Projet de loi sur la vie privée: une «occasion ratée»
La Presse Canadienne|Publié le 19 novembre 2020Il aurait dû s'assurer que les partis politiques soient soumis à la loi fédérale sur la protection de la vie privée. (Photo: Adrian Wyld pour La Presse canadienne)
Un organisme de sensibilisation aux droits numériques affirme que le gouvernement de Justin Trudeau vient de rater une occasion de s’assurer que les partis politiques soient soumis à la loi fédérale sur la protection de la vie privée.
Le ministre de l’Innovation, Navdeep Bains, a présenté plus tôt cette semaine un projet de loi visant à donner aux Canadiens un plus grand contrôle sur leurs données et promettant des sanctions pour les entreprises qui enfreignent les règles à cet effet.
Mais il n’a pas répondu aux appels de longue date des défenseurs de la vie privée qui souhaitent que la loi fédérale régissant les renseignements personnels s’applique explicitement aux formations politiques.
Les informations sur les électeurs potentiels s’avèrent fort utiles pour les partis, du porte-à-porte jusqu’à l’élaboration de leurs programmes.
L’ère des algorithmes et des bases de données détaillées soulève de nouvelles préoccupations quant à la manière dont les partis ont recours à ces informations afin de suivre et cibler des électeurs.
Leur omission dans le nouveau projet de loi libéral est décevante pour Bill Hearn, un avocat du Centre pour les droits numériques.
« Ils ratent une énorme occasion de faire ce que la plupart des Canadiens veulent », déplore-t-il.
Me Hearn représente également Gary Dickson, un ancien député provincial de l’Alberta qui a porté plainte en ce sens auprès du commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien.
Selon M. Dickson, qui a également été commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan, les gens sont souvent surpris d’apprendre que les partis politiques ne sont pas explicitement couverts par la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), qui s’applique au secteur privé.
« Je pense que les Canadiens s’attendent à ce que lorsqu’ils ont affaire à des partis politiques — tout comme avec les banques, les concessionnaires automobiles et les pharmacies —, leur vie privée soit respectée et leurs informations personnelles soient protégées », a fait valoir M. Dickson en entrevue.
Le Centre pour les droits numériques fait pression pour que la LPRPDE s’applique expressément aux partis politiques, aux associations de circonscription, aux candidats et aux candidats à l’investiture.
L’organisme à but non lucratif compte se rendre devant les tribunaux si le commissaire fédéral détermine qu’il n’a pas le pouvoir d’enquêter sur la plainte de M. Dickson. Son avocat dit attendre la décision de M. Therrien prochainement.
Le centre a également déposé des plaintes auprès du bureau fédéral de la concurrence, du commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique, de l’organisme fédéral de réglementation des télécommunications et du commissaire aux élections du Canada.
Questionné à ce sujet, John Power, un porte-parole du ministre Bains, affirme que le gouvernement est toujours en train de réviser la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s’applique pour sa part aux agences gouvernementales et aux entreprises sous réglementation fédérale telles que les banques et les transporteurs aériens.
Il n’a toutefois pas précisé si le ministre est d’avis que la Loi sur la protection des renseignements personnels, et non la LPRPDE, serait la mesure législative plus appropriée pour assujettir les partis politiques.