Ottawa aide Chrysler et Honda, mais pas les fabricants québécois
Alain McKenna|Publié le 23 avril 2019Le camion de classe 8 tout électrique de la Compagnie Électrique Lion, de St-Jérôme. (Photo: courtoisie)
La semaine dernière, Transport Canada a finalement dévoilé les détails d’une aide à l’achat de véhicules électriques dont la promesse vague, faite dans le cadre de l’annonce du budget fédéral un mois plus tôt, commençait à agacer plus d’un vendeur de voitures neuves.
Car les acheteurs attendaient de savoir quand et comment ils pourraient bénéficier de ce coup de pouce de 5000$, en faisant l’acquisition d’une Nissan Leaf. Ou d’une Toyota Prius Prime. Ou d’un Mitsubishi Outlander PHEV.
Les fans d’Elon Musk ont probablement été déçus d’apprendre qu’aucun modèle Tesla ne figure dans la liste des 27 modèles couverts par l’aide fédérale, puisque le prix de détail des Model 3, Model S et Model X est trop élevé, classant la marque californienne parmi les produits de luxe de l’industrie automobile.
Un observateur faisait remarquer, quelques heures avant la conférence de presse de Transport Canada, que le plafond complètement arbitraire sur le prix de détail des véhicules éligibles, fixé à 45 000 $, avait peut-être pour but de forcer certains fabricants à réduire d’un ou deux mille dollars le prix de leurs propres modèles.
Au moins un constructeur a agi de la sorte : le Kona Electric verra donc son prix de 45 599$ être révisé afin d’avoir droit aux 5000$ d’Ottawa. Avec une aide additionnelle de 8000$ de la part de Québec, il ne fait aucun doute que le marché de la voiture électrique sera toujours plus vigoureux chez nous qu’ailleurs au pays. Seule la Colombie-Britannique aide aussi ses automobilistes de façon comparable, à l’heure actuelle.
De la façon dont le programme est structuré, trois modèles en sortent fortement avantagés : la Chevrolet Volt, une hybride branchable qui ne sera plus produite par General Motors, la Honda Clarity, qui devient de facto l’hybride branchable à acheter si vous ne voulez pas passer au tout-électrique, puis la Chrysler Pacifica Hybrid.
De 45 000 à 55 000 dollars…
Car au-delà du plafond des 45 000 dollars, l’aide fédérale ajoute un second palier plafonnant à son tour 10 000 dollars plus haut, pour des véhicules électriques de sept places ou plus. Cet ajout semble fait sur mesure pour la Pacifica Hybrid, une fourgonnette électrique du groupe Chrysler. Chrysler Canada annonce la Pacifica Hybrid à 45 037$, après le rabais de 8000$ de Québec.
Notez que la Pacifica est assemblée à Windsor, en Ontario, et qu’on sent là un petit coup de pouce à l’industrie automobile du sud de l’Ontario. Il faut dire que cette industrie est elle aussi sur un lent déclin, qui remonte au début des années 2000, et qui semble s’accélérer ces jours-ci, les constructeurs profitant d’un virage électrique, justement, pour déménager leurs centres de production ailleurs dans le monde.
Pour remonter la pente, l’industrie automobile canadienne semble vouloir évoluer vers une industrie de services technologiques reposant sur l’intelligence artificielle et la conduite autonome. Rien d’original ici, puisque c’est un virage entrepris partout sur la planète.
…mais pas plus
Plus largement, l’industrie canadienne du transport passe elle aussi à travers ces deux transformations, à l’heure actuelle. Les Autobus Lion ne sont pas devenus la Compagnie Électrique Lion pour rien. Le fabricant de St-Jérôme a mis au point un groupe propulseur tout électrique qui convient bien aux autobus scolaires, aux minibus qui font toute sorte de navettes, ainsi qu’à certains types de véhicules commerciaux semi-lourds qui lui permet d’ailleurs d’être un leader dans ce créneau.
Le prix de détail de ces véhicules oscille un peu au-dessus des 250 000 dollars, mais on promet une économie par rapport à un véhicule similaire au diesel après quelques années d’utilisation seulement. C’est loin des 55 000 $ du programme d’aide canadien.
Au Québec, il existe un organisme voué à l’essor de l’industrie québécoise du transport électrique et intelligent qui s’appelle Propulsion Québec.
Inutile de dire que Propulsion Québec a suivi de près le dossier de l’aide fédérale à l’achat de véhicules électriques. Sans doute espérait-on, au moins juste un peu, que le plan ouvre la porte à une aide à l’électrification des commerces et des entrepreneurs qui font de la livraison, du transport de marchandises en ville, et ainsi de suite.
Aide qui n’est pas venue, ce qui déçoit la présidente de l’organisme, Sarah Houde.
«Les incitatifs visant à rendre plus accessibles les véhicules zéro émission constituent un atout précieux pour encourager l’adoption des véhicules électriques par les citoyens canadiens. Nous saluons l’annonce des détails de ce programme, qui offre des clarifications importantes sur les modalités associées à cet incitatif pour les Canadiens qui voudraient s’en prévaloir», a d’abord déclaré Mme Houde, par communiqué, ajoutant : «Afin d’accélérer la transition énergétique, il est essentiel de bonifier les incitatifs afin de stimuler la conversation à grande échelle d’autres types de véhicules, comme les véhicules de livraison ou les autobus, par exemple, qui passent leurs journées sur nos routes.»
Incertain du sens de cette deuxième phrase, j’ai demandé à Mme Houde s’il existait de tels véhicules qui étaient couverts par l’aide d’Ottawa. Peut-être existe-t-il un petit fourgon commercial, comme le NV200 de Nissan, qui se vend au Canada en version électrique pour moins de 55 000 dollars?
Réponse : non.
Deuxième réponse : en fait, il aurait fallu qu’Ottawa pense aussi à ces véhicules, surtout ceux fabriqués chez nous, qui risquent d’avoir un plus gros impact tant du côté environnemental que commercial, et même économique, dans sa mesure.
«Il s’agit d’un espace stratégique d’importance pour réaliser des gains en matière de réduction des gaz à effet de serre et qui permet en même temps de soutenir notre industrie québécoise en transport électrique et intelligent, dont le talent et l’expertise sont reconnus partout dans le monde », a-t-elle ajouté.
Mais clairement, Ottawa avait les automobilistes dans sa mire, et personne d’autre. Et peut-être aussi une ou deux usines du sud de l’Ontario.
Mais pour faciliter l’achat ou la vente de produits issus de l’industrie du transport hors-Ontario, il faudra repasser.
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