Que fait-on avec notre matériel en fin de vie, avons-nous des critères le définissant? (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Nous sommes, pour la plupart, fondamentalement égocentriques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en gestion du changement on cherche toujours à trouver le «What’s in it for me». Ça permet de trouver l’angle de communication qui favorisera l’adhésion des membres d’équipe.
J’étais dans une conférence récemment (enfin!) et une des participantes a lancé une phrase au passage: «Vous savez, la planète va survivre. À Tchernobyl, la forêt est maintenant luxuriante.»
Ça porte à réflexion. Au fond, lorsqu’on parle de réchauffement de la planète, c’est de notre survie qu’il est question. Peut-être devrions-nous donc utiliser un angle différent afin de parler des changements climatiques?
Est-ce que ça nous parlerait davantage si l’on se posait la question suivante: «Voulons-nous vraiment assassiner la génération qui suivra la prochaine?» Est-ce assez puissant comme «What’s in it for us»?
Je suis assez pessimiste par rapport à notre capacité d’exécuter de notre plein gré les efforts nécessaires pour contrer les changements climatiques. Nous avons prouvé récemment qu’il nous est très difficile de faire des sacrifices pour le bien commun sur le long terme.
Les théories conspirationnistes et les slogans qui appellent à la liberté individuelle ne sont jamais bien loin. Et que dire de nos gouvernements et de leurs courtisans qui sont pour la plupart beaucoup trop électoralistes pour avoir le courage ou l’audace de prendre des décisions qui pourraient fragiliser leurs chances de réélection. Avec un bémol à la politique municipale qui démontre un leadership assumé, authentique et inspirant.
Qu’est-ce qui reste alors?
Il reste les organisations: parapublic, privée, à but non lucratif. Paradoxalement, j’ai beaucoup plus confiance en notre capacité à nous mobiliser à travers nos organisations qu’en tant qu’individu. Ça tombe bien puisque l’activité industrielle est responsable de 45% de la production des gaz à effet de serre.
Selon la fondation Ellen McArthus, environ la moitié des gaz à effets de serre provient des processus de fabrication nécessaires à la production des biens que nous utilisons et de la transformation alimentaire. En agissant, nos organisations peuvent donc avoir un impact significatif dans la lutte aux changements climatiques.
Comment?
À travers un design des produits et des chaînes de valeur qui minimise la production de déchets, nous pourrons ainsi garder les matériaux que nous produisons plus longtemps en circulation, garder l’énergie qui a été nécessaire à leur première transformation et réutiliser les matières organiques afin de régénérer les systèmes naturels.
Bon, c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais c’est exactement la raison pour laquelle il faut s’y mettre sans tarder.
L’économie circulaire, ce n’est pas seulement une affaire de transformation de la chaîne d’approvisionnement et des modes de production. C’est aussi une question de génération de revenus et de nouveau modèle d’affaires qui représente un marché de 4,5 trillions dans les 10 prochaines années.
La technologie jouera évidemment un rôle important dans le virage vers la circularité. Dans les dix années qui ont précédé la pandémie, le mantra des transformations était la création d’une expérience. Les deux dernières années nous ont forcées à exploiter la technologie pour revoir nos méthodes de travail. Les dix prochaines seront sous le thème de la lutte aux changements climatiques.
L’internet des objets permettra une meilleure traçabilité de la matière, de l’extraction à la consommation en vue d’une meilleure réutilisation. La technologie nous permettra de développer des modèles distribués basés sur la collaboration des différents acteurs, notamment à travers l’internet des objets et la chaîne de bloc. Une meilleure compréhension du comportement des consommateurs permettra d’optimiser encore davantage nos procédés de production et il y a fort à parier que l’impression 3D nous démontrera toute sa puissance. En bref, la technologie nous offrira encore de nombreuses possibilités, pour peu qu’on se pose les bonnes questions.
Il y a toutefois un piège. Un gros, très gros, voire «ÉNOOORME» comme dirait mon petit garçon.
Les gaz à effet de serre générés par la technologie et le numérique représentent aujourd’hui 4% du total mondial et augmenteront à 8% en 2025. En comparaison, le trafic aérien est responsable de 2 à 5% des gaz à effet de serre.
Afin de contrer les effets négatifs, il est essentiel de tenir compte des externalités négatives de la technologie et d’introduire la notion de sobriété numérique. C’est possible de faire un pas dans cette direction en se posant 11 questions.
Par rapport à l’approvisionnement:
1. Le matériel acheté provient-il de sources durables?
2. A-t-il une bonne cote énergétique?
3. Est-ce un choix raisonnable par rapport à l’usage anticipé?
4. Est-il aisément réparable, configurable, améliorable?
5. A-t-on un contrat de maintenance dont l’objectif est de maximiser la durée de vie du matériel?
Par rapport à l’usage qu’on en fait:
6. Est-ce que ma consommation énergétique liée au numérique est raisonnable?
7. Est-ce que les serveurs qui hébergent mes services ou mon site web sont alimentés par des sources durables?
8. A-t-on mis en place une politique ou un utilitaire de gestion des données?
9. A-t-on une politique qui récompense l’usage raisonnable du numérique?
Et finalement par rapport à la fin de vie des équipements:
10. Quels sont les critères objectifs qui définissent un matériel en fin de vie?
11. Que fait-on du matériel en fin de vie?
Ça ne réglera pas tout, mais ça entraîne une réflexion ô combien nécessaire! L’ubiquité de la technologie nous impose de prendre des décisions réfléchies afin de ne pas empirer davantage la situation et nous éloigner de notre objectif.
Il n’y a pas de réponse facile à la crise climatique à laquelle nous faisons face et soyons honnête, il n’est pas certain que nous arriverons à contenir la hausse de température à 1,5 degré. Pour s’assurer d’y arriver, il ne faut rien tenir pour acquis et utiliser tous les leviers qui s’offrent à nous.
On entend de plus en plus que la ressource la plus importante, c’est la donnée. C’est faux. La ressource la plus importante, c’est le temps. Il est universel et non renouvelable. Nous commençons à en manquer. Arrêtons de le gaspiller et agissons, tous ensemble.