La médiocrité scientifique a terni l’innovation du bitcoin
François Remy|Publié le 09 septembre 2024Les conséquences de ce pseudo-consensus scientifique ne se limitent pas au débat d’idées dans les cénacles académiques. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. C’est un appel pour rétablir la vérité. Dans son premier document de travail, l’Institut de recherche sur les actifs numériques (DARI) dissèque sept années de recherche scientifique sur la dimension énergétique du bitcoin dont les faiblesses ont alimenté la désinformation.
C’est un appel à la raison, pour (enfin) établir une approche équilibrée au sein de laquelle « les faits peuvent se développer, les mythes sont remis en question et les préoccupations réelles sont abordées de manière réfléchie ». Dans son premier document de travail, l’Institut de recherche sur les actifs numériques (DARI), qui s’est donné pour mission de quantifier par la donnée l’impact environnemental et sociétal du réseau Bitcoin, dissèque ainsi sept années de recherche scientifique dont les erreurs ont biaisé l’étude de la dimension énergétique de la plus célèbre des chaînes de blocs.
Dans l’article intitulé « Des citations à tout va et la persistance de la désinformation sur Bitcoin », l’auteur examine en quelque sorte le pouvoir des citations scientifiques ou comment nombre d’études dont les résultats ont été démentis continuent de façonner le récit.
« La désinformation résulte généralement de la publication à faible standard : la pauvreté méthodologique est fréquente dans les travaux à caractère négatif. Les archétypes de ces publications continuent d’accumuler un nombre important de citations malgré le recours à des méthodes défaillantes », souligne le DARI.
Cette situation constitue un défi pour celles et ceux qui cherchent à apporter un point de vue plus nuancé. Et pour cause, aussi imparfaits soient-ils, les résultats repris dans « l’emballement des citations » auraient considérablement influencé le discours général sur le bitcoin, mais aussi les cryptoactifs et les technologies associées. Cette narration met dès lors en évidence de manière disproportionnée les aspects négatifs sans prendre en compte les avantages ou s’attaquer à la désinformation.
Catastrophisme théorique aux conséquences réelles
Les conséquences de ce pseudo-consensus scientifique ne se limitent pas au débat d’idées dans les cénacles académiques. Elles ont alimenté une couverture médiatique partiale, à renfort de gros titres teintés de catastrophisme, et dénaturé la prise de décision concernant le bitcoin de divers régulateurs ou gouvernants.
Des réactions concrètes en ont découlé telles que des mesures réglementaires (Riley, 2021), des restrictions sur le minage (Xie, 2019) et la stigmatisation du bitcoin (Kinney, 2021a), cite l’auteur pour le DARI. Et d’ajouter que « cette persistance entrave le potentiel de Bitcoin à contribuer positivement à l’inclusion financière, au déploiement des énergies renouvelables, à la gestion des réseaux électriques et à l’atténuation des émissions de méthane ».
L’institut de recherche revendiquant son indépendance pointe un suspect habituel parmi les responsables de cette problématique, le scientifique de la donnée Alex de Vries dont les travaux ont accumulé plus de 1 130 citations cumulatives. L’article le plus influent de De Vries, « Le problème énergétique croissant de Bitcoin », continue, par exemple, d’être cité dans de nouvelles publications alors qu’il a été complètement démystifié par des études évaluées par des pairs (Sai & Vranken, 2023). « Et c’est loin d’être le seul document de ce type », insiste le document de travail du DARI, estimant que près de 5000 articles erronés ont été publiés à propos du bitcoin. Il est important de noter qu’il ne s’agit que de la littérature académique et que les médias en rapportent les grandes lignes souvent en termes simplifiés.
Néanmoins, une lueur d’espoir scientifique apparaît depuis la parution de travaux « méthodologiquement défendables » et qui démontrent des « résultats exacts, bien que très spécifiques ». La science ne doit pas faire exception pour Bitcoin : pour éviter que des publications de mauvaise qualité continuent de déformer les connaissances, il reste essentiel de promouvoir une recherche se pliant à des normes rigoureuses, en veillant à ce que les données soient vérifiables et les résultats reproductibles.