Washington et Pékin haussent le ton dans le dossier de la fabrication de puces électroniques.
La Chine a annoncé mardi des restrictions sur les exportations de composants essentiels à la fabrication de puces électroniques vers les États-Unis, après de nouvelles restrictions de Washington visant le secteur des semi-conducteurs chinois.
Le gallium, le germanium, l’antimoine et d’autres matériaux susceptibles d’être employés dans des technologies duales – c’est-à-dire utilisées à la fois à des fins civiles et militaires – sont concernés par ces restrictions, indique dans un communiqué le ministère chinois du Commerce, invoquant des enjeux de «sécurité nationale».
Les matériaux visés par les nouvelles règles chinoises doivent désormais obtenir une licence avant d’être exportés vers les États-Unis, tandis que les exportations destinées «à des usages militaires» sont strictement interdites.
«Toute organisation ou individu, dans n’importe quel pays ou région, enfreignant les réglementations, sera tenu responsable», prévient le ministère.
Bras de fer technologique
Cette annonce fait suite à une troisième vague de restrictions, annoncée lundi par Washington, sur les ventes à la Chine de semi-conducteurs et d’équipements utilisés dans la fabrication des précieuses puces.
L’objectif est d’«entraver la capacité de la Chine à acquérir et produire les technologies nécessaires à sa modernisation militaire», avait précisé le département américain du Commerce dans un communiqué.
La Chine a vivement condamné cette annonce, estimant que les États-Unis «portent atteinte aux échanges commerciaux et économiques normaux».
«Ces dernières années», les États-Unis ont «politisé les questions commerciales et technologiques», «imposé des restrictions injustifiées sur les exportations de certains pays vers la Chine» et «sanctionné plusieurs entreprises chinoises», a déclaré mardi le ministère chinois du Commerce dans un autre communiqué.
Matériaux critiques
La Chine représente 94% de la production mondiale de gallium, un métal stratégique utilisé dans les panneaux solaires, les radars ou encore les transistors, selon un rapport de l’Union européenne publié cette année.
Elle est également la source de 83% du germanium, un métalloïde utilisé dans la fabrication de fibre optique ou de récepteurs infrarouges.
La Chine avait déjà renforcé les contrôles sur les exportations de ces matériaux vers les États-Unis, l’an dernier, exigeant des exportateurs qu’ils fournissent des informations sur les utilisateurs finaux.
Les nouvelles règles interdisent désormais toute exportation sans l’obtention d’une licence préalable.
Ces matériaux jouent un rôle «critique dans l’industrie des technologies de pointe», et «beaucoup de fabricants intermédiaires avaient commencé à [les] stocker», a souligné auprès de l’AFP Brady Wang, directeur associé au cabinet de conseil Couterpoint.
Le graphite, un des composants essentiels à la fabrication de batteries pour les véhicules électriques, fait également l’objet d’une attention renforcée des autorités chinoises.
La vente de produits à base de graphite «utilisés à des fins duales» vers les États-Unis fera l’objet de contrôles «plus stricts» concernant son utilisation finale, a signalé mardi le ministère chinois du Commerce.
Ces nouvelles règles sont «clairement une mesure de représailles contre les États-Unis», a analysé auprès de l’AFP Dylan Loh, professeur adjoint à l’Université de technologie de Nanyang à Singapour.
Ces «restrictions réciproques pourraient entraîner des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et une hausse des prix», a signalé à l’AFP Chong Ja Ian, professeur associé en sciences politiques à l’Université nationale de Singapour.
L’Internet Society of China a ainsi dans un communiqué «appelé les entreprises nationales à […] être prudentes lors de l’achat de puces américaines, à chercher à développer leur coopération avec les fabricants de puces d’autres pays […], et à utiliser activement les puces produites et fabriquées en Chine par des entreprises nationales et étrangères».
L’Association chinoise des constructeurs automobiles a elle accusé Washington d’avoir «arbitrairement amendé les règles de contrôle, affectant gravement la stabilité de l’approvisionnement en puces américaines».
«Les puces automobiles américaines ne sont plus fiables et sûres», a même ajouté l’association.