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«Les dirigeants de Spruce Point devraient être en prison»

Denis Lalonde|Édition de la mi‑novembre 2023

«Les dirigeants de Spruce Point devraient être en prison»

Jean-Paul Chauvet, chef de la direction de Lightspeed (Photo: courtoisie)

En marge de la publication des plus récents résultats financiers trimestriels de Lightspeed (TSE: LSPD, 16,48$), le chef de la direction de l’entreprise, Jean Paul Chauvet, soutient que l’entreprise a le vent dans les voiles et entend poursuivre sur la voie de la rentabilité.

 

Les Affaires – Vos résultats financiers pour le trimestre terminé le 30 septembre ont été supérieurs aux prévisions, affichant un premier bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) positif de 200 000$, alors que les analystes anticipaient une perte de 4,2 millions de dollars (M$). Comment expliquez-vous cette performance ?

Jean Paul Chauvet – L’atteinte d’un premier BAIIA trimestriel positif était un important objectif, mais aussi celui d’avoir des revenus annuels dépassant le milliard de dollars (G$). C’est une progression normale dès le moment où la croissance du chiffre d’affaires dépasse celle des coûts.

Au cours des 30 derniers mois, on a fait des paris ambitieux en redéveloppant complètement nos logiciels. On a aujourd’hui deux solutions : une pour le commerce de détail, l’autre pour l’hospitalité (la restauration et l’hôtellerie). Le plan a eu son lot de détracteurs, mais aujourd’hui, la demande est tellement forte qu’on a réussi à être rentables 60 jours en avance sur le plan.

 

L.A. – Peut-on dire que votre stratégie de vous concentrer sur vos clients les plus importants a été payante ?

J.P.C. – La valeur qu’on offre est complexe avec un progiciel de gestion intégré incluant entre autres des modules de gestion des stocks, de comptabilité, de marketing et des solutions de paiement. Ce que je dis, c’est que si tu peux gérer tes stocks avec tes yeux, tu n’as pas besoin de Lightspeed.

À travers toutes nos acquisitions, nous nous sommes retrouvés avec des clients qui ne faisaient pas partie de notre ADN, comme des gens qui vendaient du linge dans leur garage ou qui géraient des boutiques éphémères. Si ton chiffre d’affaires annuel est de moins de 200 000 $, c’est peu intéressant pour nous. Pourtant, 40 % de nos 170 000 clients entrent dans cette catégorie.

C’est pour cette raison que j’ai dit à nos investisseurs, de manière un peu controversée, de ne pas regarder notre nombre absolu de clients et que si, dans cinq ans, nous avions 170 000 clients dont le chiffre d’affaires était de plus de 500 000 $, ce serait extraordinaire pour l’entreprise.

 

L.A. – Quelles sont les fonctionnalités qui pourraient être ajoutées à votre suite logicielle ?

J.P.C. – On revient à la mission de Lightspeed. On croit que le monde serait plus triste s’il n’y avait que de grandes chaînes dans toutes les villes et que le tourisme repose en partie sur l’attrait des petits commerçants.

Pour nous, il y a un segment qu’on n’a pas encore, celui du service, qui regroupe les salons de coiffure et les spas. À un moment, on va devoir travailler là-dessus.

Nous souhaitons aussi développer des fonctionnalités pour les intégrer à nos produits. Par exemple, tout ce qui est service de la paie et la prise de rendez-vous. Avec Chronogolf, on a un outil qui permet aux golfeurs de réserver des départs, alors on peut nous en servir comme base pour développer un module de prise de rendez-vous. Il y aura une annonce à cet égard dans les trimestres à venir.

Il faut dire que juste avec les détaillants et les restaurateurs, on a un bassin de 56 millions de clients potentiels dans le monde. Si on ne garde que ceux que nous qualifions de plus sophistiqués, il en reste entre trois et cinq millions. On a encore énormément de place pour croître.

De plus, on n’aurait jamais pu être dans la position de force qu’on est aujourd’hui sans avoir réalisé d’acquisitions.

Il faut compléter notre offre, mais aussi continuer de montrer ce qu’on fait depuis deux trimestres avec des résultats qui excèdent les attentes des marchés. Il faut redynamiser la valeur du titre et, en parallèle, on complète le portefeuille.

On a un peu plus de 1 G$ dans notre compte en banque. Ce serait bête de ne pas regarder les occasions dans les années à venir.

 

L.A. – Parlez-nous de votre filiale Capital Lightspeed, lancée aux États-Unis en 2020 et aussi accessible depuis juin à tous vos clients au Québec, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

J.P.C. – Aujourd’hui, une division qu’on a est celle des avances de fonds avec Capital Lightspeed. Les détaillants et les restaurateurs ont besoin de fonds et c’est relativement dur d’en obtenir.

Avec nos logiciels, on est dans une position où on a les données au centre. On peut tout savoir sur les marchands : chiffre d’affaires, marges bénéficiaires, gestion des stocks, nombre d’employés, leur habileté à rembourser… Nous pouvons ainsi utiliser des algorithmes pour savoir à quels clients on peut prêter de l’argent et c’est un secteur où nos marges bénéficiaires sont de 90 %.

Ce qui se passe dans notre domaine, c’est que si vous avez trop de données, vous ne savez plus où regarder. On veut pouvoir dire à nos clients quelles décisions prendre.

 

L.A. – Il y a un peu plus de deux ans, à la fin du mois de septembre 2021, l’entreprise de vente à découvert Spruce Point Capital Management a publié un rapport négatif sur Lightspeed, ce qui a fait chuter la valeur du titre. Comment avez-vous vécu cet épisode et quels conseils avez-vous pour les dirigeants d’autres entreprises qui pourraient subir le même sort ?

J.P.C. – Les dirigeants de Spruce Point devraient être en prison. Mais c’est permis pour un investisseur d’acheter une position à découvert avant de publier un rapport négatif sur une entreprise et de profiter financièrement de la baisse du titre de cette dernière sans fournir de preuve et en ne faisant que des insinuations.

Avant la publication du rapport de Spruce Point, tout ce qu’on faisait, c’était de l’or, et nous venions de réaliser neuf acquisitions en deux ans. C’était un travail épique.

Tout est dans la nuance. La première chose qu’on veut faire lorsqu’un tel document est publié, c’est d’embaucher des avocats et de défendre l’entreprise devant les tribunaux. On a été clairs, tout dans le rapport de Spruce Point était faux. Mais en regardant le document dans ses détails, il y a très peu de choses sur lesquelles on peut attaquer, parce qu’il ne s’agit que d’allégations et qu’il ne contient aucune affirmation.

C’est très éprouvant émotionnellement quand « notre bébé » est attaqué de la sorte. D’autant plus que la stratégie de Spruce Point a bien fonctionné avec nous.

À travers tout ça, il faut respirer par le nez et rester calme et factuel. En interne, il faut remonter le moral de l’équipe de direction et de tous les employés. En externe, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu et se contenter d’émettre un communiqué pour dire que toutes les allégations sont fausses.

C’est difficile de bâtir quelque chose pour ensuite se faire descendre par tout le monde. Mais aujourd’hui, l’entreprise va bien sur ce qu’on a pu contrôler.