Les entreprises sont nombreuses à adopter des outils d’intelligence artificielle, sans toutefois s’engager à bâtir une solution à leurs frais. (Photo: Adobe Stock)
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Les digues ont cédé. Du jour au lendemain, l’intelligence artificielle (IA) a fait une entrée fulgurante en entreprise, et cela inclut les PME. Selon un sondage Microsoft, près de 8 PME canadiennes sur 10 (78 %) chercheraient actuellement à adopter l’IA. Reste à savoir comment déployer cette technologie, et pourquoi.
Compte tenu de la frénésie entourant ChatGPT et consorts, il est aujourd’hui très difficile de connaître l’adoption réelle de l’IA par les PME au Québec. Dans un sondage publié par la BDC en septembre dernier, 66 % des PME canadiennes affirmaient déjà utiliser des solutions d’IA. Toutefois, seules 37 % admettent avoir investi en IA en 2023 (Microsoft, mars 2024). Selon la BDC, seulement 25 % des PME canadiennes prévoyaient débourser pour l’adoption de l’IA dans les deux prochaines années. Si plusieurs entreprises acceptent d’utiliser l’IA présente dans leurs outils, ou de tester des applications gratuites, plus rares sont celles qui s’engagent à bâtir ou à personnaliser une solution à leurs frais.
Il n’en demeure pas moins que le potentiel est là. Toujours selon la BDC, 97 % des entreprises ayant effectué un projet d’IA ont vu des gains par la suite : 44 % sont parvenues à « accomplir plus rapidement des tâches complexes », 29 % à « améliorer le service à la clientèle », 28 % à « augmenter les ventes ».
Si l’on adopte une lunette sectorielle, on constate que l’IA générative donne des ailes aux professionnels qui veulent utiliser l’IA pour améliorer leur propre pratique. Du logiciel de design génératif Maket (pour les architectes) à l’application de prise de notes CoeurWay (pour les médecins) au miroir numérique Halo (pour les dentistes), les exemples ne manquent pas. « En santé, tous nos clients sont de petites entreprises, note Martin Coulombe, président de la firme technologique Osedea. Ce sont des dentistes, des orthopédistes, des anesthésistes, des gynécologues qui veulent améliorer le système de santé. Ils lancent leur entreprise technologique tout en continuant de faire leurs tâches professionnelles. »
L’enthousiasme se fait également sentir chez les fabricants, même si ceux-ci ne comprennent pas toujours bien la technologie. « Plusieurs dirigeants ne connaissent pas les cas d’utilisation concrets pour leur entreprise », constate Martin Coulombe. Le président d’Osedea dit avoir reçu des échos positifs, quand son client Promark Electronics a présenté, lors de la conférence ALL IN, en septembre dernier, à Montréal, un projet d’automatisation du contrôle de la qualité de ses câbles électriques avec la vision par ordination. Une technologie à la fois « mature » et « abordable », assure-t-il. « Après la conférence, un manufacturier de Sherbrooke est venu nous voir pour nous dire qu’il voulait faire la même chose », s’enthousiasme-t-il.
Comprendre de quoi il en retourne
Après deux ans de battage médiatique sur l’IA générative, force est de constater qu’un projet de cette nature demeure un point d’interrogation pour plusieurs dirigeants. « Un enjeu quotidien est celui du rendement de l’investissement », rapporte Mathieu Moquin, directeur des opérations de la firme Trinary, partenaire de l’institut de recherche en intelligence artificielle Mila. Les chefs d’entreprise veulent savoir ce que ça va leur rapporter », explique-t-il.
Le directeur de Trinary prône alors une démarche pragmatique, similaire à celle d’un projet d’IA traditionnelle. « Nous commençons par des ateliers ; nous passons deux journées chez le client pour analyser ses processus avec lui. Si une automatisation nous apparaît flagrante, parce qu’elle ferait gagner énormément de temps à l’entreprise, c’est là que nous commençons à parler d’un projet. »
Un dernier point est celui de la main-d’œuvre. « Beaucoup d’entreprises ont des équipes de TI en interne, mais ces équipes n’ont pas nécessairement les compétences pour développer des modèles qui seront pérennes, sans avoir des coûts d’infrastructure exorbitants », note Martin Coulombe. D’où l’importance pour une PME de réfléchir à une stratégie de transfert de connaissances du consultant vers son équipe TI.
Trois tendances
1. Les industries réglementées en position de tête
« La raison pour laquelle les fintechs et les entreprises du domaine de la santé sont en avance dans leur déploiement de l’IA, c’est parce qu’elles appartiennent à des industries réglementées, explique Vasi Philomin, vice-président à l’IA générative d’Amazon Web Services. Elles ont déjà une stratégie de données en place ; elles contrôlent leurs données et savent qui peut y avoir accès. »
2. Quand l’IA prend « une bouchée à la fois »
« Quand on divise des tâches en de très petites tâches, l’IA générative devient très bonne pour exécuter ces petites tâches-là, explique Mathieu Moquin, de la firme Trinary. C’est ce qu’on appelle l’IA agentique. On découpe l’interaction avec un client en plusieurs nœuds, puis on utilise des modèles de langage différents à chaque nœud. »
3. D’entreprise de services… à entreprise de produits !
Il n’est pas rare de voir une entreprise démarrer un projet d’IA pour des besoins internes, puis décider, lorsque la plateforme est opérationnelle, de la commercialiser. C’est le chemin qu’a pris Promark Electronics, en vendant sa solution de contrôle de qualité KonnectAi.