Les concurrents de Bell et Telus pourront utiliser leurs réseaux de fibre
La Presse Canadienne|Mis à jour le 13 août 2024Le CRTC a élargi une décision qui permet aux petits fournisseurs d'accès internet d'utiliser les réseaux de fibre optique de leurs concurrents. (Photo: Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne)
Gatineau — Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) élargit une décision qui permet aux petits fournisseurs d’accès internet d’utiliser les réseaux de fibre optique de leurs concurrents pour offrir leurs services aux clients partout au Canada.
Le CRTC a déclaré qu’à partir de février 2025, les grandes compagnies de téléphone qui possèdent des réseaux internet de fibre optique, comme Bell Canada et Telus, devront donner accès à leurs réseaux à leurs concurrents moyennant des frais.
Cette annonce élargit une décision de la fin de l’année dernière qui obligeait temporairement Bell et Telus à fournir à leurs concurrents l’accès à leurs réseaux de fibre optique à domicile uniquement en Ontario et au Québec, et ce, dans un délai de six mois.
La décision du CRTC visait à stimuler la concurrence pour les services internet et il avait déclaré à l’époque qu’une évaluation pourrait potentiellement rendre cette directive permanente et l’appliquer à d’autres provinces.
Bell a réagi en réduisant ses dépenses de réseau de 1,1 milliard de dollars (G$) d’ici 2025, affirmant que la décision diminuait la logique commerciale pour laquelle elle investit. Le géant des télécommunications a ensuite supprimé 4800 emplois, en invoquant en partie des politiques réglementaires défavorables, et a prévenu qu’il pourrait encore réduire ses dépenses sur son réseau à l’avenir.
Le CRTC a déclaré que sa dernière décision ne s’applique qu’aux réseaux existants et que toute nouvelle fibre construite par les grandes entreprises de télécommunications sera mise à la disposition des concurrents dans cinq ans.
«Cette longueur d’avance donne aux grandes entreprises la possibilité de rentabiliser plus rapidement leurs investissements et les encourage à connecter plus de Canadiens à la fibre optique plus tôt.»
Il a ajouté que les réseaux de fibre optique appartenant à des câblodistributeurs, comme Rogers Communications, sont exemptés du mandat élargi sur la base d’une analyse coût-avantage, car ces réseaux ne représentent qu’une petite proportion de l’empreinte globale de la fibre optique au Canada.
La décision fait suite à une audience d’une semaine en février dernier au cours de laquelle le CRTC a entendu 22 groupes, dont des fournisseurs d’accès internet majeurs et indépendants et des intervenants de l’industrie.
Le CRTC a déclaré que les clients de l’internet par fibre optique en Ontario et au Québec bénéficient déjà d’un choix et d’une concurrence accrus quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de la première décision.
«La décision d’aujourd’hui découle de notre travail visant à s’assurer que les Canadiens ont accès à plus de choix et à une plus grande qualité des services internet et de téléphonie cellulaire», a déclaré la présidente du CRTC, Vicky Eatrides, dans un communiqué.
«Nous avons déjà pris des mesures pour favoriser une plus forte concurrence sur le marché de la téléphonie cellulaire tout en maintenant les incitatifs pour que les entreprises investissent dans leurs réseaux. Nous constatons des retombées positives pour les tarifs payés par les Canadiens et nous nous attendons à voir des avantages semblables pour les services internet.»
Désaccords
Si certaines grandes entreprises ont exprimé leur opposition à la directive du CRTC lors de son audience, des concurrents plus petits comme TekSavvy ont dénoncé ce qu’ils ont décrit comme un environnement réglementaire défavorable pour les grossistes. Bon nombre de ces fournisseurs ont exhorté le CRTC à uniformiser les règles du jeu en matière de concurrence dans le secteur de l’internet.
Bell avait proposé de nombreuses conditions pour aider à atténuer les inconvénients potentiels si le CRTC élargissait l’accès aux services de gros, notamment un délai de cinq ans pour que les constructeurs de réseaux puissent récupérer les coûts d’investissement avant qu’un grossiste puisse accéder à l’infrastructure.
Bell a souligné l’importance de veiller à ce que les entreprises restent motivées à investir dans leurs propres réseaux.
Le CRTC a déclaré mardi que dans le cadre de sa décision, il exigerait que les entreprises de téléphonie et de câblodistribution construisent des réseaux dans leur «territoire de service traditionnel».
Cette disposition vise à éviter un scénario où les grandes entreprises choisiraient de cesser leurs investissements et d’agir plutôt comme grossistes dans les zones où elles construisent traditionnellement leur propre infrastructure.
Bell Canada et Telus n’ont pas commenté la décision du CRTC. Rogers a déclaré qu’elle examinait la décision.
Le chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a qualifié cette décision de «positive» qui contribuerait à accroître la concurrence et permettrait à sa filiale Vidéotron de poursuivre son expansion partout au Canada.
Mais il a ajouté que les tarifs d’accès définitifs, que le CRTC a déclaré qu’il fixerait d’ici la fin de l’année, sont «cruciaux».
«Nous exhortons le CRTC à fixer des tarifs justes et raisonnables, qui reflètent les réalités du marché, dès que possible», a déclaré M. Péladeau dans un communiqué.
L’analyste des télécommunications de RBC, Drew McReynolds, a affirmé que le CRTC avait probablement apaisé certaines des inquiétudes exprimées par les entreprises opposées à l’élargissement de l’accès de gros.
«À première vue, nous considérons cette décision comme équilibrée (et probablement meilleure que ce que l’on craignait) en termes d’admissibilité, de période d’avance, de calendriers et de dispositions transitoires, le CRTC réitérant l’objectif d’équilibrer les investissements basés sur les installations avec le désir d’une concurrence et d’innovation accrues sur internet», a écrit M. McReynolds dans une note.
Sammy Hudes