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Meta va bloquer les nouvelles pour certains utilisateurs

La Presse Canadienne|Publié le 02 juin 2023

Meta va bloquer les nouvelles pour certains utilisateurs

Les utilisateurs canadiens concernés par ces essais seront choisis au hasard et ne pourront pas voir ni partager les contenus d’actualité au Canada sur Instagram ou Facebook. (Photo: 123RF)

Ottawa — Certains utilisateurs de Facebook et Instagram devront s’attendre à voir du changement sur leur fil d’actualité dans les prochaines semaines, puisque Meta, la société mère des deux réseaux, s’apprête à mener des essais visant à bloquer l’accès au contenu produit par les médias d’information au Canada.

Le géant de la Silicon Valley emboîte donc le pas à Google et va mener des essais pendant une bonne partie du mois de juin afin d’empêcher certains utilisateurs canadiens de voir les articles, les «reels» et les «stories» publiés par les médias d’information sur ses plateformes.

Google avait aussi mené des essais techniques similaires pendant environ cinq semaines plus tôt cette année en riposte à un projet de loi du gouvernement fédéral.

Le projet de loi C-18, actuellement à l’étude au Sénat, obligera les géants du numérique à conclure des ententes d’indemnisation équitables avec les entreprises de presse pour le partage de leurs contenus journalistiques.

Mais les géants du numérique s’opposent à ce projet de loi. Meta a d’ailleurs déjà assuré à plusieurs reprises qu’il bloquera les contenus d’information au Canada si le Parlement adopte la Loi sur les nouvelles en ligne, ce qui, selon le gouvernement, pourrait être fait d’ici les prochaines semaines.

La responsable des politiques publiques pour Meta Canada, Rachel Curran, a ainsi confirmé que des essais seront menés en juin afin d’identifier tout problème avant que Facebook et Instagram bloquent complètement les contenus des médias.

Cette première série de tests touchera de 1% à 5% des 24 millions d’utilisateurs canadiens de Meta. Le nombre exact de personnes touchées va fluctuer tout au long des essais.

Les utilisateurs canadiens concernés par ces essais seront choisis au hasard et ne pourront pas voir ni partager les contenus d’actualité au Canada sur Instagram ou Facebook.

Cependant, les impacts ne seront pas les mêmes pour tous les utilisateurs visés par ces tests.

«Ce ne sera pas nécessairement un test uniforme. Certains liens vers des articles ne pourront pas être partagés sur Facebook, mais la situation pourrait être différente sur Instagram», a expliqué Mme Curran en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a réagi à cette nouvelle jeudi soir. Sur Twitter, il a martelé que «le fait que Facebook refuse toujours de travailler avec les Canadiens montre à quel point ils sont irresponsables et déconnectés de la réalité».

«Une fois de plus, c’est décevant de la part des géants du web et les Canadiens ne se laisseront pas intimider par ces tactiques», a-t-il ajouté.

Meta va aussi contacter certains médias au hasard pour les prévenir que certaines personnes au Canada ne pourront pas voir ou partager leur contenu d’information tout au long du test. Ils pourront cependant toujours accéder à leurs comptes, pages commerciales et publicités.

Les médias internationaux, comme le New York Times ou la BBC par exemple, pourraient aussi voir leur contenu être bloqué au Canada pendant les tests, s’ils sont sélectionnés au hasard. Cependant, les personnes à l’extérieur du Canada ne seront pas touchées.

«Les impacts vont se faire ressentir seulement pendant que vous serez au Canada», a précisé Mme Curran.

Visions divergentes

Meta définit les nouvelles telles qu’elles sont décrites dans la Loi sur les nouvelles en ligne du gouvernement libéral.

«Le projet de loi stipule que les organes de presse sont concernés s’ils rendent compte de tout enjeu ou événement actuel d’intérêt public, l’expliquent ou font suite à une enquête sur un tel enjeu ou événement», a souligné Mme Curran.

Le contenu qui ne correspond pas à cette définition ne sera pas bloqué pour les Canadiens. Lorsque Facebook a bloqué les nouvelles en Australie en 2021 en raison d’un projet de loi similaire, des experts craignaient que des sources fiables ne soient plus disponibles sur le réseau social, laissant toute la place aux sites rapportant de fausses nouvelles.

Mme Curran a cependant fait valoir que les Canadiens auront toujours accès à des informations sûres provenant de plusieurs sources, notamment des pages gouvernementales, des organisations et des universités.

«Nous pensons qu’on peut y trouver de bonnes informations. (…) Ce sont d’excellentes informations qui continueront d’être partagées et d’être visibles», a-t-elle soutenu, ajoutant que Meta continuera de lutter contre la désinformation sur ses plateformes grâce à un programme international de vérification des faits.

Le but des essais de Meta est de s’assurer que seuls les contenus des médias seront bloqués, et non pas ceux d’autres entreprises ou organisations. L’entreprise veut être certaine qu’elle n’empêchera pas le partage des contenus des services d’urgence, des organismes communautaires, des politiciens ou des pages gouvernementales accidentellement, comme cela s’est produit en Australie.

Les médias traditionnels ont fait l’éloge du projet de loi sur les nouvelles en ligne des libéraux fédéraux, car il leur permettrait d’aller récupérer certaines sommes d’argent perdues ces dernières années au profit des géants du numérique.

De son côté, Mme Curran a mentionné que le retrait des contenus journalistiques des plateformes de Meta est une décision purement commerciale et que l’entreprise engrange des «sommes négligeables» en revenus provenant des articles des médias.

Selon Meta, moins de 3% des publications vues par les utilisateurs de Facebook sur leur fil d’actualité contiennent des liens vers des articles journalistiques — une proportion déjà jugée trop élevée par de nombreux utilisateurs à son avis.

«Nous sommes confrontés à de nombreuses pressions concurrentielles et à une bataille pour mériter le temps et l’attention des utilisateurs», a déclaré Mme Curran.

«Bien sûr, les nouvelles ont une valeur d’un point de vue social. C’est précieux pour notre démocratie. Mais elles n’ont tout simplement pas beaucoup de valeur commerciale ou économique pour notre entreprise.»