La réglementation est-elle vraiment une mauvaise chose?
Laura O'Laughlin|Édition de la mi‑octobre 2019(Photo: Robin Worrall pour Unsplash)
MACROÉCONOMIE. L’une des premières victimes de la crise financière a été l’«homo economicus», c’est-à-dire l’humain parfaitement rationnel qui n’a agi que de la manière la plus rationnelle sur le plan économique. Depuis sa mort, vers la fin des années 2000, la profession d’économiste a peu à peu évolué vers un consensus naissant selon lequel les êtres humains doivent être étudiés tels qu’ils sont dans le monde réel, plutôt que comme ils pourraient se comporter «rationnellement» à l’intérieur d’un modèle illustratif.
Aujourd’hui, même la «main invisible» semble sur le point de devenir un peu plus visible. On pensait autrefois que toute ingérence dans les forces de l’offre et de la demande était mauvaise. Seuls des dommages (dus à l’inefficacité, aux distorsions et à la perte de bien-être) pourraient résulter de la réglementation des prix. Cependant, des recherches récentes suggèrent que les plus grands fantômes de l’économie du laissez-faire – les réglementations et les contrôles de prix – pourraient ne pas mériter leur stature effrayante autant qu’on le pensait auparavant.
Considérons la récente proposition avancée au cours de la campagne électorale fédérale visant à plafonner le prix des forfaits de téléphonie mobile et des données pour les consommateurs. Selon plusieurs indicateurs, les consommateurs canadiens semblent payer davantage pour leur téléphone et leurs données que partout ailleurs dans le monde. À l’heure actuelle, les systèmes de tarification sont complexes et il existe peu de plans de téléphonie mobile «illimités» abordables sur le marché canadien. Pour obtenir le meilleur plan possible, les consommateurs doivent non seulement planifier leur consommation de minutes et de données, mais ils doivent également avoir le temps d’étudier les détails des contrats pour connaître les pénalités potentielles encourues par l’itinérance, les appels excédentaires et les appels longue distance. Par conséquent, plusieurs consommateurs conservent leurs anciens plans pourtant plus chers, tout simplement parce qu’ils n’ont ni le temps ni la possibilité de rechercher une offre plus avantageuse.
Selon des recherches récentes, la raison pour laquelle le plafonnement des tarifs et la réglementation peuvent fonctionner est précisément cette différence entre le décryptage intensif des meilleures offres, qui prend beaucoup de temps, et la tâche plus simple de la navigation. Il vaudrait mieux que les consommateurs qui disposent de peu de temps et d’attention puissent «naviguer» pour trouver les meilleures offres plutôt que d’être forcés d’«étudier» les petits caractères d’une offre de contrat particulière. En réglementant les «caractéristiques secondaires» des contrats – tels que le plafonnement des frais pour des données supplémentaires dans un contrat de téléphonie mobile -, les consommateurs peuvent être assurés qu’ils ne paieront pas trop, même s’ils passent moins de temps à étudier.
Il est intéressant de noter que le plafonnement des tarifs dans des marchés complexes nécessitant un niveau élevé de recherche de la part des clients pour obtenir un bon prix peut aider beaucoup plus que le manque de temps; il peut également accroître la concurrence au-delà de ce qui a trait au simple service de base. Cela dit, certains observateurs ont certainement noté qu’une telle politique d’encadrement des prix placerait le Canada loin des normes internationales.
En fin de compte, les consommateurs et les constructeurs automobiles canadiens ont bien accueilli les réglementations telles que les ceintures de sécurité, les limitations de vitesse et les interdictions de conduite avec facultés affaiblies. Peut-être qu’un plafonnement des prix, une réglementation ou une combinaison des deux pourrait faire la même chose pour l’industrie canadienne de la téléphonie mobile.