Le potentiel de ces sociétés décentralisées a été découvert en 2016, lorsqu'un groupe de développeurs d’Ethereum a lancé The DAO, une plateforme permettant à quiconque de présenter son idée à la communauté et de recevoir un financement issu de la trésorerie. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
«L’ultime potentiel des cryptomonnaies pourrait être de jeter les bases des DAO pour concurrencer et remplacer progressivement les entreprises», explorent dans leur dernier rapport industriel Michael Graham, Jason Tilchen et Joseph Vafi de Canaccord Genuity.
Protocoles de chaînes de blocs dont le code source est libre d’accès, ces organisations autonomes décentralisées sont régies par des règles programmées dans des contrats intelligents, plutôt que de s’appuyer sur une structure de gestion centralisée et hiérarchique pour la prise de décision. C’est l’un des cas d’utilisation les plus prometteurs de la technologie.
Les DAO, parfois décrites comme un groupe de discussion avec un compte bancaire partagé, sont similaires aux structures organisationnelles existantes pour les groupes de personnes qui mettent en commun leurs ressources et leur capital pour atteindre un objectif commun. À l’instar de sociétés d’investissement.
Gestion et gouvernance jetonisées
Le système de ces entreprises numériques appartenant à leurs membres repose entre autres sur des jetons de gouvernance (governance tokens) qui fonctionnent en quelque sorte comme des parts de capital pour les contributeurs au projet. Ces jetons confèrent un intérêt financier ainsi qu’un droit de vote pour les décisions (généralement, mais pas toujours au prorata de la quantité de jetons possédés).
La plupart des jetons de gouvernance peuvent être échangés sans autorisation sur l’équivalent d’une bourse, mais sous une forme décentralisée. D’autres jetons peuvent encore être gagnés en fournissant des liquidités à l’organisation et autres mécanismes participatifs.
«Avec leur nature transparente et entièrement publique qui contraste fortement avec l’activité et les opérations typiquement privées des entreprises traditionnelles, nous pensons que les DAO ont le potentiel pour servir de structure organisationnelle préférée du Web 3.0 (le Web décentralisé)», notent les analystes de Canaccord.
Sans oublier qu’à une époque où la pandémie a imposé le télétravail dans nombre d’entreprises, le fait que l’organisation ne soit pas liée à un endroit physique permet à n’importe quel utilisateur dans le monde de participer.
Collaboration démontrée
Le potentiel de ces sociétés décentralisées a été découvert en 2016, lorsqu’un groupe de développeurs d’Ethereum a lancé The DAO, une plateforme permettant à quiconque de présenter son idée à la communauté et de recevoir un financement issu de la trésorerie.
«The DAO est devenu le plus grand financement participatif de l’histoire, levant 12,7 millions d’ETH (environ 150 millions de dollars américains à l’époque, ce qui vaudrait à la valeur marchande actuelle quelque 34 milliards $) sur une période de 28 jours», rappelle Canaccord Genuity, avant de remémorer qu’un piratage massif avait marqué la fin du groupe.
Malgré cet échec dû à une faille dans le code, la preuve de concept avait été démontrée: une DAO avait le pouvoir de mobiliser une communauté. Ce qui a encouragé des centaines de nouvelles DAO à voir le jour. En mettant l’accent sur la sécurité.
Améliorations à apporter
Actuellement, la plus importante DAO n’est autre que la plateforme d’échange Uniswap, une cryptobourse décentralisée. Son jeton de gouvernance UNI affiche une capitalisation de marché de 11 milliards de dollars, ce qui en fait le 23e actif crypto le plus importante au monde. De moindre ampleur, citons encore BitDAO, une autre organisation automatisée décentralisée de premier plan, qui en partenariat avec huit des meilleures universités de la planète, dont le MIT, Harvard ou encore Oxford, porte le projet EduDAO. La mission étant de subventionner la recherche et le développement de produits autonomes liés aux technologies de chaînes de blocs et Web 3.0.
«Les DAO ont un potentiel énorme, même s’il s’agit d’un concept relativement nouveau et qu’il n’est pas exempt de défauts. En effet, certains groupes peuvent perdre de vue leurs objectifs lorsque les mentalités du marché amènent les communautés à devenir principalement des réseaux de maximisation du profit», épinglent les analystes de Canaccord Genuity.
Outils extrêmement efficaces pour la coordination sociale, les DAO requièrent davantage d’encadrement pour responsabiliser les utilisateurs et inciter les membres à contribuer à la croissance du projet. De profonds développements restent aussi nécessaires pour améliorer l’expérience des utilisateurs et garantir l’évolutivité.
Une fois seulement ces étapes franchies, les DAO pourront davantage essaimer…
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