(Photo: 123RF)
À voir Tim Ellis courbé sur son ordinateur portable, seul dans une salle de la plus grande conférence de l’industrie spatiale dans le Colorado, on peine à imaginer que le jeune fondateur de Relativity Space puisse devenir le prochain Elon Musk.
Mais la société qu’il a cofondée en décembre 2015 avec comme vision de lancer des fusées entièrement imprimées en 3D est passée en un an de 14 à 80 salariés, et recrutera 40 autres personnes cette année.
À 28 ans, Tim Ellis a débauché plusieurs vétérans de l’industrie, dont de SpaceX, le leader du marché américain des lancements fondé par Elon Musk. Relativity Space a levé 45 millions de dollars à ce jour. L’opérateur Telesat vient de lui confier le lancement d’une partie de sa future constellation 5 G. L’armée américaine lui a accordé un pas de tir à Cap Canaveral.
Et Tim Ellis, qui il y a six ans était encore en master d’ingénierie aérospatiale à l’Université de Californie du Sud, siège dans une instance du Conseil national de l’espace de la Maison-Blanche, avec d’anciens astronautes et les patrons des plus grands groupes aérospatiaux américains.
« J’y suis le plus jeune, d’au moins 20 ans, et le seul représentant d’une start-up entièrement financée par du capital-risque », dit Tim Ellis à l’AFP pendant le 35e Space Symposium à Colorado Springs, grand rendez-vous annuel de l’industrie spatiale, qui accueillera 15 000 participants venus de 40 pays jusqu’à jeudi.
Des dizaines de start-up se sont lancées ces dernières années sur le marché des petites et moyennes fusées pour répondre à la demande des petits satellites. Beaucoup péricliteront sans doute avant d’avoir fabriqué leur premier exemplaire, mais c’est le jeu, explique Tim Ellis.
« Dans la Silicon Valley, il y a cette idée qu’on va faire beaucoup de gros paris, dont la plupart seront totalement perdants », explique-t-il. « Mais les paris gagnés paieront pour tous les paris perdus, avec un retour sur investissement énorme si c’est le prochain Google ou SpaceX ».
Relativity Space, basée comme SpaceX à Los Angeles, a imprimé à ce jour 9 moteurs et trois seconds étages en aluminium de son modèle de fusée, baptisée Terran 1, dont le premier vol d’essai est programmé pour la fin 2020.
Petits satellites
Avec ses grands robots d’impression 3D, la start-up affirme diviser par 100 le nombre de pièces par rapport à une fusée traditionnelle. « Nous ne sommes experts que dans deux ou trois processus », fait valoir Tim Ellis, au lieu d’avoir à gérer une grande chaîne logistique et des dizaines ou centaines de fournisseurs. « C’est beaucoup plus simple ».
Seuls les systèmes électroniques ne sont pas imprimés.
« C’est beaucoup moins cher, car l’automatisation réduit les coûts de main-d’œuvre », dit l’ingénieur, qui facturera 10 millions de dollars le lancement, du moins au début.
« C’est aussi plus flexible » : à terme, Relativity Space voudra adapter la taille de la coiffe de ses fusées aux clients individuels, en fonction de la taille de leur satellite.
La rapidité est l’autre avantage : « 60 jours des matières premières au lancement », promet Tim Ellis.
Si Relativity Space réussissait cette prouesse, ce qu’elle n’a pas encore prouvé, elle révolutionnerait l’industrie du lancement. Aujourd’hui, un opérateur de satellite peut attendre des années avant d’avoir une place dans les grosses fusées d’Arianespace ou de SpaceX.
La Terran 1 sera dix fois plus petite que la Falcon 9 de SpaceX, capable de placer 1 250 kg en orbite très basse (185 kilomètres d’altitude). Cela pourrait convenir pour des constellations de mini-satellites de télécommunications ou d’imagerie de la Terre, mais aussi pour l’un des plus gros clients de l’espace : l’armée américaine.
C’est une autre raison de la venue du jeune patron à Colorado Springs : rencontrer de hauts gradés du Pentagone.
« Je mets rarement des costumes, mais si c’est pour les militaires, je le fais sans problème », dit Tim Ellis, le cou serré par une cravate sombre.