«La présente loi a pour objet de régir toutes les transactions liées aux cryptomonnaies en République centrafricaine, sans restriction (…) effectuées par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées», prescrit le texte. (Photo: 123RF)
Bangui — La Centrafrique, deuxième pays le moins développé du monde selon l’ONU, a adopté le bitcoin comme monnaie officielle au côté du franc CFA et légalisé l’usage des cryptomonnaies, a annoncé mercredi la présidence assurant qu’il s’agit du premier pays à le faire en Afrique.
L’Assemblée nationale a voté «à l’unanimité» des députés présents la loi «régissant la cryptomonnaie en République centrafricaine» et le président Faustin Archange Touadéra l’a promulguée, assure dans un communiqué le ministre d’État et directeur de cabinet de la Présidence, Obed Namsio, ajoutant: la Centrafrique est «le premier pays d’Afrique à adopter le bitcoin comme monnaie de référence».
Le 7 septembre 2021, le Salvador avait été le premier pays au monde à adopter le bitcoin comme monnaie légale et le Fonds monétaire international (FMI) avait immédiatement dénoncé une décision dangereuse pour la «stabilité financière, l’intégrité financière et la protection des consommateurs».
«Cette démarche place la République centrafricaine sur la carte des plus courageux et visionnaires pays au monde», estime au contraire la présidence de la Centrafrique, pays en guerre civile depuis 2013.
Fin 2020, une majorité des groupes armés qui occupaient alors les deux tiers du territoire ont lancé une offensive contre le pouvoir du président Touadéra, qui a appelé Moscou à l’aide. Déjà présents depuis 2018, des paramilitaires russes sont venus en renfort aux côtés des soldats centrafricains pour repousser l’offensive rebelle.
Mais l’ONU, des ONG internationales et la France, l’ancienne puissance coloniale, dénoncent régulièrement des «crimes» commis par des «mercenaires» de la compagnie russe de sécurité privée Wagner, comme par la rébellion. Et accusent le pouvoir de M. Touadéra d’avoir mis le pays sous la coupe de Wagner, affirmant que cette dernière «pille» les ressources du pays, notamment en minerais précieux.
«Le contexte, avec une corruption systémique et un partenaire russe sous sanctions internationales, incite à la suspicion», a déclaré à l’AFP Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI). «La recherche de voies de contournement des sanctions financières internationales par la Russie invite à la prudence», a-t-il poursuivi.
Inquiétude des banques centrales
«La loi a été votée par acclamation», selon la présidence, mais certains membres de l’opposition «vont attaquer la loi devant la Cour constitutionnelle», a déclaré mercredi à l’AFP Martin Ziguélé, ancien Premier ministre aujourd’hui député de l’opposition.
«Cette loi est une manière de sortir du Franc CFA par un moyen qui vide de sa substance la monnaie commune (…), ce n’est pas une priorité pour le pays, cette démarche interroge: à qui profite le crime?», a-t-il poursuivi.
«La présente loi a pour objet de régir toutes les transactions liées aux cryptomonnaies en République centrafricaine, sans restriction (…) effectuées par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées», prescrit le texte qui évoque notamment «les activités de commerce en ligne», «toutes transactions électroniques» ou bien encore «les contributions fiscales». La loi prévoit aussi que «les échanges en cryptomonnaies ne sont pas soumis à l’impôt».
La volatilité du bitcoin peut donner le vertige. En 2021, les cours avaient flambé de plus de 150% à un plus haut historique de 68 991 dollars, avant de s’effondrer de plus de 30%.
Même si le marché s’est assagi en 2022, les variations restent très fortes: -17% en février, +8% en mars et +10% en avril. Le bitcoin s’échangeait mercredi à plus de 39 000 dollars.
Pour l’heure, seuls le Salvador et la Centrafrique ont adopté le bitcoin comme monnaie légale, mais d’autres pays envisagent de le faire, certains ayant enclenché des processus législatifs dans ce sens, selon le site spécialisé Coinmarketcap.com.
En Ukraine, le gouvernement a accepté des donations en cryptomonnaies, récoltant plus de 100 millions de dollars dès les premiers jours du conflit pour nourrir son effort de guerre.
Mais les banques centrales occidentales s’inquiètent également de leur possible utilisation pour contourner les sanctions imposées à la Russie et les appels à une régulation internationale se multiplient aux États-Unis et en Europe.
Par ailleurs, à travers le monde, de nombreux pays évoquent la possibilité de créer leur propre monnaie numérique, qui serait centralisée.