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Les cryptos sont les armes d’une guerre des monnaies 3.0

François Remy|Publié le 20 Décembre 2021

Les cryptos sont les armes d’une guerre des monnaies 3.0

(Photo: Getty Images)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

LES CLÉS DE LA CRYPTO. Il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe, annonciateur d’une fin du monde imminente, mais d’une réflexion alimentée par la Banque du Canada sur la souveraineté monétaire face aux monnaies numériques. 

Cryptomonnaies et autres devises « tokenisées » se retrouvent au centre des discussions chez les banquiers centraux, à propos de leurs rôles et de leurs impacts potentiels. Notamment celui d’influencer la souveraineté monétaire d’un pays. Tout porte en effet à croire que les monnaies numériques génèrent une concurrence monétaire plus féroce. 

Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les progrès rapidement menés sur le yuan numérique par la Chine, les différentes analyses de faisabilité réalisées sur un dollar numérique aux États-Unis, ou encore, les cryptomonnaies stables (stablecoins) émises par les grandes entreprises technologiques s’appuyant sur les plateformes existantes de commerce électronique et de réseaux sociaux.

Les cryptomonnaies se concurrencent dans plus de dimensions que les monnaies traditionnelles. Car elles présentent de nouvelles caractéristiques significatives qu’un bon vieux dollar ne peut pas s’enorgueillir : l’offre de contrats intelligents (smart contracts), l’interopérabilité entre chaînes de blocs et le degré de confidentialité.

 

Pas la panacée

Les décideurs politiques commencent seulement à se demander si les monnaies traditionnelles ne risquent pas de perdre leur part de marché domestique au profit de solutions numériques plus efficaces. Et que perçoivent-ils de plus en plus comme une arme pour protéger la souveraineté monétaire contre les cryptomonnaies, les stablecoins d’entreprises privées ou les monnaies numériques de banques centrales étrangères ? Émettre leur propre devise numérique…

Le fait que des monnaies numériques privées et étrangères « plus attrayantes » puissent se substituer aux devises nationales menace en effet la politique monétaire d’une banque centrale et ses capacités de prêteur en dernier ressort. « Ce raisonnement donne une image cruciale, mais incomplète de ce qui est en jeu en termes de souveraineté monétaire », nuance toutefois Skylar Brooks, économiste principal à la Banque du Canada, dans un tout récent document de travail.

 

Distribution inégale

Le risque reste inégal en fonction des économies observées. Les pays jouissant le plus de souveraineté monétaire, et qui auraient donc le plus à perdre, sont généralement les moins susceptibles de subir cette substitution monétaire. 

Et vice versa.

C’est logique. Les résidents d’un pays dont la devise souffre d’une forte inflation ou d’un taux de change volatil seront incités à changer de monnaie. Surtout si celle-ci se montre facilement accessible par divers moyens numériques. En revanche, si la monnaie nationale remplit ses fonctions principales, pourquoi courir un risque de change avec son salaire, ses impôts ou tout autre paiement essentiel ?

Dans ces circonstances, les résidents peuvent adopter une monnaie numérique privée ou étrangère à des fins très sélectives, ce qui représenterait dès lors une menace moindre pour la souveraineté monétaire. Il n’est pas clair, par exemple, si le fait d’utiliser la Diem, la cryptomonnaie « prototypée » initialement sous le nom de Libra par Facebook devenu Meta, affectait substantiellement la politique monétaire d’une banque centrale.

 

Un risque à calculer

« Ce qui ne veut pas dire que les pays disposant d’une souveraineté monétaire prononcée ne courent aucun risque de substitution monétaire durable, de perturbations et de volatilité accrues dues à des changements plus fréquents à court terme avec des monnaies numériques. Ce risque de substitution monétaire numérique peut augmenter pour tous les pays, mais en raison des conditions spécifiques à chaque pays et de facteurs liés à la demande, ce risque est — et continuera probablement à être — inégalement réparti », développe Skylar Brooks.

Autrement dit, pour un pays comme le Canada, pour lequel cette perte de souveraineté monétaire au profit d’une monnaie numérique tierce semble constituer un événement à faible probabilité, il convient de prendre des mesures proactives pour comprendre et atténuer ce risque résiduel. Mieux vaut ne pas tester les conséquences de l’inaction.

