Il va falloir apprendre à «prendre notre gaz égal»!

L’angle mort n’est pas tant la capacité de nos organisations à livrer des projets, mais plutôt la capacité de nos équipes à absorber les changements imposés par ceux-ci. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Avec ce titre, je ne fais pas seulement référence aux constats alarmants du dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’évolution du client (GIEC) sur la hausse des températures ou de la pression qu’exerce l’invasion russe sur le prix de l’essence.

Je parle aussi de la pandémie, du mouvement #blacklivesmatter, de la crise politique aux États-Unis, des «convois de la liberté» au Canada, de l’inflation. Bref, de tout ce qui nous frappe mois après mois depuis maintenant deux ans. Chaque fois qu’on a l’impression qu’une crise est maîtrisée, une autre pointe le bout du nez et prolonge l’état anxiogène dans lequel nous vivons.

Ajoutons à cela la pression bien réelle que nous avons à faire évoluer nos organisations pour, justement, s’adapter à toutes ces pressions.

Nous sommes nombreux, en tant que dirigeants et dirigeantes, à accélérer la cadence en voulant protéger ou préparer nos organisations à la prochaine crise. Remarquez que j’utilise ici le terme «organisation» et non «entreprise» de manière délibérée, car le phénomène est le même pour tous que ce soit un OBNL, une entreprise incorporée ou le gouvernement. Tous ressentent cette pression.

Bien que ce soit à la fois louable et compréhensible de vouloir lancer des projets, on ne peut faire abstraction de la fatigue, voir l’épuisement généralisé.

Comment pouvons-nous conjuguer l’urgence du bouger avec le niveau d’énergie réduit et la pression sur le système?

 

Rien ne sert de courir, il faut partir à point

On aura beau vouloir aller plus vite et en faire toujours davantage, l’ensemble de notre écosystème est sous pression.

L’angle mort dans tout ça n’est pas tant la capacité de nos organisations à livrer des projets, mais plutôt la capacité de nos équipes à absorber les changements imposés par ceux-ci.

Qu’on le veuille ou non, il y a une limite, consciente ou non, à ce qu’on peut absorber comme perturbations dans nos vies. C’est que nous appelons le phénomène de saturation au changement, qui représente «l’état de surcharge mentale caractérisée par un degré d’épuisement et d’anxiété accrue, causé par un ou plusieurs stresseurs importants dans l’environnement de l’individu, affectant sa capacité d’adaptation et son fonctionnement général». Une bonne façon de l’illustrer est d’imaginer un verre d’eau qui, il y a deux ans, avant la COVID était à 50 ou à 75% pleins, mais qui maintenant est constamment à une goutte près de déborder.

Comme le souligne souvent ma collègue Emmanuelle Fortier, à qui revient le crédit pour ce concept, tout individu a une limite, la COVID a pour plusieurs grugé l’énergie au point où l’on parle de saturation et où nos gens travaillent avec une capacité moindre. C’est le contexte dans lequel nous sommes aujourd’hui et c’est le contexte dans lequel les individus avancent au sein des différentes organisations.

Qu’on le veuille ou non, on doit en tenir compte.

Est-ce que ça veut dire que nous devons arrêter tous nos projets? Non, évidemment. Il faut toutefois adapter nos manières de faire. Il faut tout d’abord en prendre acte et ne pas mettre le problème sous le tapis.

Il faut évidemment replanifier les programmes de transformation en projet, prioriser les plus importants et remettre certains à plus tard. Mais il n’y a pas de recette magique.

Toutefois, une constante ressort: inclure nos équipes de Ressources humaines dans la planification de la transformation et les écouter. Depuis trop longtemps les décisions de Go/NoGo des projets de transformation sont prises sans réellement prendre en considération le facteur humain. Parce qu’il est difficile à quantifier, mais aussi parce que les comités exécutifs ont la fausse impression que les capacités humaines sont élastiques: «Ils vont entrer dans le rang» ; «une fois la solution en place, ils n’auront pas le choix de l’utiliser» ; «pas besoin de remplacer cette personne dans son rôle régulier pendant qu’elle est dans le projet, il ou elle peut en prendre un peu plus». Ce n’était pas vrai avant, ça l’est encore moins aujourd’hui.

Je répète sans cesse que le plus difficile dans une transformation numérique ce n’est pas de faire fonctionner la technologie, mais de préparer les gens. C’est encore plus vrai aujourd’hui, nos équipes nous le disent. Prenons-en acte.