La rédaction du journal «Les Affaires» emploie 16 personnes à temps plein. Nos bureaux sont situés au coeur du Quartier des spectacles, à Montréal. (Photo: Martin Flamand)
SPÉCIAL 95 ANS D’INNOVATION. L’histoire du journalisme économique québécois se développe main dans la main avec l’émergence des grands quotidiens d’information. Pourtant, il demeure ardu d’en retracer les détails, disent les experts.
«D’après moi, il y a toujours eu de l’information économique dans les grands journaux, comme La Presse ou Le Devoir», dit Claude Martin, professeur honoraire au Département de communication de l’Université de Montréal et spécialiste de l’économie des industries culturelles et de l’histoire des médias. Il mentionne l’importance des hebdomadaires régionaux, dont certains sont dotés d’une longue histoire, tel le Canada français de Saint-Jean-sur-Richelieu, deuxième plus vieux journal francophone en Amérique. «Une bonne partie de l’histoire économique québécoise se retrouve dans ces journaux-là», dit-il.
Selon l’historien et professeur émérite de l’Université du Québec à Montréal Paul-André Linteau, le journalisme économique québécois naît au tournant des années 1880, environ en même temps que les journaux d’information, qui succèdent alors à la presse de propagande politique. «Il y avait le Moniteur du commerce et le Prix courant, qui disparaissent environ au moment de la crise économique des années 1930, dit-il. Avec l’apparition des grands journaux comme La Presse, fondé en 1884, également, très vite, on va voir apparaître des pages d’information économique et financière.»
Il mentionne également les grandes institutions de la communauté d’affaires, comme la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) ou l’École des hautes études commerciales (HEC Montréal), qui publieront des organes d’information au service de la communauté d’affaires. La revue Commerce, entre autres, apparue à la toute fin du 19e siècle, a commencé sa longue vie de plus de 110 ans en tant que bulletin de la CCMM. Transcontinental, ancien propriétaire de
Les Affaires, acquiert Commerce en 1982, et le mensuel évolue par la suite en parallèle de l’hebdomadaire. Il couvre alors des sujets plus intemporels et sociétaux, quoique avec un regard toujours économique, alors que Les Affaires était plus axé sur l’actualité, se souvient René Vézina, qui fut rédacteur en chef de Commerce avant d’être recruté par le journal en 2002. Une restructuration financière signera la fin du magazine en 2009.
Un nouveau type d’information
Malgré la présence de notions d’économie dans les quotidiens francophones depuis le tournant du 20e siècle, des artisans de Les Affaires jugent que la discipline telle qu’on la connaît n’apparaît réellement qu’au cours de la décennie 1970, véritable âge d’or du journalisme.
«Le journalisme économique, ça s’est développé dans les années 1970, au Québec», affirme Jean-Paul Gagné, éditeur émérite et ancien rédacteur en chef à Les Affaires. Selon lui, on doit à Claude Beauchamp, son patron dans les années 1980, une grande partie de l’éducation financière des Québécois. «Claude était un communicateur hors pair, un très bon vulgarisateur, dit-il. Il était très télégénique aussi, alors il avait une grande portée médiatique.» Après son départ du journal, Claude Beauchamp lance Capital Actions, une émission d’actualité économique à RDI, qu’il anime de 1995 à 2004. C’est Gérald Fillion qui prend son relais en 2004.
René Vézina considère lui aussi les années 1970 comme un tournant, notamment grâce au travail de Michel Nadeau, ancien directeur de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui dirigea les pages financières du Devoir entre 1974 et 1984. «Pendant un long bout de temps, dans les quotidiens, il n’y avait pratiquement pas de pages économiques, dit-il. Il y avait des nouvelles économiques, un peu à gauche et à droite. Mais je me souviens que Le Devoir, avec Michel Nadeau, a été pratiquement le premier à avoir quelque chose de vraiment axé sur l’économie.»
Michel Nadeau et Claude Beauchamp nous ont malheureusement quittés respectivement en 2021 et en 2020, emportant avec eux leurs riches connaissances.
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