L’intelligence artificielle au service du développement durable 

EXPERTE INVITÉE. En matière d’intelligence artificielle (IA), le Québec s’est taillé une réputation incontestable sur la scène internationale. Les 11 et 12 septembre derniers se tenait à Montréal la conférence All In, durant laquelle experts, investisseurs et dirigeants d’entreprises se retrouvaient pour discuter des progrès et solutions multisectorielles offertes par l’IA. 

Alors que les défis environnementaux et sociaux se multiplient, l’IA émerge comme un outil puissant pour atteindre les objectifs de développement durable. Ce mois-ci, j’avais envie d’explorer les tendances actuelles, de partager des cas d’entreprises aux solutions prometteuses, sans oublier d’aborder les défis posés par l’IA auxquels nos sociétés devront répondre. 

L’IA s’intègre de plus en plus dans des secteurs divers de l’économie, optimisant l’efficacité énergétique, améliorant la gestion des ressources naturelles, et facilitant la prise de décision dans des contextes complexes. 

IA et efficacité énergétique 

L’une des applications les plus prometteuses de l’IA est son utilisation pour optimiser la consommation d’énergie. Par exemple, les bâtiments intelligents se basent sur des algorithmes d’apprentissage automatique pour ajuster le chauffage, la ventilation et l’éclairage, réduisant ainsi leur empreinte carbone.  

La société montréalaise BrainBox AI utilise l’intelligence artificielle pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments commerciaux. Sa technologie apprend en continu les habitudes des occupants et les conditions climatiques pour ajuster les systèmes de chauffage, ventilation et climatisation, ce qui réduit la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. 

En matière d’énergie, l’IA aide aussi dans la gestion de réseaux électriques intelligents, permettant une distribution plus efficace de l’énergie renouvelable. Hydro-Québec utilise l’IA pour optimiser la gestion de son réseau électrique, notamment dans l’intégration des énergies renouvelables et la prévision de la demande énergétique. Cela permet de maximiser l’efficacité des opérations et de réduire les coûts opérationnels tout en minimisant l’impact environnemental. 

Agriculture intelligente 

Dans le secteur agricole, l’IA joue un rôle crucial dans l’amélioration des rendements tout en réduisant l’impact environnemental. Des capteurs surveillent en temps réel les conditions des cultures, optimisant l’irrigation et l’utilisation des engrais. Cela permet une production alimentaire plus durable et une utilisation plus efficiente des ressources naturelles. La société d’ingénierie Axceta accompagne les exploitations agricoles pour optimiser leur gestion grâce à l’internet des objets, et Sollum offre des solutions d’éclairage intelligent pour améliorer les rendements et la consommation énergétique de la culture sous serre. 

Changement climatique 

L’IA est aussi utilisée pour modéliser et prévoir les impacts du changement climatique. Les algorithmes d’apprentissage automatique analysent d’immenses quantités de données climatiques pour produire des prévisions plus précises, aidant ainsi les dirigeants à élaborer des stratégies d’adaptation plus efficaces. Citons le travail pionnier réalisé par Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle, dans le domaine de la résilience climatique et de la transition énergétique, parmi les nombreux autres secteurs soutenus par l’institut. 

Gestion des déchets 

L’IA révolutionne également la gestion des déchets. Des systèmes de tri automatisés utilisent la vision par ordinateur pour séparer les déchets recyclables des non recyclables avec une grande précision. À titre d’exemple, Waste Robotics a recours à l’IA pour identifier les matériaux de façon plus précise, améliorer la productivité du tri et la qualité du recyclage. Grâce à ces technologies, moins de déchets sont envoyés à l’enfouissement, et plus de matières peuvent être valorisées! 

Réduction des émissions de CO2 

L’utilisation de l’IA pour optimiser les processus industriels et la gestion de l’énergie a permis à certaines entreprises de réduire considérablement leurs émissions de CO2. Par exemple, les centres de données de Google consomment désormais 50% d’énergie en moins que les centres de données traditionnels grâce à une optimisation en temps réel de la consommation d’énergie. 

Les défis de l’IA 

Malgré ces résultats prometteurs, l’utilisation de l’IA pose des questions éthiques fondamentales. En 2023, Yoshua Bengio, un des plus grands experts mondiaux de l’IA, fondateur et directeur scientifique de Mila, présidait le rapport scientifique international sur la sécurité de l’IA avancée et lançait un appel à la prudence. International Scientific Report on the Safety of Advanced AI – Interim Report (publishing.service.gov.uk) 

Quid du développement durable? 

L’entraînement des modèles d’IA, notamment ceux utilisant des réseaux neuronaux profonds, nécessite des ressources énergétiques considérables. Paradoxalement, cela peut contrebalancer les avantages environnementaux de ces technologies si des efforts ne sont pas faits pour rendre ces processus plus écoénergétiques. 

Si elle est mal utilisée, l’IA pourrait encourager une exploitation excessive des ressources naturelles en optimisant uniquement pour des objectifs à court terme, sans tenir compte des impacts environnementaux à long terme. 

Au niveau social, l’utilisation croissante de l’IA pour surveiller l’environnement et les comportements humains soulève des questions éthiques sur la vie privée. Par ailleurs, une dépendance excessive à l’IA pourrait mener à une perte de compétences humaines essentielles et à une dépendance accrue aux systèmes automatisés.  

En résumé, l’intelligence artificielle a un potentiel énorme pour soutenir le développement durable, en optimisant l’utilisation des ressources et en réduisant les émissions de carbone. Cependant, pour maximiser ces bénéfices tout en minimisant les risques, il est crucial d’adopter une approche éthique. À mesure que l’IA continue de se développer, elle devra être utilisée de manière à promouvoir non seulement l’efficacité économique, mais aussi la justice sociale et environnementale. La seule voie à suivre pour un avenir durable.