Dans les communautés urbaines et rurales, le coût élevé des services internet à haut débit constitue un obstacle de taille. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Les monnaies numériques de banques centrales (MNBC) ne résoudront pas, par le seul miracle de leur existence, les problèmes d’inclusion des populations rurales, des communautés autochtones, des Canadiens à faibles revenus ou des personnes handicapées.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Le miracle d’une monnaie publique, inclusive et universellement accessible, reste à l’heure actuelle une promesse d’un monde meilleur. Promesse que certains banquiers centraux aiment prophétiser dans les louanges de leurs futures monnaies numériques. Cependant, les enjeux sociaux et sociétaux d’inclusion financière, d’inclusion digitale et d’accessibilité, auxquels le bitcoin sensibilise depuis 14 ans, constituent un défi à surmonter dans l’état actuel de la finance traditionnelle.
Certes, la numérisation exponentielle de notre quotidien charrie de nouvelles occasions favorables. La logique voudrait ainsi que les services financiers ont acquis le don d’ubiquité, accessible partout, tout le temps. Une illusion pour nombre d’utilisateurs qui doivent encore compter sur les bonnes vieilles agences bancaires, en briques et mortier, pour répondre à leurs besoins. Les populations rurales ne peuvent déjà pas accéder aux services bancaires numériques pour diverses raisons, telles que la connexion internet.
Le phénomène pas si récent de numérisation crée de nouveaux obstacles ou exacerbe des inégalités existantes. Dans les communautés urbaines et rurales, le coût élevé des services internet à haut débit constitue un obstacle de taille. Il ne manque pas d’études pour rappeler que la moitié des ménages à faibles revenus ou des personnes âgées de plus de 60 ans ont des vitesses d’accès à Internet particulièrement lentes. Ajoutons à cela les nouveaux arrivants ou les célibataires qui s’avouent inquiets à la simple idée de payer leurs factures d’internet à domicile.
Parallèlement, Statistique Canada a déjà documenté le fait que les populations autochtones se tournaient vers des services bancaires marginaux en raison de la discrimination dont ils ont fait l’objet par le passé, pour des raisons structurelles (problème d’identification) ou interpersonnelles (problème de discrimination).
Ces réalités circonstancient le fait que des personnes se retrouvent hors du système bancaire, pour de multiples raisons parmi lesquelles une littératie financière limitée ou un manque de confiance en soi peuvent également s’avérer déterminants. Les communautés vulnérables et les personnes handicapées sont dès lors fréquemment exclues de la finance classique.
Et le huard numérique sauvera le monde…
Dans l’imaginaire des banquiers centraux, une MNBC reprendra alors toutes les vertus du bitcoin, sans la volatilité, la spéculation, la cybercriminalité… Un vœu pieux ne souffrant d’aucune remise en question technique. Car pour qu’une monnaie numérique de banque centrale soit accessible à tous, encore faut-il qu’elle soit conçue de la sorte. Et accessoirement utilisée par tous.
Une telle conception exige une bonne compréhension du volume des utilisateurs finaux et des défis auxquels ils sont confrontés. Les mauvaises fortunes en termes de qualité de services bancaires, de coût et d’expérience risquent sinon de subsister même lorsque ces services seront offerts par une banque centrale.
« Ces problèmes d’inclusion sont profondément enracinés dans l’infrastructure sociétale plus large. Une MNBC conçue pour maximiser l’inclusion doit être à la fois développée et introduite de manière stratégique dans l’écosystème de paiements existant afin d’éviter de reproduire les obstacles existants. Cela signifie qu’elle doit être accompagnée d’une prestation de services accessible et inclusive. Une part importante de cette prestation et de la mise en œuvre consistera à répondre aux besoins des utilisateurs qui ont des niveaux de connaissance, de confiance et d’aisance différents face au changement », concède le département des services de technologie de l’information de la Banque du Canada dans une analyse récente.
Bien sûr, de nombreux problèmes systémiques qui ont un impact sur l’accessibilité universelle des paiements numériques n’incombent pas aux banquiers centraux et nécessitent des investissements et des initiatives de politique publique pour être abordés plus largement. Mais ils doivent être pris en compte lors du développement d’une MNBC.
«Un élément crucial de la conception d’une monnaie numérique de banque centrale pour tous les types d’accessibilité est d’inclure, dès le début du processus de développement, les populations confrontées à des obstacles», insiste-t-on à la Banque du Canada.
Vous étiez parmi les 85 000 répondants à vous exprimer lors de la consultation publique vous ? Ou vous n’aviez pas accès à Internet ?