Rogers a jusqu'au 22 juillet pour répondre aux questions envoyées par l'organisme fédérale. (Photo: La Presse Canadienne)
Toronto — L’organisme de surveillance des télécommunications au Canada a ordonné à Rogers de fournir une explication détaillée au sujet de la panne de service généralisée de la semaine dernière qui a touché des millions de Canadiens et a compliqué l’accès aux services d’urgence et aux transactions bancaires.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déclaré, mardi, qu’il avait demandé à Rogers de répondre d’ici le 22 juillet aux questions détaillées qu’il avait envoyées à l’entreprise, notamment sur le «pourquoi» et le «comment», la panne s’est produite et sur les mesures qu’elle met en place pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise dans le futur.
Le président du CRTC, Ian Scott, a déclaré dans un communiqué que la requête était la première étape que l’agence prenait pour améliorer la résilience du réseau.
«Des événements de cette ampleur qui paralysent des parties de l’économie de notre pays et mettent en péril la sécurité des Canadiens et Canadiennes sont tout simplement inacceptables.»
Cette demande intervient un jour après que le ministre fédéral de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a annoncé que le CRTC enquêterait sur la panne et a rencontré le chef de la direction de Rogers, Tony Staffieri, et les dirigeants de plusieurs autres fournisseurs de télécommunications.
Lors de la réunion, M. Champagne a demandé aux entreprises de proposer un plan de crise, comprenant des accords sur l’itinérance d’urgence, un cadre «d’assistance mutuelle» pendant les pannes et un protocole de communication pour «mieux informer le public et les autorités lors des urgences de télécommunications».
Des inquiétudes d’un vétéran des communications
Cette exigence amène le risque de créer une situation où le réseau d’un concurrent est débordé et le service est finalement dégradé, craint un ancien dirigeant des télécommunications.
L’ancien chef des finances de Telus, Robert McFarlane, a déclaré que bien que concevoir une stratégie pour s’assurer que les téléphones de tout le monde puissent fonctionner sur d’autres réseaux en cas de panne de service est «extrêmement logique», les fournisseurs de télécommunications devront être très réfléchis dans leur approche.
Des questions épineuses pourraient survenir à savoir si un fournisseur devrait ou non favoriser ses propres clients par rapport à ceux qui utilisent ce fournisseur comme remplaçant lors d’une situation d’urgence, a-t-il expliqué.
M. McFarlane a également déclaré que si Québecor réussit à acquérir Freedom Mobile, l’opérateur sans fil appartenant à Shaw, cela permettrait à l’entreprise établie à Montréal d’accroître sa présence nationale et de renforcer ses activités, ouvrant ainsi la porte à ce que Rogers et à Québecor deviennent potentiellement un réseau de secours pour l’un et l’autre.
La date limite pour que Rogers, Shaw et Québecor parviennent à un accord définitif sur la vente de Freedom est le 15 juillet.
Dwayne Winseck, professeur à l’Université Carleton, croit, pour sa part, que les consommateurs pourraient avoir plus de pouvoir dans les situations d’urgence s’ils avaient la possibilité de passer temporairement à un autre réseau par eux-mêmes lors de scénarios imprévus comme la panne de la semaine dernière.
M. Winseck estime que le service d’opérateur de réseau virtuel mobile (MVNO) de Google aux États-Unis, Google Fi, qui permet aux gens de changer d’opérateur à l’aide d’une application Web, pourrait valoir la peine d’être reproduit ici au Canada.
«Pour les situations d’urgence, le gouvernement et le CRTC pourraient imposer des frais d’itinérance quotidiens pour les abonnés qui ont sauté sur un autre réseau», a-t-il déclaré.
Le gouvernement fédéral donne aux entreprises de télécommunications qui ont participé à la réunion de lundi environ deux mois pour élaborer un plan de résilience du réseau clair. Si les fournisseurs ne sont pas en mesure d’en trouver un dans ce délai, le professeur pense qu’il existe certains leviers qu’Ottawa peut actionner.
«Ils peuvent émettre un décret en vertu de l’article 8 de la Loi sur les télécommunications. Ils peuvent également imposer de telles obligations comme condition de licence lors de la prochaine ronde d’enchères du spectre», a-t-il suggéré.
Le ministre de l’Industrie pourrait également tenir compte de l’absence d’un plan de résilience complet dans son examen en cours de l’offre d’achat de 26 milliards $ par Rogers pour acheter Shaw, et ce faisant, «faire pencher la balance en opposition à l’accord», ajoute M. Winseck.