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ANALYSE. Être bien référencé sur Google peut faire un monde de différence pour un entrepreneur. Apparaître parmi les premiers résultats d’un client potentiel qui a besoin de vos produits ou de vos services peut être en effet un facteur déterminant dans le succès de votre entreprise.
La grande difficulté pour nos lecteurs dans cette situation est que l’algorithme de Google change constamment et que ces modifications sont loin de se faire de manière transparente. Du jour au lendemain, ce qui pouvait fonctionner hier n’offrira plus la visibilité désirée, sans que l’on sache pourquoi.
Ce défi n’est pas que le lot des petites entreprises. Même les grandes sociétés technologiques peuvent trébucher en raison de l’incontournable moteur de recherche. C’est ce qui est arrivé aux spécialistes de la réservation touristiques en ligne Expedia (EXPE, 95,60 $ US) et TripAdvisor (TRIP, 30,84 $ US). Les directions des deux sociétés ont prévenu qu’il devient de plus en plus difficile d’être bien référencé gratuitement sur Google, ce qui met de la pression sur leur rentabilité.
Au cours du troisième trimestre, Google a fait une série de changements afin que soient priorisés les liens payants lors de recherches touristiques, explique Brian Nowak, de Morgan Stanley. Ces changements ont entraîné de plus importantes dépenses publicitaires par réservation. Le marché a fortement réagi à cette difficulté. Après la publication des résultats, le 6 novembre dernier, Expedia et TripAdvisor ont perdu, respectivement, 24 % et 21 % de leur valeur en Bourse en une seule séance.
Après avoir écouté les commentaires de la direction, Kevin Kopelman, de Cowen, estime que les changements récents au référencement sur Google viennent gruger 95 millions de dollars (20 %) au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) annuel de TripAdvisor et 170 M$ US (8 %) à celui d’Expedia.
Plus vulnérable qu’on le croit
Quand on pense au principal risque qui pend au bout du nez de ces deux entreprises, la concurrence d’Airbnb vient spontanément en tête. Pourtant, il semble que Google représente un bien plus grand risque à leur modèle d’affaires dans l’immédiat.
L’ampleur de la vulnérabilité d’Expedia et de TripAdvisor au référencement de leurs sites sur Google est surprenante. Leurs sites ont beau avoir une grande notoriété et plusieurs internautes vont y faire leur recherche directement, beaucoup de leurs clients passent encore par une recherche Google avant de visiter leur site.
M. Kopelman a tenté de mesurer l’exposition des deux entreprises au référencement sur Google. Pour TripAdvisor, cela représente 30 % de ses revenus et 95 % de son BAIIA. Pour Expedia, près de 10 % de ses revenus sont à risque et 50 % de son BAIIA. «C’est un pourcentage beaucoup plus grand que ce que nous avions réalisé», réagit-il.
L’analyste insiste sur le fait que ces chiffres viennent de ses propres estimations, car les sociétés ont fourni très peu de données pouvant confirmer ou infirmer ses estimations. «Par contre, les récentes révisions de leurs prévisions attribuées au référencement parlent d’elles-mêmes», précise M. Kopelman.
Booking s’en tire mieux
Booking Holding (BKNG, 1 859,09 $ US) semble avoir mieux résisté à la tempête qui a frappé les sites de réservations en ligne. La société, qui détient aussi les sites Kayak, Priceline et Agoda, est moins exposée au référencement, selon M. Kopelman. L’analyste de Cowen estime que seulement 15 % de son BAIIA y est exposé.
Doug Anmuth, de JP Morgan, note que Booking a réussi à augmenter la part des visites directes par rapport à celles qui ont été référencées. «Les visites directes représentent la majorité de leurs activités, même si le référencement demeure important. Nous estimons que Booking est disciplinée en portant attention sur le rendement de l’investissement dans les dépenses de référencement. Même si l’entreprise s’est mieux tirée d’affaire, l’analyste préfère rester sur les lignes de côté tandis que l’environnement macroéconomique difficile pourrait ajouter une autre mauvaise nouvelle pour l’industrie.
Pas de solutions immédiates
Les difficultés liées au référencement risquent de perdurer, craint Andrew Boone, de JMP. «À l’approche de 2020, nous pensons que Google est susceptible de développer encore plus ses services publicitaires touristiques, ce qui risque d’entraîner encore plus de vent de face. Même si Expedia investit afin de promouvoir sa marque et le trafic direct sur ses sites, nous préférons rester sur les lignes de côté tant que nous ne voyons pas plus de diversification en ce qui a trait aux sources d’achalandage.» L’analyste abaisse donc sa recommandation de «surperformance» à «performance de marché».
La vive déception du marché par rapport aux résultats du troisième trimestre ne sera pas venue à bout de tous les optimistes. Ils sont 15 à émettre une recommandation d’achat sur le titre d’Expedia, contre 16 qui suggèrent de le conserver, selon une recension effectuée par Reuters.
Tout n’est pas nécessairement foutu pour Expedia, croit Lee Horowitz, d’Evercore. Il anticipe que la société, qui est aussi derrière plusieurs autres sites dont Hotels.com, Hotwire et Trivago, gagnera des parts de marché à l’international en raison de l’augmentation de son offre dans la location d’hébergement à des fins touristique et de la progression de ses activités traditionnelles de réservation de chambre d’hôtel.
M. Horowitz pense que l’action d’Expedia reste un bon investissement, car elle a le potentiel de gagner des parts de marché. Cette caractéristique rend le titre peu cher tandis qu’il s’échange à 13,9 fois les prévisions de bénéfices des 12 prochains mois, selon lui.
Même si le marché lui accorde un multiple plus élevé à 16,8 fois, les analystes sont moins enthousiastes que pour TripAdvisor, où seulement 6 des 25 analystes qui suivent le titre émettent une recommandation d’achat.
M. Anmuth explique que la dépendance au référencement est encore plus importante pour TripAdvisor qu’Expedia. Il abaisse donc sa recommandation de «neutre» à «sous- performance». Pour les investisseurs qui embarqueraient dans le titre, il ne voit aucun «chemin facile pour alimenter la croissance et améliorer les marges».