Le tour du poteau de Sam Altman, ancien et nouveau PDG d’Open AI
Olivier Laquinte|Publié le 27 novembre 2023Sam Altman, PDG et cofondateur d’OpenAI (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Il y a quelques années, en discutant avec des membres de mon équipe qui étaient originaires de la France, j’ai découvert l’expression «faire le tour du poteau». Cette expression très locale qui désigne l’action de quitter et de re-rentrer dans le pays par voie terrestre à la frontière, dans le but de valider, émettre ou prolonger un visa ou un autre titre de séjour. J’ai alors appris que c’est une pratique courante pour plusieurs de nos collègues provenant d’un autre pays.
Le tour du poteau consiste donc à traverser brièvement la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis, puis à revenir immédiatement sur le sol canadien. Ce voyage à Lacolle permet de prolonger un permis de travail et d’activer une résidence permanente.
En suivant la saga de Sam Altman, PDG et cofondateur d’OpenAI, j’ai eu l’impression que c’est un peu ce qui lui est arrivé. Partir pour mieux revenir.
Mais avant d’aller plus loin, voici un bref résumé des évènements qui ont secoué la planète techno dans les deux dernières semaines :
· Le 17 novembre, Sam Altman a été congédié par le conseil d’administration de l’entreprise, pour manque de transparence et de confiance.
· Le 20 novembre, la presque totalité des 700 employés d’OpenAI a menacé de démissionner si Sam Altman ne revenait pas, à travers une lettre ouverte adressée au conseil d’administration et diffusée sur les X
· Cette même journée, Microsoft a officialisé l’embauche de Sam Altman, ainsi que de son collègue Greg Brockman, ancien président du conseil d’administration d’OpenAI.
· Le 22 novembre 2023, OpenAI a annoncé avoir trouvé un accord de principe pour que Sam Altman revienne chez OpenAI comme PDG, avec des changements dans le conseil d’administration.
Dans tout cela, c’est la lettre ouverte qui m’interpelle. Dès que j’ai lu cela, je me suis dit «Wow, ça va être intéressant de voir ce qu’ils vont faire avec ça!».
Car on peut légitimement se demander si, dans un monde «préréseaux sociaux», la portée de la lettre, la réponse des actionnaires et la finalité auraient été la même?
J’en doute.
Sam Altman n’est pas le premier fondateur à se faire montrer la porte. Steve Jobs, qui se passe de présentation et Jack Dorsey, fondateur de Twitter, ont subi le même sort. Ils ont en commun le fait d’être revenus à la tête de leurs entreprises, mais après quelques années, pas après quelques jours. C’est aussi à la suite des déboires et à la perte de valeur de leurs compagnies qu’ils ont été appelés à la rescousse.
Il n’est évidemment pas possible de savoir exactement ce qui s’est passé entre le 17 et le 22 novembre, mais il y a fort à parier que la lettre ouverte publiée sur les réseaux sociaux n’est pas étrangère au retour de Sam Altman à la tête de son entreprise.
C’est un rappel que la transformation numérique, avant même d’impacter nos organisations, a changé notre société et a modifié à tout jamais la balance du pouvoir. Les anciennes structures et modes de fonctionnement sont caducs et un retour en arrière, du moins en occident, est peu probable.
Certes, les entreprises publiques ou celles qui jouissent d’une notoriété dans le public sont plus exposées que d’autres à cette nouvelle réalité. La bidirectionnalité des réseaux sociaux a donné à deux générations, les Y et les Z des moyens de se faire entendre et d’influencer le cours des choses. C’est vrai en politique. C’est vrai en marketing. Ça l’est aussi en gouvernance d’entreprise. Et ce n’est pas seulement une question de relation publique.
Je crois que c’est un changement fondamental dans la manière de gérer nos organisations. Au cours des dernières années, nos équipes en sont venues à exiger davantage de transparence des équipes de direction. Or, j’ai l’impression que les conseils d’administration ont été davantage imperméables à ces nouvelles exigences. La volteface dont nous avons été témoin chez Open AI marque peut-être un point tournant important dans les attentes que nous avons face aux administrateurs de sociétés.