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Le métavers met la télévision au pied du mur virtuel

AFP|Publié le 05 avril 2022

Le métavers met la télévision au pied du mur virtuel

La bataille se joue dès le plus jeune âge. La «génération Alpha», nouvelle cible marketing désignant ceux nés après 2010, n'a par exemple jamais pris l'habitude de regarder un programme jeunesse à un horaire précis. (Photo: 123RF)

Cannes — Le métavers aura-t-il la peau de la télévision? Ces nouveaux univers proposant une vie virtuelle sont devenus une menace pour le petit écran, entre risque de voir le public y passer beaucoup de temps et revenus publicitaires à partager.

La bataille se joue dès le plus jeune âge. La «génération Alpha», nouvelle cible marketing désignant ceux nés après 2010, n’a par exemple jamais pris l’habitude de regarder un programme jeunesse à un horaire précis.

Pour eux, «la télévision est vraiment devenue la boîte dans le salon», d’après David Kleeman, vice-président des tendances internationales du concepteur de jeux britannique Dubit, précisant que les enfants ont en moyenne un téléphone intelligent dès 8 ans dans la majorité des 20 pays sondés par sa société. 

Signe des temps, cet expert des médias est venu expliquer à des professionnels de la télévision, réunis à Cannes pour le MIPTV, deuxième plus grand salon international du secteur, comment se préparer au métavers, qu’il a défini comme «une sorte d’internet en 3D» où l’on peut naviguer d’un monde à l’autre à travers un avatar.

L’enjeu? Garder le contact avec les plus jeunes, happés par des jeux vidéo comme «Minecraft», «Fortnite» ou «Roblox», précurseurs du métavers.

Ces «plateformes médias» sont devenues «les cours de récré du XXIe siècle», souligne Frédéric Cavazza, directeur général et co-fondateur du cabinet Sysk, spécialisé dans la transformation numérique.

Les enfants peuvent y jouer, se faire des amis, voyager dans des mondes différents, créer ou regarder des concerts, des mégas-événements aux audiences époustouflantes: plus de 33 millions de spectateurs pour le rappeur Lil Nas X sur «Roblox» en 2020 et près de 28 millions pour l’artiste Travis Scott sur «Fortnite», la même année.

Aux États-Unis, plus de la moitié des 9-12 ans jouent au moins une fois par semaine à «Roblox», aussi devenu le premier endroit où les enfants dépensent leur argent de poche, selon la dernière étude semestrielle de Dubit.

 

Perte de budgets publicitaire?

À terme, la télévision risque de perdre des revenus publicitaires, estime Matthew Warneford, fondateur de Dubit. Actuellement, «2,8 milliards de personnes jouent à des jeux, Roblox compte 200 000» utilisateurs actifs par mois et l’argent des annonceurs va «inévitablement là où les gens passent du temps», anticipe le dirigeant auprès de l’AFP.

«Les chaînes de télé sont dans l’impasse», renchérit Frédéric Cavazza, pour qui «les régies publicitaires des télés ne savent pas vendre» des formats de publicité adaptés au métavers, tels que les placements de produits ou les publicités immersives. 

En face, les télévisions, qui pour beaucoup ont déjà mené des expériences virtuelles ou de réalité augmentée (qui permet de superposer des images numériques dans le réel comme le jeu «Pokemon Go» ou les filtres de téléphones intelligents), n’ont pas encore annoncé de lancement phare dans le métavers.

Le groupe britannique public BBC, qui possède un laboratoire de recherche et développement, indique à l’AFP qu’il ne partageait «aucun projet pour l’instant», mais se tenait «toujours à l’affût des nouvelles technologies».

Son homologue français, France Télévisions, a lancé un ballon d’essai en février, lors des derniers JO d’hiver, en recréant un studio virtuel de son émission «Stade 2» où l’utilisateur pouvait s’essayer au bobsleigh ou au slalom à ski. 

«On est encore dans une phase d’analyse et de réflexion sur ce qu’on peut faire avec ces univers», explique à l’AFP Kati Bremme, de la direction innovation de France Télévisions.

L’idée étant d’offrir un plus au public en donnant accès à des mondes ou des lieux peu accessibles au grand public, ajoute la spécialiste innovation. Dessins animés, découverte du patrimoine, événements sportifs: les pistes sont nombreuses. 

Mais, «si on veut rester pertinents dans le futur, il va falloir qu’on se positionne sur un maximum de ces usages pour pouvoir toucher l’ensemble des publics», admet Mme Bremme.

Reste également à trouver un modèle économique viable, le coût des univers «immersifs» pouvant aller de 30 000 euros pour les plus simples jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour créer un monde 3D inédit.