(Illustration: Camille Charbonneau)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. La chasse au prochain FTX est ouverte! Après la charge du magazine Forbes sur Binance, considérée diffamatoire par le PDG de la plateforme crypto, une autre institution médiatique s’attaque à un autre géant du Web3.0: «les sociétés crypto à l’origine de Tether ont utilisé des faux documents et des sociétés-écrans pour obtenir des comptes bancaires», accuse The Wall Street Journal (WSJ).
Pour mémoire, Tether (USDT), c’est le nom du premier stablecoin de la planète par capitalisation de marché (71G$ US), une cryptomonnaie censée refléter sur la blockchain le prix du dollar américain. L’USDT dépasse même le bitcoin par l’ampleur de ses volumes d’échanges quotidiens. Répond aussi au nom de Tether la société gérant l’émission de cette monnaie numérique (ainsi qu’une filiale, Bitfinex, l’un des plus grands échanges crypto connu pour son piratage phénoménal.
Assez logiquement, ce géant crypto entretient une relation existentielle avec le système bancaire traditionnel. Or, la plongée du WSJ dans des courriels et des documents internes de Tether démontrerait un acharnement de longue date pour maintenir ces liens financiers paradoxaux dans l’univers du bitcoin. Et ce, à tout prix.
Il en ressort des éléments préoccupants que certains associeront sans autre forme de procès à des cas de fraudes ou de blanchiment d’argent. «Certains de leurs bailleurs de fonds se sont tournés vers des intermédiaires interlopes, usant de documents falsifiés et de sociétés fictives», épingle le WSJ.
L’un de ces intermédiaires, un important courtier de Tether en Chine, tentait de «contourner le système bancaire en fournissant de fausses factures de vente et de faux contrats pour chaque dépôt et retrait», selon les termes employés dans un échange de courriel par un des propriétaires de Tether Holdings Ltd.
Une tactique de déstabilisation?
Encore une attaque à coup de FUD, cette technique de dénigrement mêlant peur, incertitude et doute, s’est offusquée la société Tether dans un communiqué. Il s’agirait dans le chef du Wall Street Journal «d’allégations périmées et totalement inexactes et trompeuses».
L’entreprise crypto revendique des programmes de conformité «de classe mondiale» et affirme se plier à toutes les exigences légales applicables en matière de lutte contre le blanchiment (AML), d’identification du client (KYC) et de lutte contre le financement du terrorisme. Tether pousse même son plaidoyer à décharge en citant l’aide fournie «régulièrement et volontairement» au Département de la Justice des États-Unis.
On retrouve dans cette brève réplique des arguments défensifs similaires à ceux prononcés dernièrement par Changpeng Zhao, le fondateur de Binance, à savoir le fait d’avoir «résisté à l’épreuve du temps», temps pendant lequel «les utilisateurs ont transigé des milliards de dollars en toute sécurité».
Tether assure en tout cas que ces «attaques déloyales» des médias ne détourneront pas ses équipes des efforts pour offrir l’expérience stablecoin la plus liquide et la plus fiable possible, «ce que le marché a clairement reconnu en faisant de nous les leaders du secteur».
Il convient de s’interroger sur un autre aspect de ce syndrome FTX ou Celsius, au choix: les médias avaient jusqu’ici eu tendance à glorifier des acteurs crypto qui ont pris des risques massifs, voire escroqué les utilisateurs, avant d’imploser. Les secrets financiers, comptables, managériaux, seraient-ils à ce point indéchiffrables dans l’industrie du bitcoin? Sont-ce là les maladies de jeunesse d’un écosystème émergent? La Caisse de dépôt du Québec et le régime de retraite des enseignants de l’Ontario auraient-ils pu éviter des investissements mal inspirés? Affaires à suivre…