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Nook, l’intelligence artificielle qui bat les champions de bridge

AFP|Publié le 25 mars 2022

Nook, l’intelligence artificielle qui bat les champions de bridge

«C'est vraiment le seul robot qui peut battre des champions», confirmait jeudi soir la championne Nevena Senior, au nombre des joueurs invités à Paris pour ce défi diffusé et commenté en direct sur YouTube. (Photo: 123RF)

Paris — Nook, une intelligence artificielle conçue par la start-up française NukkAI, est en train de réussir à Paris un défi inédit, battre huit champions internationaux de bridge alors que le célèbre jeu de cartes restait encore jusqu’alors trop complexe à gérer pour les machines.

Jeudi, à l’issue de la première de deux journées de compétition organisée par la start-up, Nook avait fait mieux que les champions dans 90% des 50 parties («segments») jouées durant le challenge, selon Jean-Baptiste Fantun, le directeur général de NukkAI.

«C’est vraiment le seul robot qui peut battre des champions», confirmait jeudi soir la championne Nevena Senior, au nombre des joueurs invités à Paris pour ce défi diffusé et commenté en direct sur YouTube. 

Nook est «bien plus avancée» que les autres robots jouant au bridge et «très forte pour détecter les limites de ses opposants», saluait également Brad Moss, un autre joueur, après une journée face à son micro-ordinateur dans des locaux de NukkAI.

Nook n’a pas fait de démonstration parfaite au bridge, car elle n’a joué qu’une partie des «contrats» existants au bridge (le «trois sans-atout»). 

Elle n’a pas joué non plus la première partie du jeu, dans laquelle les quatre joueurs définissent le contrat qui sera joué par des annonces successives et croissantes.

Mais ses concepteurs ont d’ores et déjà prouvé qu’ils avaient conçu quelque chose de «très original, très créatif», se réjouit Cédric Villani, le député et mathématicien français venu observer le challenge en direct. 

«C’était fascinant de voir les joueurs analyser après coup le jeu de la machine, et essayer de se perfectionner», a commenté M. Villani, auteur d’un rapport parlementaire qui en 2018 avait inspiré la stratégie du gouvernement français sur l’intelligence artificielle.

Le secret de Nook se situe dans son caractère «hybride», c’est-à-dire sa capacité à combiner les deux grandes traditions de l’intelligence artificielle, l’intelligence «symbolique», reposant sur l’accumulation de règles logiques, et l’intelligence «numérique», reposant sur l’ingestion préalable d’énormes quantités de données par des réseaux de neurones.

 

Collaboration avec l’humain

Ce caractère hybride lui donne notamment la possibilité d’expliquer ses choix, un défi pour ces réseaux de neurones qui sont très performants, mais restent souvent des «boîtes noires», aux décisions indéchiffrables mêmes pour leurs propres concepteurs.

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Grâce à cette faculté de s’expliquer, NukkAI ouvre une voie qui pourra permettre d’avoir «quelque chose qui ressemble plus à de l’intelligence que ce que l’on a vu ces dernières années», souligne Cédric Villani.  

Pour Jean-Baptiste Fantun, cette «explicabilité» est fondamentale pour que l’humain garde la main et ne se fasse pas dépasser par sa créature.

«Nous ne visons pas une intelligence artificielle qui remplace l’humain, mais qui collabore et où l’humain garde toujours la maîtrise», explique-t-il. 

Au bridge, le but est d’arriver à une IA «qui collabore avec l’humain, lui dit “moi je jouerais telle carte, mais qu’en penses-tu, car tu as peut-être des informations que je n’ai pas”», comme des informations psychologiques, explique Véronique Ventos, chercheuse en IA et co-fondatrice de NukkAI. 

L’explicabilité est «absolument nécessaire» dans le domaine de la défense, indique un autre député venu en observateur, Fabien Gouttefarde, spécialiste des questions de défense.

«Quand des armements mortels» utilisant l’intelligence artificielle «sont en jeu, il est capital de savoir comment ils arrivent à leurs décisions», indique cet élu de l’Eure, auteur il y a deux ans d’un rapport sur les «systèmes d’armes létaux autonomes».

NukkAI continue sa démonstration vendredi au siège parisien de la banque Bpifrance.

La start-up, qui a levé 2 millions d’euros en quatre ans, veut désormais passer à la vitesse supérieure, et cherche à lever plus de 10 millions d’euros pour déployer Nook dans des domaines aussi variés que la cybersécurité, l’éducation ou les transports, selon Jean-Baptiste Fantun.