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Québec doit revoir le financement de l’IA en santé, estime l’IRIS

La Presse Canadienne|Publié le 16 novembre 2023

Québec doit revoir le financement de l’IA en santé, estime l’IRIS

En entrevue à La Presse Canadienne, l’autrice de l’étude associée à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) insiste sur la nécessité de changer ce système qu’elle dit «défaillant». (Photo: La Presse Canadienne)

Il est impératif de revoir profondément la manière dont le Québec finance et soutient le développement de technologies d’intelligence artificielle en santé, affirme une étude publiée jeudi. Selon la chercheuse Myriam Lavoie−Moore, la structure actuelle nuit aux priorités du réseau de la santé. 

En entrevue à La Presse Canadienne, l’autrice de l’étude associée à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) insiste sur la nécessité de changer ce système qu’elle dit «défaillant».

Pour résumer, l’industrie derrière l’IA sert des intérêts bien différents que ceux du réseau de la santé. On observe un sérieux problème d’alignement entre les besoins réels du réseau public et les technologies.

De l’avis de Myriam Lavoie−Moore, qui a analysé 312 projets ayant obtenu du financement public, «on mise tout sur le développement d’entreprises à haut potentiel de croissance» dans l’espoir que celles−ci soient rachetées à profit par des géants des technologies comme Samsung, Microsoft, Alphabet ou Oracle.

Pour illustrer son argumentaire, elle souligne que c’est le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie qui pilote la stratégie d’investissements et non pas le ministère de la Santé.

Selon elle, si le réseau de la santé pouvait développer sa propre stratégie et miser sur ses propres budgets, peut−être que les objectifs pourraient s’harmoniser.

À titre d’exemple, Myriam Lavoie−Moore parle des nombreuses technologies d’analyse de l’imagerie médicale. On cherche à développer des programmes capables de faire le travail des radiologistes alors que ceux−ci sont tout à fait compétents et productifs. Les véritables problèmes sont ceux de l’accès aux examens et aux traitements, pas de l’analyse.

«Ce n’est pas du tout là où ça bloque en matière de performance dans le réseau de la santé», tranche-t-elle.

Autre exemple frappant, celui de Dialogue qui a obtenu d’importantes sommes pour développer un programme capable de trier les cas de COVID−19 selon leur sévérité. Elle a éventuellement échoué. Or, au moment d’investir dans le projet, on savait que plusieurs autres initiatives du genre avaient connu le même sort ailleurs dans le monde.

«C’est beaucoup d’argent public pour développer un projet qui n’avait pas vraiment de chances de fonctionner», critique celle qui détient un doctorat en communication et un postdoctorat en sociologie.

Dans son analyse de centaines de projets, elle affirme ne pas avoir encore vu de réelle évaluation de performance démontrant qu’une technologie d’intelligence artificielle a eu un impact favorable important dans le réseau de la santé.

«Quand on priorise la création de licornes, comme ils disent dans le milieu, on priorise les prouesses techniques plutôt que de l’utilité pour les fins du système sociosanitaire», déplore Mme Lavoie−Moore.

Ainsi, elle insiste sur l’importance de remettre en question la manière dont on sélectionne les projets soutenus financièrement. D’ailleurs, elle s’en prend à la structure en place où ce sont des consortiums privés plutôt opaques qui sont chargés de la gestion de fonds publics.

Des consortiums où siègent des représentants de l’industrie qui bénéficient directement de ces mêmes fonds publics dont ils ont la responsabilité.

La chercheuse en vient à la conclusion que les conséquences sont majeures pour le système de santé québécois puisque le programme d’innovation est orienté en fonction des priorités des géants pharmaceutiques et numériques et non pas des besoins de la population.

Ce sont donc de précieuses ressources financières qui sont détournées des réels besoins, mais aussi du temps, de l’énergie et des connaissances qui pourraient mieux servir les professionnels de la santé.

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Ugo Giguère, La Presse Canadienne