Sam Bankman-Fried est accusé d’avoir, dès les débuts de FTX en 2019, utilisé l’argent déposé par les clients souhaitant spéculer sur les cryptomonnaies pour financer l’activité — et les paris risqués — de sa société de courtage et d’investissement Alameda. (Photo: Getty Images)
New York — Sam Bankman-Fried, ex-étoile montante des cryptomonnaies avec sa plateforme FTX et sa société Alameda, a été inculpé mardi par la justice américaine pour avoir escroqué ses clients et ses investisseurs.
Arrêté lundi aux Bahamas à la demande des États-Unis, il est poursuivi au total pour huit chefs d’accusation, dont fraude par voie électronique, blanchiment d’argent et violation des lois électorales, selon l’acte dévoilé par le procureur fédéral de New York.
Également poursuivi par les régulateurs des marchés financiers, il comparaissait mardi devant un juge des Bahamas, selon des médias locaux.
M. Bankman-Fried est accusé d’avoir, dès les débuts de FTX en 2019, utilisé l’argent déposé par les clients souhaitant spéculer sur les cryptomonnaies pour financer l’activité — et les paris risqués — de sa société de courtage et d’investissement Alameda.
Il lui est aussi reproché d’avoir menti aux investisseurs prêtant de l’argent à Alameda sur la santé financière réelle de l’entreprise.
Il a «construit un château de cartes fondé sur la tromperie», a affirmé dans un communiqué le président de l’autorité chargée de réguler Wall Street, la SEC, Gary Gensler.
Le gendarme boursier lui reproche d’avoir menti aux investisseurs, auprès desquels il a levé plus de 1,8 milliard de dollars pour FTX, sur les liens entre les deux compagnies et d’avoir utilisé l’argent de ses clients pour faire «des investissements risqués, des achats immobiliers somptueux et des dons politiques importants».
L’agence américaine responsable des produits dérivés (CFTC) a aussi déposé une plainte accusant l’entrepreneur de fraude et de fausses déclarations.
Les États-Unis «vont probablement demander son extradition», a expliqué le procureur général des Bahamas, Ryan Pinder, dans un communiqué relayé sur Twitter. Les Bahamas mènent leur propre enquête criminelle sur l’effondrement de FTX.
«Défaillance totale»
La plateforme était pourtant valorisée 32 milliards de dollars en début d’année.
«SBF», comme il se fait surnommer, avait recruté de nombreuses célébrités pour en faire la promotion et rencontrait régulièrement les régulateurs à Washington.
Mais début novembre, des doutes ont commencé à apparaître sur les liens entre FTX et Alameda et de nombreux clients ont cherché à récupérer leur argent. N’étant soudainement plus en mesure de reverser à ses clients l’argent qu’ils y avaient déposé, le groupe a annoncé son dépôt de bilan le 11 novembre.
L’écroulement de FTX a fait trébucher plusieurs entreprises du secteur des cryptomonnaies et poussé de nombreux responsables à appeler à une réglementation accrue.
Aux États-Unis, «s’il est condamné pour fraude, il pourrait passer le reste de sa vie en prison, étant donné le montant», estime Jacob Frenkel, du cabinet Dickinson Wright.
«Il n’y aurait pas d’acte accusation si les procureurs n’étaient pas absolument convaincus qu’ils vont obtenir une condamnation», a ajouté ce spécialiste des enquêtes fédérales, qui a travaillé pour le gendarme boursier américain (SEC).
Sam Bankman-Fried était censé s’exprimer mardi devant une commission parlementaire de la Chambre des représentants, tout comme John Ray, le nouveau patron de FTX
Les ex-dirigeants de la plateforme en faillite ont fait preuve d’une «défaillance complète» à tous les niveaux de contrôle, a affirmé ce dernier au Congrès en déplorant notamment «l’absence totale» de comptabilité ou de conseil d’administration indépendant pour une entreprise qui brassait des milliards de dollars.
À première vue, «l’effondrement du groupe FTX semble résulter de la concentration absolue du contrôle entre les mains d’un très petit groupe d’individus grossièrement inexpérimentés et pas très calés», a estimé le responsable.
Malgré la gravité des accusations pesant sur lui, l’ancienne vedette des cryptos, avec une fortune un temps estimé à 25 milliards de dollars, avait pourtant choisi de multiplier les interviews et les prises de paroles sur Twitter ces dernières semaines.
Diplômé du Massachusetts Institute of Technology, fils de professeurs de droit à l’université Stanford, il était parvenu à légitimer les cryptomonnaies auprès du grand public et de la classe politique.
Mais son air contrit et son ton hésitant lors de ses récentes interventions offrent un contraste saisissant avec l’image rassurante qu’il s’était forgée ces dernières années.
«C’était une stratégie très risquée», remarque Jacob Frenkel. Au final, c’est «comme s’il avait admis qu’il s’est comporté de façon criminelle».