 

Il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe, annonciateur d’une fin du monde imminente, mais d’une réflexion alimentée par la Banque du Canada sur la souveraineté monétaire face aux monnaies numériques. 
Cryptomonnaies et autres devises « tokenisées » se retrouvent au centre des discussions chez les banquiers centraux, à propos de leurs rôles et de leurs impacts potentiels. Notamment celui d’influencer la souveraineté monétaire d’un pays. Tout porte en effet à croire que les monnaies numériques génèrent une concurrence monétaire plus féroce. 
Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les progrès rapidement menés sur le yuan numérique par la Chine, les différentes analyses de faisabilité réalisées sur un dollar numérique aux États-Unis, ou encore, les cryptomonnaies stables (stablecoins) émises par les grandes entreprises technologiques s’appuyant sur les plateformes existantes de commerce électronique et de réseaux sociaux.
Les cryptomonnaies se concurrencent dans plus de dimensions que les monnaies traditionnelles. Car elles présentent de nouvelles caractéristiques significatives qu’un bon vieux dollar ne peut pas s’enorgueillir : l’offre de contrats intelligents (smart contracts), l’interopérabilité entre chaînes de blocs et le degré de confidentialité.
Pas la panacée
Les décideurs politiques commencent seulement à se demander si les monnaies traditionnelles ne risquent pas de perdre leur part de marché domestique au profit de solutions numériques plus efficaces. Et que perçoivent-ils de plus en plus comme une arme pour protéger la souveraineté monétaire contre les cryptomonnaies, les stablecoins d’entreprises privées ou les monnaies numériques de banques centrales étrangères ? Émettre leur propre devise numérique…
Le fait que des monnaies numériques privées et étrangères « plus attrayantes » puissent se substituer aux devises nationales menace en effet la politique monétaire d’une banque centrale et ses capacités de prêteur en dernier ressort. « Ce raisonnement donne une image cruciale, mais incomplète de ce qui est en jeu en termes de souveraineté monétaire », nuance toutefois Skylar Brooks https://www.bankofcanada.ca/2021/12/staff-discussion-paper-2021-17/ , économiste principal à la Banque du Canada, dans un tout récent document de travail.
Distribution inégale
Le risque reste inégal en fonction des économies observées. Les pays jouissant le plus de souveraineté monétaire, et qui auraient donc le plus à perdre, sont généralement les moins susceptibles de subir cette substitution monétaire. 
Et vice versa.
C’est logique. Les résidents d’un pays dont la devise souffre d’une forte inflation ou d’un taux de change volatil seront incités à changer de monnaie. Surtout si celle-ci se montre facilement accessible par divers moyens numériques. En revanche, si la monnaie nationale remplit ses fonctions principales, pourquoi courir un risque de change avec son salaire, ses impôts ou tout autre paiement essentiel ?
Dans ces circonstances, les résidents peuvent adopter une monnaie numérique privée ou étrangère à des fins très sélectives, ce qui représenterait dès lors une menace moindre pour la souveraineté monétaire. Il n’est pas clair, par exemple, si le fait d’utiliser la Diem, la cryptomonnaie « prototypée » initialement sous le nom de Libra par Facebook devenu Meta, affectait substantiellement la politique monétaire d’une banque centrale.
Un risque à calculer
« Ce qui ne veut pas dire que les pays disposant d’une souveraineté monétaire prononcée ne courent aucun risque de substitution monétaire durable, de perturbations et de volatilité accrues dues à des changements plus fréquents à court terme avec des monnaies numériques. Ce risque de substitution monétaire numérique peut augmenter pour tous les pays, mais en raison des conditions spécifiques à chaque pays et de facteurs liés à la demande, ce risque est — et continuera probablement à être — inégalement réparti », développe Skylar Brooks.
Autrement dit, pour un pays comme le Canada, pour lequel cette perte de souveraineté monétaire au profit d’une monnaie numérique tierce semble constituer un événement à faible probabilité, il convient de prendre des mesures proactives pour comprendre et atténuer ce risque résiduel. Mieux vaut ne pas tester les conséquences de l’inaction.

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