La région québécoise arriverait ainsi avant-dernière dans le classement des détenteurs de bitcoins. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
D’un point de vue géographique, les résidents du Québec sont les moins susceptibles d’avoir entendu parler de la reine des cryptomonnaies, assure la Banque du Canada.
La perception, l’adoption et l’utilisation des devises crypto préoccupent notre banque centrale depuis des années. Au moins depuis 2016 en tout cas, époque à laquelle remonte la première enquête annuelle à ce sujet. Il ne s’agit jamais de données fraîchement récoltées et les enseignements apparaissent souvent déconnectés des réalités du marché.
Quoiqu’il en soit, la Banque du Canada vient de publier sa nouvelle étude du genre qui intègre les informations de l’enquête omnibus de 2019 sur le bitcoin ainsi que celles provenant de l’enquête de 2020 sur les moyens de paiement.
Les auteurs de l’institution monétaire constatent que le niveau global de connaissances et le niveau de détention de bitcoins par les Canadiens demeurent stables. «Près de 90% de la population connait le bitcoin, tandis que seulement 5% en possèdent», notent-ils.
Peu de mineurs, peur des risques
Le tableau brossé par notre banque centrale détonne avec les grandes tendances actuelles. Un contraste paradoxalement soutenu par d’autres enseignes bancaires, celles d’affaires ou d’investissement. Pensons à l’Américaine Morgan Stanley qui prédit une adoption massive des cryptomonnaies, avec un usage dépassant celui de nos devises nationales.
L’enquête canadienne épingle ainsi le fait qu’environ la moitié des propriétaires de bitcoins au pays avaient déclaré obtenir habituellement leurs BTC par le biais de plateformes d’échanges mobiles ou web, tandis qu’un cinquième seulement d’entre eux minent du bitcoin.
Sur le plan du profil de risque, les bitcoineurs du Canada ne manqueraient pas de sujets d’inquiétude, «comme le prouve le fait que près de la moitié des détenteurs actuels et passés ont déclaré avoir été affectés par des événements tels que l’effondrement des cours, la perte d’accès aux fonds, les escroqueries ou les violations de données», stipule le document.
Et si les rapporteurs de la banque centrale tentent d’objectiver leur approche en indiquant les raisons les plus fréquemment citées en faveur du bitcoin (utilisation à des fins d’investissement ou intérêt technologique), ils lient ces usages à… une mauvaise littératie financière.
Mauvaise culture financière ?
«L’interaction entre l’éducation financière et la participation au marché des cryptoactifs est un domaine important à explorer. Si les propriétaires de bitcoins connaissent mieux que les non-propriétaires la technologie Bitcoin, ils obtiennent également de moins bons résultats aux tests de culture financière, bien qu’ils aient un niveau d’éducation plus élevé», soulignent les auteurs. Autrement dit, il existe de nombreux risques associés au secteur qui pourraient être évités par une formation complémentaire.
Étonnamment, le test de littératie financière de la Banque du Canada repose sur trois questions à choix multiples axées sur les taux d’intérêt, l’inflation et la compréhension des actions/fonds communs de placement. Là où les connaissances sur Bitcoin portaient sur l’offre, le grand registre numérique et la gouvernance du réseau.
Compte tenu du nombre limité de questions, l’idée que la banque centrale puisse évaluer avec finesse l’éducation financière des répondants paraît discutable. Même si, entre nous, les questions n’ont rien d’insurmontable.
Réticence québécoise
Énième information notable, voire discutable, de l’enquête sur le bitcoin, la distribution géographique. «Les résidents du Québec étaient les moins susceptibles d’avoir entendu parler de Bitcoin», assure le document. Avec un taux de sensibilisation de 75%, la région québécoise accuse la plus faible proportion, à comparer aux 93% de la région des Prairies ou les 91% de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.
Tendance encore plus étonnante, alors qu’en 2016, la plus populaire des cryptomonnaies se retrouvait surtout dans des portefeuilles québécois (5,5%), la proportion n’aurait eu de cesse de faiblir d’année en année. Désormais, la région québécoise arriverait ainsi avant-dernière dans le classement des détenteurs de bitcoins.
Notons que les enquêtes de la Banque du Canada s’appuient sur des échantillons de la population un peu datés et un peu minces (entre 58 et 89 bitcoineurs entre 2016 et 2019 lors de l’omnibus, ou encore 181 détenteurs de BTC pour l’enquête de 2020).
Une enquête d’opinion plus récente de Capterra, le fournisseur américain d’avis clients sur les logiciels, a révélé que sur 239 sondés qui résident au Québec, 1 répondant sur trois utilise présentement les cryptomonnaies. Majoritairement du Bitcoin (80%) et de l’Ethereum (50%).