Dans le viseur de la justice et cible de nombreuses critiques, les géants du web multiplient les annonces favorables aux médias, à l’instar de Facebook qui lance lundi en France son programme d’aide à la presse régionale.
Le réseau social va investir 2 millions d’euros pour aider les journaux régionaux à développer leurs abonnements numériques, volet français d’un vaste programme d’aides à la presse locale -300 millions de dollars sur trois ans- annoncé en début d’année.
Dix groupes de presse (Ouest France, Sud Ouest, La Dépêche du Midi, La Voix du Nord, La Provence, le groupe Ebra, Paris-Normandie, La Nouvelle République du Centre, Centre France et Le Courrier Picard) et un groupe belge (Sud Presse) ont été retenus pour ce projet.
Concrètement, à partir de lundi et pendant 12 semaines, ces éditeurs seront coachés par des experts en abonnements numériques et formés plus spécifiquement sur les projets de leur choix, pour lesquels ils recevront une bourse. C’est l’ancien directeur du New York Times Tim Griggs, consultant en médias digitaux, qui anime ce programme.
Facebook a mené un programme similaire en Allemagne avant l’été, tandis qu’il a investi 6 millions d’euros sur 2 ans au Royaume-Uni pour financer l’embauche de 80 journalistes afin de suivre des zones géographiques qui n’avaient pas de couverture médiatique.
«Cela permet de montrer clairement notre engagement envers les médias. Ca ne va pas résoudre tous les problèmes auxquels ils font face, nous n’avons pas la solution pour tout et je ne pense pas que nous devrions l’avoir, mais nous pouvons contribuer à la réponse», explique à l’AFP Jesper Doubs, directeur Europe, Moyen-Orient et Afrique des partenariats médias de Facebook.
Il souhaite lancer le programme d’aide à la presse locale dans un autre pays européen d’ici la fin de l’année.
Division
En France, le réseau social a également commandé au Monde, BFMTV et Brut, des vidéos pour alimenter sa plateforme Watch à partir de ce lundi.
Aux États-Unis, Facebook a annoncé l’embauche de journalistes pour son futur onglet actualités : «nous voulons être sûrs que les articles que nous proposons dans la section Top news soient judicieusement choisis», détaille Jesper Doubs, précisant que c’était une tache trop compliquée pour une intelligence artificielle.
La plateforme rémunèrera également des éditeurs pour utiliser leur contenu, une mesure qui devrait rester cantonnée aux États-Unis : «que nous le fassions ailleurs, cela reste à voir car c’est un test», estime-t-il.
Du côté de Google, une mesure réclamée de longue date par la profession a été annoncée la semaine dernière : un changement d’algorithme qui permettra de favoriser la source originale d’une information dans les recherches.
Les deux géants, dans le viseur des autorités européennes et objet d’enquêtes antitrust aux Etats-Unis, tendent un peu la main aux médias qui les accusent de les affaiblir en siphonnant les revenus publicitaires.
Il s’agit aussi pour eux de relayer une actualité plus fiable, alors qu’ils sont régulièrement pointé du doigt pour la prolifération des «infox» (fausses informations).
Ces annonces interviennent également alors que les géants du numérique vont devoir payer aux éditeurs en Europe, et notamment en France qui a transposé la directive cet été, un « droit voisin » au droit d’auteur.
«La valeur que vous créez est aujourd’hui accaparée par les plateformes et les moteurs de recherche, qui réutilisent vos contenus sans les rémunérer, alors même qu’ils engendrent d’importants revenus publicitaires», a dénoncé jeudi devant les patrons de presse le ministre de la Culture Franck Riester, estimant que «l’objectif du droit voisin, c’est de garantir un juste partage de la valeur».
«Il nous reste à négocier une rémunération équitable de la part des acteurs du numérique. Dans cette nouvelle étape, l’unité de la presse française sera décisive. Car les plateformes auront tout intérêt à vous diviser», a-t-il prévenu.