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L’IA peut-elle bénéficier du droit d’auteur?

La Presse Canadienne|Publié à 12h23

L’IA peut-elle bénéficier du droit d’auteur?

L’IA et le droit d’auteur se trouvent à un tournant, et nous sommes au début d’une vague de contenus «produits par une IA et non par un être humain». (Photo: Ryan Remiorz La Presse Canadienne)

La Cour fédérale du Canada est invitée à déclarer que seuls les êtres humains — et non les intelligences artificielles (IA) — peuvent être considérés comme des auteurs au sens de la loi canadienne sur le droit d’auteur.

Il s’agit de la première affaire judiciaire du genre au pays visant à déterminer comment la loi sur le droit d’auteur traite les contenus générés artificiellement, tels que les textes, les images et les vidéos créés par des systèmes tels que ChatGPT.

David Fewer, directeur et avocat général de la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada Samuelson-Glushko de l’Université d’Ottawa, explique que l’un des objectifs de la requête de la clinique est de «graver dans le marbre» le fait que seuls les humains sont des auteurs au sens de la loi.

Le moment est venu de le faire, estime M. Fewer, étant donné le volume de contenu généré par l’IA qui est produit actuellement.

L’IA et le droit d’auteur se trouvent à un tournant, et nous sommes au début d’une vague de contenus «produits par une IA et non par un être humain», a-t-il déclaré.

«Il est important à ce stade, juste avant que ces contenus n’entrent dans la zone commerciale de manière vraiment sérieuse, que nous établissions des règles».

La loi sur le droit d’auteur accorde aux humains des droits importants, a déclaré M. Fewer, et il est important qu’ils ne soient pas étendus à «des choses qui ne sont pas humaines, à des choses qui n’ont pas besoin de ce système incitatif et qui ne méritent pas la récompense que le droit d’auteur confère aux auteurs».

L’affaire remet en cause le dépôt effectué il y a deux ans par un avocat indien spécialisé dans la propriété intellectuelle. Ankit Sahni a utilisé l’IA pour combiner sa propre photo d’un coucher de soleil avec la peinture La Nuit étoilée de Vincent Van Gogh.

M. Sahni a ensuite essayé d’inscrire l’image résultante, intitulée «Suryast», dans les registres de droits d’auteur du monde entier. En décembre, la Commission de contrôle des droits d’auteur des États-Unis a refusé de l’inscrire. Son statut n’est pas clair en Inde.

La demande indique qu’au Canada, où l’Office de la propriété intellectuelle du Canada accorde les demandes de droits d’auteur instantanément et sans vérification, «Suryast» a obtenu l’inscription des droits d’auteur en 2021. 

Un porte-parole d’Innovation Canada, où se trouve l’Office de la propriété intellectuelle, a déclaré que le système est conçu de manière à ce que les tribunaux déterminent à qui revient la propriété de l’œuvre.

«Une personne qui estime qu’une œuvre a été inscrite en violation de la loi sur le droit d’auteur peut déposer une demande auprès de la Cour fédérale, qui peut à son tour ordonner la radiation d’une entrée du registre si cela constitue une mesure corrective appropriée.» 

Le porte-parole a déclaré que l’Office «ne prend pas position sur ces questions».

Le cabinet d’avocats basé en Inde, dont le nom figure dans les documents judiciaires sous celui de M. Sahni, n’a pas répondu à une demande de commentaire avant la date limite.

L’inscription à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a créé un précédent selon lequel l’Office accepte la paternité de l’IA et a «permis au Canada de se faire connaître comme l’une des seules juridictions au monde à reconnaître le droit d’auteur sur les œuvres dont l’IA est l’auteur», affirme la demande.

Des consultations sur l’IA

C’est l’une des questions actuellement examinées par le gouvernement fédéral, qui est en train de décider comment la loi sur le droit d’auteur doit aborder l’intelligence artificielle.

La question de la paternité de l’IA a été au centre d’une récente consultation sur l’intelligence artificielle et le droit d’auteur, au cours de laquelle le gouvernement s’est déclaré ouvert à l’examen de différentes approches. 

Il s’agissait notamment de préciser que la protection du droit d’auteur ne s’applique qu’aux œuvres créées par l’homme et d’adopter une approche qui «pourrait signifier que les œuvres générées par l’IA bénéficient d’une protection du droit d’auteur similaire à celle des œuvres créées par l’homme».

Lors de cette consultation, les créateurs et les éditeurs canadiens ont demandé à Ottawa de faire quelque chose au sujet de l’utilisation non autorisée et généralement non déclarée de leur contenu pour former des systèmes d’intelligence artificielle générative.

Contrairement aux États-Unis, où de nombreuses actions en justice ont été intentées, les titulaires de droits d’auteur au Canada ont jusqu’à présent hésité à contester cette utilisation devant les tribunaux. 

Cette attitude a été jugée surprenante par certains. 

«Il se peut que les principales parties prenantes au Canada attendent de voir si le Parlement va faire quelque chose dans le cadre des consultations qu’il a récemment organisées», ou peut-être ont-elles jugé que la poursuite des systèmes de licence est une meilleure approche, a-t-il suggéré.