Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
Olivier Laquinte

Transformation numérique

Olivier Laquinte

Expert(e) invité(e)

Quand la «chaîne débarque»

Olivier Laquinte|Publié le 27 février 2024

Quand la «chaîne débarque»

J’ai fait des recherches pour retrouver le prix du même club sandwich en 2021. Verdict:11,99 $ .(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Il y a deux semaines, ma conjointe et ma fille étaient occupées à l’extérieur. J’ai donc décidé de me commander un club sandwich avec mon fils de 5 ans. Un seul, car il ne mange pas beaucoup… un détail important !

Je passe ma commande par téléphone et, comme d’habitude, la réceptionniste me donne le prix à la fin de la conversation : 22 $ ! Ouch ! 22 $ pour UN club sandwich ? Ben voyons donc !

Vous allez peut-être me demander d’où je sors en 2024 pour m’étonner de la hausse des prix, et vous n’aurez pas tort. Surtout que, compte tenu de mon travail, je mange au restaurant plusieurs fois par semaine. Je suis donc bien au fait de la hausse des prix. Mais en ce vendredi soir de février, ça m’a frappé en plein visage.

Tellement que j’y ai pensé toute la fin de semaine qui a suivi. Au point tel que j’ai fait des recherches pour retrouver le prix du même club sandwich en 2021. Verdict : 11,99 $. Presque la moitié du prix d’aujourd’hui. En parallèle, le prix du poulet, lui, a augmenté de 20% pendant la même période, ce qui est similaire à la hausse du panier d’épicerie.

Ce n’est donc pas seulement la hausse des matières premières qui peut justifier une telle augmentation. La réponse doit être ailleurs.

J’ai trouvé un élément de réponse dans un commentaire de Tiff Macklem, le gouverneur de la Banque du Canada, que j’ai librement traduit et retranscrit à partir de son discours à la Chambre de Commerce de Montréal plus tôt ce mois-ci :

«Au-delà de l’inflation, un des plus grands risques de l’économie canadienne est la perte de productivité, surtout causée par l’émergence de nouvelles capacités technologiques qui sont mieux exploitées ailleurs dans le monde. Le Canada perd du terrain. Nous avons soutenu la croissance économique par l’embauche de travailleurs et non pas par des gains de productivité.»

Les coûts de main-d’œuvre font partie de ceux dont nous avons le moins de contrôle, surtout en situation de rareté. Le recrutement, la formation, la perte de productivité et les augmentations salariales sont des charges qui s’ajoutent à l’inflation et qui expliquent en grande partie l’explosion des prix pour le consommateur.

Ces consommateurs, vous et moi, arrivons à la limite de notre capacité, ou de notre désir, de payer. C’est dangereux !

En réponse à cela, certaines chaines ont annoncé des programmes de baisse de prix, dont RONA. Dans la grande majorité des cas, ces diminutions se feront en mettant la pression sur les fournisseurs.

Il est donc impératif pour toutes nos entreprises de requestionner nos façons de faire et de mettre l’emphase sur les projets d’amélioration de la productivité et d’automatisation afin de permettre un meilleur contrôle des coûts à court et moyen terme.

Si la pénurie de main-d’œuvre ne nous avait pas convaincus, nous ne pourrons pas rester sourds aux demandes des consommateurs.

Je dis souvent que les transformations numériques des dernières années ont été initiées par le besoin d’améliorer l’expérience client. Je crois bien que je vais devoir ajouter que les transformations numériques des prochaines années devront avoir comme objectif de contrôler le prix pour le consommateur final.

Et si on parlait d’Arrivecan

Quelques personnes m’ont demandé ce que je pensais de la nouvelle saga Arrivecan.

Et bien, comme tout le monde, j’ai été estomaqué par ce nouveau fiasco qui ne fera rien pour redorer le blason des programmes de transformation numérique et n’aidera pas les entreprises canadiennes à se lancer dans des projets.

Mais au-delà du coût final de 60 millions de dollars, c’est l’estimation initiale qui me laisse pantois : 80 000 $.

Qui a bien pu penser qu’une application telle qu’Arrivecan coûterait ce montant ?

80 000 $, c’est le montant qu’il faut budgéter pour le site web «vitrine» d’une entreprise de taille, donc non transactionnel. Il est totalement impossible d’envisager le développement d’une application telle qu’Arrivecan pour ce montant, ne serait-ce qu’à cause du nombre d’interfaces à mettre en place et de la sécurité qui est nécessaire.

L’urgence ne peut expliquer ni excuser, cette mauvaise évaluation.

Je ne suis pas le premier à le dire, mais notre fonction publique manque d’expertise en technologie. Le recours aux consultants.es ne peut plus être la stratégie. Dans un contexte où le numérique est omniprésent et demande une adaptation constante, une grande organisation telle que le gouvernement fédéral devrait viser un ratio de 70-80% des ressources internes pour mener à bien ses projets. Cela favorise l’expertise, l’agilité et l’imputabilité.

Si un effort concerté n’est pas fait en ce sens, ce genre de fiasco restera malheureusement la norme.