Mark Zuckerberg explique les rouages de cette cryptomonnaie devant la United States House Committee on Financial Services. (Photo: Getty Images)
L’association Libra, qui pilote le projet de monnaie numérique initié par Facebook, en a présenté jeudi une nouvelle version moins ambitieuse, signe que la plateforme a cédé du terrain aux gouvernements qui craignaient pour leur souveraineté monétaire.
L’organisation basée à Genève a soumis sa candidature auprès du régulateur suisse pour obtenir une licence en tant que « système de paiement », en vue d’un lancement de la chaîne de blocs d’ici la fin de l’année, selon un communiqué.
Depuis que Facebook a exposé son projet en juin dernier, il a subi de nombreux coups durs de part et d’autre de l’Atlantique.
Plusieurs ministres des Finances ont menacé d’interdire la Libra.
Des partenaires de poids, comme PayPal, Visa et MasterCard, se sont désistés sous la pression des autorités, qui craignent que ce nouveau canal de paiement ne serve au blanchiment d’argent ou au financement d’activités criminelles.
Après des mois de discussions, l’association indépendante, composée d’entreprises et organisations à but non lucratif, remet sa nouvelle copie, revue et corrigée.
La Libra devient une « monnaie à devises multiples » qui englobera des Libra à « devise unique », comme la LibraEUR, utilisée en zone Euro, la LibraUSD, pour le dollar américain, etc.
« La présente requête se distingue sensiblement du projet transmis à l’origine », a remarqué la Finma, l’autorité suisse de surveillance des marchés financiers.
Compte tenu de la portée internationale, l’agence va examiner le projet en contact « étroit et régulier avec la Banque Nationale suisse » et « avec plus de vingt autorités de surveillance et banques nationales au niveau mondial », a-t-elle précisé dans un communiqué.
Patte blanche
L’association table sur un lancement officiel d’ici fin 2020, même si le nombre initial de « stablecoins » (les cryptomonnaies indexées à des devises) et leur calendrier de mise en service restent à déterminer.
« Du point de vue du régulateur, comme chaque LibraEUR sera adossé à une réserve en euros, et qu’il n’y a pas de création monétaire, c’est simplement de l’euro qui est utilisé. Et numérisé le temps de la transaction », explique à l’AFP Bertrand Perez, directeur par intérim de l’association Libra.
La gouvernance de chaque réserve « devra répondre à des règles définies avec le régulateur, pour que même en cas de crise économique forte, on puisse à tout instant échanger des Libracoins contre des dollars ou des euros, ou autres, de façon transparente », continue-t-il.
A l’origine, Facebook avait imaginé un nouveau mode de paiement en dehors des circuits bancaires traditionnels, permettant d’acheter des biens ou d’envoyer de l’argent aussi facilement qu’un message instantané.
Dans cette nouvelle approche, l’association Libra tient à montrer patte blanche aux autorités financières, qui se sont initialement indignées à l’idée que Facebook puisse potentiellement chercher à battre monnaie.
« La Libra ne sera pas un actif numérique séparé des cryptomonnaies à devise unique », insistent les membres.
Sécurité
De fait, la Libra à devises multiples pourrait être reléguée au rôle de véhicule de règlement, dans les pays qui n’auront pas de Libra adossée à leur monnaie nationale.
« Les personnes et les entreprises pourront convertir les Libra qu’ils reçoivent en devise locale, en passant par des tiers, des fournisseurs de services financiers », indique un porte-parole.
La Libra pourra servir à payer pour des biens et des services « partout où elle est acceptée », ajoute-t-il.
Sur les sujets de sécurité (lutte contre le blanchiment et le financement d’activités criminelles), l’association propose la création d’une « unité d’intelligence financière ».
Elle sera dotée d’experts et d’outils technologiques de pointe pour bloquer automatiquement certaines entités ou comportements frauduleux.
« Ce sera équivalent au moins à ce qui se fait dans le monde financier traditionnel et nous sommes certains que nous irons même plus loin et que nous serons plus efficaces », détaille Bertrand Perez.
Côté gouvernance, il a précisé que les 22 membres de l’association ont investi en février pour payer ses dépenses opérationnelles (employés, coûts des logiciels et des infrastructures).
« Facebook représente moins de 10 % de l’ensemble du financement effectué à ce moment-là », a-t-il observé.