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Olivier Laquinte

Transformation numérique

Olivier Laquinte

Expert(e) invité(e)

Le système de santé est en faillite

Olivier Laquinte|Publié le 21 février 2022

Le système de santé est en faillite

La dette transformationnelle est donc le temps nécessaire qu’il faut pour faire évoluer sa culture et pour mettre à niveau son infrastructure et son parc applicatif. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. On s’en doutait depuis longtemps, mais les premiers symptômes sont devenus évidents il y a bientôt deux ans quand il a été révélé que les différents établissements de santé à travers le Québec utilisaient des fax pour rapporter le nombre de cas de COVID dans leur région.

Plusieurs soulignent l’importance, voire l’urgence pour le système de santé de se transformer, et par le fait même d’utiliser toutes les technologies disponibles pour mieux répondre aux besoins des patients et du personnel. En tant que patients, nous sommes souvent dubitatifs devant l’absence des outils auxquels nous sommes habitués dans nos activités personnelles et professionnelles.

Malgré toute la bonne volonté des premiers répondants, du personnel de soutien, des infirmiers et infirmières, des médecins, du personnel administratif, de la fonction publique et du gouvernement, rien n’y fait. Personne ne semble être en mesure de faire évoluer notre système de santé.

Compte tenu des sommes investies, il est légitime de se demander pourquoi il en est ainsi.

 

Une énorme dette transformationnelle

Je vous offre un angle de réponse. C’est parce que le retard est trop grand. À l’instar d’un consommateur qui rembourse le minimum requis de sa carte de crédit, le système de santé traîne aujourd’hui une énorme dette transformationnelle qu’il a du mal à surmonter.

Qu’est-ce qu’une dette transformationnelle? Ce sont les efforts nécessaires pour qu’une organisation puisse réduire ou éliminer l’écart entre son état actuel et l’état organisationnel qui lui permettra de profiter des opportunités apportées par les nouvelles technologies afin d’être pérennes dans un écosystème futur.

Cette dette transformationnelle est la somme de la dette humaine et de la dette technologique.

Le concept de dette humaine englobe tous les aspects de l’organisation qui touchent à la culture organisationnelle, aux processus de ressources humaines, ainsi qu’à la structure organisationnelle. Grosso modo, l’organisation présente-t-elle une vision claire et partagée par tous? A-t-elle l’agilité nécessaire pour briser les silos et permettre aux différentes fonctions de travailler les unes avec les autres?

La dette technologique quant à elle est désignée par un décalage ou un retard accumulé en ce qui a trait aux logiciels d’une organisation, à l’expérience client (CRM et autres interfaces), à l’automatisation des flux opérationnels, aux données, ainsi qu’au portfolio des appareils et systèmes informatiques utilisés par l’organisation.

En termes technologiques, avez-vous entamé la numérisation de vos grandes fonctions? Avez-vous une base solide sur laquelle vous pouvez vous appuyer pour innover? Avez-vous une source de données unique, fiable et structurée? Avez-vous déjà migré vos systèmes dans le nuage?

L’aspect humain a un poids plus important que celui de la technologie. Bien que tous deux présentent leur lot de défis, le côté humain doit être évalué avec une attention particulière pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu’il est souvent sous-estimé. Ensuite, car il implique les changements les plus difficiles à mener. À l’inverse d’un développement logiciel que l’on peut accélérer en augmentant les ressources dédiées, le temps nécessaire à opérer un changement culturel n’est que très peu compressible.

La dette transformationnelle est donc le temps nécessaire qu’il faut pour faire évoluer sa culture et pour mettre à niveau son infrastructure et son parc applicatif. Malheureusement, cela ne se fait pas en quelques semaines ou même quelques mois. Il faut souvent compter des années pour y arriver.

Vous comprendrez que le temps nécessaire est souvent proportionnel à la taille et à la complexité d’une organisation. D’où mon inquiétude par rapport à la capacité de notre système de santé de se transformer dans un avenir prévisible. Comment y arriver dans un environnement où le corporatisme des différents corps de métier empêche une réelle remise en question des façons de faire, où les systèmes informatiques sont décentralisés et où le mode de financement ne favorise pas l’innovation?

Nous sommes tous responsables de l’état de notre système de santé, car c’est le résultat de plusieurs dizaines d’années d’immobilisme et d’aveuglement volontaire.

Cela étant dit, ne faisons pas les mêmes erreurs dans nos organisations. À l’instar d’une retraite qui est plus facile de planifier en épargnant de manière régulière dès le début de sa carrière, il est facile de doter nos organisations d’une capacité transformationnelle en investissant régulièrement dans sa culture et ses outils technologiques.